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09/05/2012 | FRANCE | N°343540

France | France, Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 09 mai 2012, 343540


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 septembre et 27 décembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Christian A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 0900045 - 0901758 du 8 juillet 2010 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté ses requêtes tendant, d'une part, à l'annulation du titre de pension en date du 3 novembre 2008, en ce qu'il ne tient pas compte des services aériens accomplis de 1990 à 2002 et à l'injonction au ministre de l'intér

ieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales de prendre en...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 septembre et 27 décembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Christian A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 0900045 - 0901758 du 8 juillet 2010 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté ses requêtes tendant, d'une part, à l'annulation du titre de pension en date du 3 novembre 2008, en ce qu'il ne tient pas compte des services aériens accomplis de 1990 à 2002 et à l'injonction au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales de prendre en compte les bonifications pour services aériens dans le calcul de sa pension et, d'autre part, à l'annulation du titre de pension en date du 4 mai 2009 en ce qu'il ne tient pas compte de l'ensemble des services aériens accomplis du 1er janvier 1990 au 15 avril 2002 et à l'injonction au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales de procéder à la révision de sa pension en tenant compte de la bonification de pension pour les services aériens accomplis de 1990 au 15 avril 2002, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses demandes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent Cytermann, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de M. A ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A a exercé les fonctions de mécanicien sauveteur secouriste au sein du groupement des moyens aériens de la sécurité civile de 1990 à 2006 ; que le titre de pension qui lui a été concédé le 3 novembre 2008 ne prenait pas en compte de bonifications pour les services aériens effectués entre le 1er janvier 1990 et le 15 avril 2002 ; qu'un nouveau titre de pension lui a été concédé le 4 mai 2009, tenant compte pour cette période des seuls vols d'essai, d'expérimentation ou d'instruction ; que M. A se pourvoit en cassation contre le jugement par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté ses requêtes dirigées contre les deux titres de pension ;

Considérant qu'eu égard aux moyens qu'il soulève, le pourvoi de M. A doit être regardé comme dirigé contre le jugement du 8 juillet 2010 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en tant seulement que celui-ci a rejeté les conclusions dirigées contre le titre de pension du 4 mai 2009 en tant que ce dernier ne prenait pas en compte l'intégralité des services aériens effectués entre le 1er janvier 1990 et le 15 avril 2002 ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Aux services effectifs s'ajoutent, dans les conditions déterminées par règlement d'administration publique, les bonifications ci-après : (...) d) bonifications pour l'exécution d'un service aérien ou sous-marin commandé (...) " ; que l'article R. 20 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa version antérieure au décret du 11 avril 2002, dispose : " I. - Ouvrent droit à des bonifications, au sens de l'article L. 12-d du code des pensions civiles et militaires de retraite : 1° Les services aériens commandés exécutés en dehors des opérations de guerre dans les conditions suivantes : A. - Par les personnels militaires : (...) e) Vols à bord d'aéronefs au cours d'une mission de secours ; vols à bord d'aéronefs suivis d'une descente en rappel ou par treuillage et les descentes elles-mêmes ; (...) B. - Par les personnels civils :/ a) Services accomplis par le personnel des corps d'ingénieurs techniciens d'études et de fabrications ou de techniciens d'études et de fabrications relevant du ministre de la défense et par le personnel technique de la navigation aérienne relevant du ministre chargé de l'aviation civile, à bord d'aéronefs dans l'exercice des fonctions de leur spécialité professionnelle à l'occasion des vols d'instruction, d'essais, de mise au point, de mise en oeuvre de matériels, équipements et dispositifs ressortissant à leur spécialité./ b) Services accomplis par les personnels techniques de la météorologie nationale embarqués à bord d'aéronefs en vue de l'exécution de missions météorologiques à l'occasion de vols d'instruction, d'essais, de mise au point, de mise en oeuvre de matériels, équipements et dispositifs ressortissant de leur spécialité. (...) " ;

Considérant que ces dispositions réservent, hors opérations de guerre, les bonifications pour services aériens aux militaires et aux seuls personnels civils appartenant à certains corps de la défense, de l'aviation civile et de la météorologie nationale ; qu'en instaurant ainsi une différence de traitement avec les autres personnels civils fondée sur le statut, elles méconnaissent le principe d'égalité, alors que l'objectif poursuivi par l'article L. 12 d) est d'accorder des bonifications en fonction de la nature des services accomplis ; que par suite, pour déterminer les services aériens effectués par des fonctionnaires civils avant le 15 avril 2002 ouvrant droit à bonification, doivent être pris en compte les services mentionnés au a) et au b) du B du I de l'article R. 20, quel que soit le corps du fonctionnaire civil concerné, et les services mentionnés au A du I du même article, lorsqu'il est établi qu'ils ont été effectués par des personnels civils dans des conditions analogues à celles dans lesquelles opèrent les militaires ;

Considérant que pour rejeter les requêtes de M. A, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, après avoir relevé que les missions de secours et de sauvetage accomplies par l'intéressé avaient été effectuées dans les conditions de la circulation aérienne militaire, a néanmoins jugé que les missions de secours et de sauvetage sur zone de recherche et les vols suivis d'une descente en rappel ou par treuillage effectués par M. A ne pouvaient être assimilées à celles ouvrant droit aux bonifications pour services aériens ; qu'en ne tirant pas toutes les conséquences du constat qu'il avait lui-même fait de la similitude des missions et des conditions de leur accomplissement sur l'égale ouverture aux bonifications pour services aériens, le tribunal a entaché son jugement d'erreur de droit ; que par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son jugement doit être annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre le titre de pension du 4 mai 2009 en tant que ce dernier ne prenait pas en compte l'intégralité des services aériens effectués par M. A entre le 1er janvier 1990 et le 15 avril 2002 ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement n° 0900045 et 0901758 du 8 juillet 2010 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre le titre de pension du 4 mai 2009 en tant que ce dernier ne prenait pas en compte l'intégralité des services aériens effectués par M. A entre le 1er janvier 1990 et le 15 avril 2002.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand.

Article 3 : L'Etat versera à M. A une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Monsieur Christian A et à la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.

Copie en sera adressée, pour information, au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.


Synthèse
Formation : 7ème et 2ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 343540
Date de la décision : 09/05/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Analyses

48-02-01-04-03 PENSIONS. PENSIONS CIVILES ET MILITAIRES DE RETRAITE. QUESTIONS COMMUNES. LIQUIDATION DES PENSIONS. BONIFICATIONS. - BONIFICATION POUR L'EXÉCUTION D'UN SERVICE AÉRIEN OU SOUS-MARIN COMMANDÉ (ART. R. 20 DU CPCMR) RÉSERVÉE AUX MILITAIRES ET SEULS PERSONNELS CIVILS APPARTENANT À CERTAINS CORPS - ILLÉGALITÉ DE CETTE RESTRICTION [RJ1] - CONSÉQUENCE - PRISE EN COMPTE, QUEL QUE SOIT LE CORPS DU FONCTIONNAIRE CIVIL, DE TOUS LES SERVICES AÉRIENS OUVRANT DROIT À LA BONIFICATION.

48-02-01-04-03 Dans leur version antérieure au décret n° 2002-510 du 11 avril 2002, les dispositions de l'article R. 20 du code des pensions civiles et militaires de retraite (CPCMR) réservaient, hors opérations de guerre, les bonifications pour services aériens aux militaires et aux seuls personnels civils appartenant à certains corps de la défense, de l'aviation civile et de la météorologie nationale. En instaurant ainsi une différence de traitement avec les autres personnels civils fondée sur le statut, elles méconnaissaient le principe d'égalité, alors que l'objectif poursuivi par l'article L. 12 d) du même code est d'accorder des bonifications en fonction de la nature des services accomplis. Par suite, pour déterminer les services aériens effectués par des fonctionnaires civils avant le 15 avril 2002 ouvrant droit à bonification, doivent être pris en compte les services mentionnés au a) et au b) du B du I de l'article R. 20, quel que soit le corps du fonctionnaire civil concerné, et les services mentionnés au A du I du même article, lorsqu'il est établi qu'ils ont été effectués par des personnels civils dans des conditions analogues à celles dans lesquelles opèrent les militaires.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, 6 novembre 1985, Ministre des finances c/ Leplus, n° 49741, p. 310.


Publications
Proposition de citation : CE, 09 mai. 2012, n° 343540
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Christian Vigouroux
Rapporteur ?: M. Laurent Cytermann
Rapporteur public ?: M. Nicolas Boulouis
Avocat(s) : SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:343540.20120509
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