La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/05/2012 | FRANCE | N°347116

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 09 mai 2012, 347116


Vu, 1°) sous le n° 347116, la requête, enregistrée le 28 février 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE AKIOLIS GROUP, dont le siège est au 72, avenue Olivier Messiaen au Mans (72000) ; la Société AKIOLIS GROUP demande au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite du ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement rejetant le recours gracieux présenté par la société tendant à l'abrogation de l'arrêté du 2 août 2010 relatif à l'utilisation

d'eaux issues du traitement d'épuration des eaux résiduaires urbaines pour l'ir...

Vu, 1°) sous le n° 347116, la requête, enregistrée le 28 février 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE AKIOLIS GROUP, dont le siège est au 72, avenue Olivier Messiaen au Mans (72000) ; la Société AKIOLIS GROUP demande au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite du ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement rejetant le recours gracieux présenté par la société tendant à l'abrogation de l'arrêté du 2 août 2010 relatif à l'utilisation d'eaux issues du traitement d'épuration des eaux résiduaires urbaines pour l'irrigation de cultures ou d'espaces verts et cet arrêté ;

2°) à titre subsidiaire, d'annuler l'arrêté du 2 août 2010 en tant qu'il s'applique aux terrains qui ne font pas l'objet de cultures destinées à l'alimentation humaine ou animale et aux eaux usées issues des installations de stockage ou de traitement de sous-produits d'animaux de catégorie 2 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu, 2°) sous le n° 347206, la requête, enregistrée le 3 mars 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour la SOCIETE SARIA INDUSTRIES, dont le siège est au 77, rue Charles Michels BP 230 à Saint-Denis Cedex (93253) ; la Société SARIA INDUSTRIES demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite du ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire rejetant son recours gracieux tendant à l'annulation de l'article 5 de l'arrêté ministériel du 2 août 2010 relatif à l'utilisation d'eaux issues du traitement d'épuration des eaux résiduaires urbaines pour l'irrigation de cultures ou d'espaces verts ainsi que l'article 5 de cet arrêté ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 12 avril 2012, présentée pour la SOCIETE SARIA INDUSTRIES ;

Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu la directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 juin 1998 ;

Vu le règlement 1774/2002 du Parlement européen et du Conseil du 3 octobre 2002 ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Eric Aubry, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Cyril Roger-Lacan, rapporteur public ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1311-1 du code de la santé publique : " Sans préjudice de l'application de législations spéciales et des pouvoirs reconnus aux autorités locales, des décrets en Conseil d'Etat, pris après consultation du Haut Conseil de la santé publique et, le cas échéant, du Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels, fixent les règles générales d'hygiène et toutes autres mesures propres à préserver la santé de l'homme, notamment en matière : /- de prévention des maladies transmissibles ; /- de salubrité des habitations, des agglomérations et de tous les milieux de vie de l'homme ; /- d'alimentation en eau destinée à la consommation humaine ; /- d'exercice d'activités non soumises à la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement ; /- d'évacuation, de traitement, d'élimination et d'utilisation des eaux usées et des déchets (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 211-23 du code de l'environnement dans sa rédaction alors applicable : " Les eaux usées peuvent, après épuration, être utilisées à des fins agronomiques ou agricoles, par arrosage ou par irrigation, sous réserve que leurs caractéristiques et leurs modalités d'emploi soient compatibles avec les exigences de protection de la santé publique et de l'environnement. /Les conditions d'épuration et les modalités d'irrigation ou d'arrosage requises, ainsi que les programmes de surveillance à mettre en oeuvre, sont définis, après avis de l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail et de la mission interministérielle de l'eau, par un arrêté du ministre chargé de la santé, du ministre chargé de l'environnement et du ministre chargé de l'agriculture " ; que la SOCIETE AKIOLIS, d'une part, et la SOCIETE SARIA, d'autre part, demandent au Conseil d'Etat l'annulation de l'arrêté conjoint des ministres de la santé et des sports, de l'écologie, du développement durable et de la mer, de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche du 2 août 2010 pris pour application de ces dispositions ; qu'il y a lieu de joindre ces deux requêtes qui sont dirigées contre le même arrêté pour statuer par une seule décision ;

Sur la légalité externe de l'arrêté attaqué :

Considérant, en premier lieu, que si la SOCIETE AKIOLIS soutient que la composition de la commission compétente de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments méconnaîtrait le principe d'impartialité, en l'absence d'informations suffisantes dans les déclarations publiques d'intérêt fournies par ses membres de nature à permettre d'apprécier l'existence d'un conflit d'intérêts, elle n'apporte aucun élément précis à l'appui de cette allégation ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la directive 98/34/CE prévoyant une procédure d'information dans le domaine des normes et réglementations techniques : " Sous réserve de l'article 10, les Etats membres communiquent immédiatement à la Commission tout projet de règle technique, sauf s'il s'agit d'une simple transposition intégrale d'une norme internationale ou européenne, auquel cas une simple information quant à la norme concernée suffit (...) " ; qu'aux termes de l'article 10 de cette directive : " les articles 8 et 9 ne sont pas applicables aux dispositions législatives, réglementaires et administratives par lesquels ces derniers :/se conforment aux actes communautaires contraignants qui ont pour effet l'adoption de spécifications techniques (...) " ; que, contrairement à ce qui est soutenu, l'arrêté attaqué, qui est conforme aux prescriptions du règlement 1774/ 2002 établissant des règles sanitaires applicables aux sous-produits animaux non destinés à la consommation humaine et qui n'y ajoute pas d'exigences nouvelles, n'avait pas à être communiqué à la Commission européenne en application des dispositions précitées ;

Considérant, enfin, que les comités spécifiques prévus par le règlement communautaire 1774/2002 sont des organismes que seule la Commission européenne est appelée à consulter ; qu'il suit de là que le moyen tiré du défaut de consultation de ces comités par les ministres auteurs de l'acte attaqué ne peut qu'être écarté ;

Sur la légalité interne de l'arrêté attaqué :

Considérant, en premier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les avis rendus par l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments sur les risques sanitaires liés à l'utilisation d'eaux usées provenant de stations d'épuration reliées à un établissement au contact de sous produits animaux de catégorie 1 (notamment les cadavres d'animaux atteints ou suspectés d'être infectés par une encéphalopathie spongiforme transmissible) et de catégorie 2 (notamment les autres cadavres d'animaux ou les lisiers et matières stercoraires) au sens du règlement européen 1774/ 2002 auraient fourni aux auteurs de l'arrêté attaqué des données scientifiques de nature à fausser manifestement leur appréciation des risques sanitaires existants, liés notamment aux encéphalopathies spongiformes subaigües transmissibles ; qu'en interdisant l'utilisation de ces eaux usées à des fins d'irrigation, sauf si ces eaux usées sont, préalablement à leur rejet dans le réseau de collecte, traitées dans les conditions précisées par l'arrêté attaqué, les auteurs de cet arrêté n'ont pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation leur évaluation du risque pour la santé humaine que représente l'utilisation de telles eaux usées ;

Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce qui est soutenu, les auteurs de l'arrêté attaqué n'ont pas posé d'interdiction qui excèderait ce qu'implique normalement la prévention de ce risque sanitaire en visant à la fois les établissements de collecte, de stockage, de manipulation ou de traitement des sous-produits d'origine animale de catégorie 1 et 2 et en ne limitant pas le champ de l'interdiction d'utiliser ces eaux usées aux seuls terrains portant des cultures destinées à l'alimentation humaine compte tenu, d'une part, de l'impossibilité technique de distinguer en amont entre les eaux selon leur utilisation ultérieure et, d'autre part, du risque de contamination indirecte que l'irrigation des terrains pourrait entraîner ;

Considérant, en troisième lieu, que l'arrêté litigieux, pris en application de l'article L. 1311-1 du code de la santé publique et de l'article R. 211-23 du code de l'environnement, est justifié par des raisons de santé publique et proportionné au risque encouru ; que , par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit de propriété et de la liberté du commerce et de l'industrie ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en dernier lieu, que dès lors que les dispositions contestées, qui ne sont pas discriminatoires, sont justifiées par des raisons de santé publique et sont proportionnées au regard du risque encouru, elles ne sont contraires, ni à la libre prestation des services à l'intérieur de l'Union européenne prévue par l'article 56 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ni à la liberté d'établissement prévue à son chapitre 2 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les SOCIETES AKIOLIS et SARIA ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'arrêté qu'elles attaquent ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions présentées au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les requêtes des SOCIETES AKIOLIS et SARIA sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE AKIOLIS GROUP, à la SOCIETE SARIA INDUSTRIES, au Premier ministre, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement et au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire et au ministre du travail, de l'emploi et de la santé.


Synthèse
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 347116
Date de la décision : 09/05/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

27-06 EAUX. - RÈGLES D'UTILISATION DES EAUX USÉES - PRÉVENTION DU RISQUE SANITAIRE LIÉ À L'UTILISATION D'EAUX USÉES PROVENANT DE STATIONS D'ÉPURATION RELIÉES À DES ÉTABLISSEMENTS TRAITANT OU STOCKANT DES SOUS-PRODUITS ANIMAUX - INTERDICTION, SAUF TRAITEMENT PRÉALABLE, DE L'UTILISATION À FINS D'IRRIGATION - INTERDICTION NON LIMITÉE AUX SEULS TERRAINS PORTANT DES CULTURES DESTINÉES À L'ALIMENTATION HUMAINE - LÉGALITÉ.

27-06 Les ministres chargés de la santé et de l'environnement ont pu légalement interdire l'usage des eaux usées, sauf traitement préalable dans des conditions prévues par arrêté, provenant de stations d'épuration reliées à des établissements traitant ou stockant des sous-produits animaux à des fins d'irrigation sans limiter le champ de l'interdiction aux seuls terrains portant des cultures destinées à l'alimentation humaine compte tenu, d'une part, de l'impossibilité technique de distinguer en amont entre les eaux selon leur utilisation ultérieure et, d'autre part, du risque de contamination indirecte que l'irrigation des terrains pourrait entraîner.


Publications
Proposition de citation : CE, 09 mai. 2012, n° 347116
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Christian Vigouroux
Rapporteur ?: M. Eric Aubry
Rapporteur public ?: M. Cyril Roger-Lacan

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:347116.20120509
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award