La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/05/2012 | FRANCE | N°337573

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 10 mai 2012, 337573


Vu le pourvoi, enregistré le 15 mars 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09DA00393 du 14 janvier 2010 de la cour administrative d'appel de Douai en tant que la cour, sur l'appel du ministre, après avoir annulé l'article 2 du jugement n° 0602634 du 30 décembre 2008 du tribunal administratif d'Amiens ayant annulé la décision du directeur des services fiscaux du Nord infligeant une amend

e en application de l'article 1840 N sexies du code général des im...

Vu le pourvoi, enregistré le 15 mars 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09DA00393 du 14 janvier 2010 de la cour administrative d'appel de Douai en tant que la cour, sur l'appel du ministre, après avoir annulé l'article 2 du jugement n° 0602634 du 30 décembre 2008 du tribunal administratif d'Amiens ayant annulé la décision du directeur des services fiscaux du Nord infligeant une amende en application de l'article 1840 N sexies du code général des impôts à la société Eurospeed Technic France au titre de la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2004 et la décision du 6 octobre 2006 rejetant le recours gracieux formé par cette société, a déchargé cette dernière de l'amende mise à sa charge à hauteur de la somme restant en litige ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Matthieu Schlesinger, Auditeur,

- les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler, avocat de la société Eurospeed Technic France,

- les conclusions de M. Pierre Collin, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, avocat de la société Eurospeed Technic France ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Eurospeed Technic France, qui exerçait l'activité de négoce de véhicules d'occasion, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité pour la période du 1er juillet 2002 au 30 juin 2004 ; qu'au cours de cette vérification, l'administration fiscale a constaté que la société avait payé en numéraire des achats de véhicules réalisés à l'étranger d'un montant unitaire supérieur à 750 euros ; qu'après avoir constaté des infractions aux dispositions de l'article L. 112-6 du code monétaire et financier par un procès-verbal du 9 septembre 2005, l'administration a notifié à la société le 16 septembre suivant une amende de 44 487 euros établie sur le fondement de l'article 1840 N sexies du code général des impôts ; que la société a saisi le tribunal administratif d'Amiens qui, par un jugement du 30 décembre 2008, après avoir jugé irrecevables les conclusions dirigées contre le procès-verbal et la notification de redressement, a, d'une part, prononcé un non-lieu à statuer à hauteur d'un dégrèvement survenu en cours d'instance de 837 euros et, d'autre part, déchargé la société de l'amende restant en litige ; que la cour administrative d'appel de Douai, par un arrêt du 14 janvier 2010 rendu sur le recours du ministre, après avoir partiellement annulé le jugement à raison de l'erreur commise par le tribunal sur l'étendue de ses pouvoirs, a de nouveau prononcé la décharge de l'amende restant en litige ; que le ministre se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu'il prononce cette décharge ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa du I de l'article L. 112-6 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable à la date des infractions relevées à l'encontre de la société Eurospeed Technic France : " Les règlements qui excèdent la somme de 750 euros ou qui ont pour objet le paiement par fraction d'une dette supérieure à ce montant, portant sur les loyers, les transports, les services, fournitures et travaux ou afférents à des acquisitions d'immeubles ou d'objets mobiliers ainsi que le paiement des produits de titres nominatifs et des primes ou cotisations d'assurance doivent être effectués par chèque barré, virement ou carte de paiement ; il en est de même pour les transactions sur des animaux vivants ou sur les produits de l'abattage " ; qu'aux termes de l'article L. 112-7 du même code dans sa rédaction applicable à la procédure et au prononcé de la sanction : " Les infractions aux dispositions de l'article L. 112-6 sont constatées par des agents désignés par arrêté du ministre chargé du budget. Les contrevenants sont passibles d'une amende fiscale dont le montant ne peut excéder 5 % des sommes indûment réglées en numéraire. Cette amende, qui est recouvrée comme en matière de timbre, incombe pour moitié au débiteur et au créancier ; mais chacun d'eux est solidairement tenu d'en assurer le règlement total " ; que les termes des deuxième et troisième phrases de cet article étaient rappelés par les dispositions de l'article 1840 N sexies du code général des impôts, désormais reprises à l'article 1840 J de ce code ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 3 du code civil : " Les lois de police et de sûreté obligent tous ceux qui habitent le territoire " ;

Considérant qu'il résulte des dispositions du I de l'article L. 112-6 du code monétaire et financier que l'obligation d'effectuer par chèque barré, virement ou carte bancaire les règlements qui excèdent la somme de 750 euros s'applique à tous les paiements qui ont lieu en France, quelle que soit la loi applicable au contrat pour l'exécution duquel ils interviennent et quels que soient la nationalité ou le lieu de la résidence habituelle du débiteur ou du créancier ou, s'agissant de sociétés, l'Etat dans lequel elles ont leur siège ; que contrairement à ce que soutient le ministre, les dispositions du premier alinéa de l'article 3 du code civil n'ont pas pour effet de soumettre les règlements effectués hors du territoire français à l'obligation instaurée au I de l'article L. 112-6 du code monétaire et financier ; que, par suite, en jugeant que dès lors que le paiement n'avait pas eu lieu en France, l'administration n'était pas fondée à infliger à la société Eurospeed Technic France l'amende prévue à l'article 1840 N sexies du code général des impôts, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt, n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le pourvoi du ministre doit être rejeté ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société Eurospeed Technic France de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera la somme de 3 000 euros à la société Eurospeed Technic France au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT et à la société Eurospeed Technic France.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CAPITAUX - MONNAIE - BANQUES - MONNAIE - AMENDE SANCTIONNANT L'INTERDICTION DU PAIEMENT EN ESPÈCES DE CERTAINES CRÉANCES (ART - 1840 N SEXIES DU CGI) - CHAMP D'APPLICATION - PAIEMENTS AYANT LIEU EN FRANCE - QUELLE QUE SOIT LA NATIONALITÉ OU L'ETAT DU SIÈGE DU DÉBITEUR OU DU CRÉANCIER - INCLUSION [RJ1] - PAIEMENTS AYANT LIEU HORS DE FRANCE - EXCLUSION - Y COMPRIS LORSQUE LE DÉBITEUR EST UNE SOCIÉTÉ FRANÇAISE.

13-02 Il résulte des dispositions du I de l'article L. 112-6 du code monétaire et financier (CMF) que l'obligation d'effectuer par chèque barré, virement ou carte bancaire les règlements qui excèdent la somme de 750 euros s'applique à tous les paiements qui ont lieu en France, quelle que soit la loi applicable au contrat pour l'exécution duquel ils interviennent et quels que soient la nationalité ou le lieu de la résidence habituelle du débiteur ou du créancier ou, s'agissant de sociétés, l'Etat dans lequel elles ont leur siège. Les dispositions du premier alinéa de l'article 3 du code civil, suivant lesquelles « Les lois de police et de sûreté obligent tous ceux qui habitent le territoire », n'ont pas pour effet de soumettre les règlements effectués hors du territoire français à l'obligation instaurée au I de l'article L. 112-6 du CMF. Par suite, dès lors que le paiement n'a pas lieu en France, l'administration n'est pas fondée à infliger à une société ayant son siège en France l'amende fiscale prévue à l'article 1840 N sexies du code général des impôts (CGI) à l'encontre des contrevenants aux dispositions de l'article L. 112-6 du CMF.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - AMENDES - PÉNALITÉS - MAJORATIONS - AMENDE SANCTIONNANT L'INTERDICTION DU PAIEMENT EN ESPÈCES DE CERTAINES CRÉANCES (ART - 1840 N SEXIES DU CGI) - CHAMP D'APPLICATION - PAIEMENTS AYANT LIEU EN FRANCE - QUELLE QUE SOIT LA NATIONALITÉ OU L'ETAT DU SIÈGE DU DÉBITEUR OU DU CRÉANCIER - INCLUSION [RJ1] - PAIEMENTS AYANT LIEU HORS DE FRANCE - EXCLUSION - Y COMPRIS LORSQUE LE DÉBITEUR EST UNE SOCIÉTÉ FRANÇAISE.

19-01-04 Il résulte des dispositions du I de l'article L. 112-6 du code monétaire et financier (CMF) que l'obligation d'effectuer par chèque barré, virement ou carte bancaire les règlements qui excèdent la somme de 750 euros s'applique à tous les paiements qui ont lieu en France, quelle que soit la loi applicable au contrat pour l'exécution duquel ils interviennent et quels que soient la nationalité ou le lieu de la résidence habituelle du débiteur ou du créancier ou, s'agissant de sociétés, l'Etat dans lequel elles ont leur siège. Les dispositions du premier alinéa de l'article 3 du code civil, suivant lesquelles « Les lois de police et de sûreté obligent tous ceux qui habitent le territoire », n'ont pas pour effet de soumettre les règlements effectués hors du territoire français à l'obligation instaurée au I de l'article L. 112-6 du CMF. Par suite, dès lors que le paiement n'a pas lieu en France, l'administration n'est pas fondée à infliger à une société ayant son siège en France l'amende fiscale prévue à l'article 1840 N sexies du code général des impôts (CGI) à l'encontre des contrevenants aux dispositions de l'article L. 112-6 du CMF.


Références :

[RJ1]

Rappr. CE, Assemblée, 16 février 2009, Société Atom, n° 274000, p. 25 ;

CE, 31 juillet 2009, Société Cyberoffice, n° 307781, inédite au Recueil ;

CE, 16 novembre 2011, Société Benlux Louvre, n° 353040, à mentionner aux Tables.


Publications
Proposition de citation: CE, 10 mai. 2012, n° 337573
Publié au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Matthieu Schlesinger
Rapporteur public ?: M. Pierre Collin
Avocat(s) : SCP FABIANI, LUC-THALER

Origine de la décision
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Date de la décision : 10/05/2012
Date de l'import : 23/03/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 337573
Numéro NOR : CETATEXT000025912078 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2012-05-10;337573 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award