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11/05/2012 | FRANCE | N°358186

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 11 mai 2012, 358186


Vu la requête, enregistrée le 2 avril 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour le SYNDICAT NATIONAL DU CONTROLE TECHNIQUE AUTOMOBILE (SNCTA), dont le siège est situé 209 route de Charlieu à Roanne (42300), représenté par son président ; le syndicat demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) de suspendre, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution du refus implicite du Premier ministre d'abroger les dispositions du deuxième alinéa du II de l'article R. 323-13 du code de la r

oute ;

2°) d'enjoindre au Gouvernement d'abroger cette disposition ou,...

Vu la requête, enregistrée le 2 avril 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour le SYNDICAT NATIONAL DU CONTROLE TECHNIQUE AUTOMOBILE (SNCTA), dont le siège est situé 209 route de Charlieu à Roanne (42300), représenté par son président ; le syndicat demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) de suspendre, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution du refus implicite du Premier ministre d'abroger les dispositions du deuxième alinéa du II de l'article R. 323-13 du code de la route ;

2°) d'enjoindre au Gouvernement d'abroger cette disposition ou, subsidiairement, de ne déclarer recevable aucune demande de nouvelle autorisation ou de renouvellement jusqu'à la date de la décision du Conseil d'Etat statuant sur la légalité de cette disposition ;

il soutient que la condition d'urgence est remplie dès lors que la prolongation de la situation discriminatoire résultant du refus d'abroger cette disposition porte une atteinte grave et immédiate aux intérêts qu'il représente et que des agréments ou renouvellements d'agréments continuent à être accordés par l'administration ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ; qu'en refusant de procéder à l'abrogation de la disposition contestée plus de quatre mois et demi après la décision du Conseil d'Etat, constatant son illégalité et relevant que l'administration devra prendre les mesures nécessaires, la décision de l'administration est entachée d'illégalité ; qu'en prévoyant la possibilité qu'un réseau de contrôle agréé puisse utiliser des installations situées dans des locaux abritant des activités de réparation, la disposition que l'administration refuse d'abroger méconnaît le principe de séparation du contrôle et de la réparation posé par l'article 23 de la loi du 10 juillet 1989, codifié à l'article L. 323-1 du code de la route ; qu'à supposer que la dérogation permise par la disposition réglementaire litigieuse ait été justifiée lors de son adoption, à titre transitoire, le changement de circonstances de fait, et spécialement la densité actuelle du maillage de centres de contrôle sur toute l'étendue du territoire, rend cette disposition illégale ;

Vu la décision dont la suspension de l'exécution est demandée ;

Vu la copie de la requête à fin d'annulation ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 avril 2012, présenté par le Premier ministre ; il soutient que la requête est irrecevable dès lors que le syndicat requérant ne démontre pas sa qualité et son intérêt à agir contre la décision litigieuse ; que la condition d'urgence n'est pas remplie tant en raison de l'absence de délivrance de nouveaux agréments, de la nécessité de procéder aux renouvellements de certains agréments en vertu du principe de sécurité juridique et de l'intérêt général, et du caractère transitoire de l'exécution de cette disposition litigieuse dans l'attente de l'aboutissement du projet d'élaboration d'un nouveau décret ; que la condition tenant à l'existence d'un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée n'est pas remplie dès lors que le Conseil d'Etat a lui-même précisé que le Gouvernement n'était pas tenu dans les circonstances de l'espèce d'abroger la disposition litigieuse ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 89-469 du 10 juillet 1989 relative à diverses dispositions en matière de sécurité routière et en matière de contraventions ;

Vu la loi n° 2009-179 du 17 février 2009 pour l'accélération des programmes de construction et d'investissements publics et privés ;

Vu le code de la route ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le SYNDICAT NATIONAL DU CONTROLE TECHNIQUE AUTOMOBILE et, d'autre part, le Premier ministre ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 3 mai 2012 à 11 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Potier de la Varde, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du SYNDICAT NATIONAL DU CONTROLE TECHNIQUE AUTOMOBILE ;

- le représentant du SYNDICAT NATIONAL DU CONTROLE TECHNIQUE AUTOMOBILE ;

- les représentants du Premier ministre, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a clôturé l'instruction ;

Vu les pièces complémentaires produites le 3 mai 2012 par le Premier ministre ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;

Considérant qu'en application de l'article L. 323-1 du code de la route, codifiant l'article 23 de la loi du 10 juillet 1989, l'article R. 323-13 de ce code règlemente les modalités techniques relatives aux contrôles techniques imposés aux véhicules ; que, si cet article pose, à l'alinéa 1er de son II, le principe selon lequel l'activité d'un centre de contrôle doit s'exercer dans des locaux n'abritant aucune activité de réparation ou de commerce automobile, l'alinéa 2 de ce II permet une dérogation à cette obligation en disposant que, " afin d'assurer une meilleure couverture géographique, de répondre aux besoins des usagers ou, s'agissant des véhicules lourds, de réduire les déplacements, un réseau de contrôle agréé peut utiliser des installations auxiliaires situées dans des locaux abritant des activités de réparation ou de commerce automobile ", à la condition d'obtenir un agrément particulier à cet effet ; que le Conseil d'Etat a jugé, par une décision du 21 octobre 2011 statuant sur une exception d'illégalité, que les dispositions du II de cet article R. 323-13 méconnaissent le principe d'égalité et " qu'il appartient au titulaire du pouvoir réglementaire de tirer les conséquences de cette illégalité, soit en abrogeant ces dispositions, soit en les modifiant pour en étendre le bénéfice, avec les adaptations qui apparaîtraient nécessaires, à l'ensemble des centres " ;

Considérant que le SYNDICAT NATIONAL DU CONTROLE TECHNIQUE AUTOMOBILE, qui a intérêt à agir, demande la suspension de la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté sa demande d'abrogation des dispositions de l'article R. 323-13 II 2° du code de la route au motif que ce refus ne tire pas les conséquences de la déclaration d'illégalité de ces dispositions par le Conseil d'Etat ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'administration a bien, conformément à la décision précitée du 21 octobre 2011, tiré les conséquences de l'illégalité déclarée des dispositions précitées, d'une part, en saisissant le Conseil d'Etat d'un projet de décret aux fins de mettre le dispositif en conformité avec la loi et, d'autre part, en donnant instruction aux préfets, par une circulaire du 28 octobre 2011, confirmée le 15 février 2012, de ne plus délivrer d'agrément pour une nouvelle installation auxiliaire jusqu'à ce que le nouveau décret modifiant le code de la route sur ce point ait été publié ; qu'il s'ensuit que, à l'égard de cette partie de la contestation, la condition d'urgence n'est pas remplie ;

Considérant toutefois qu'en permettant, par la circulaire du 15 février 2012, la délivrance de renouvellements d'agréments dont bénéficient les installations auxiliaires des centres en réseau, les instructions données par l'administration en ce domaine ne tirent pas les conséquences de la déclaration d'illégalité précitée ; qu'ainsi, le trouble causé par le non-respect de cette déclaration d'illégalité, en ce qui concerne les renouvellements d'agrément d'installations auxiliaires relevant d'un réseau de contrôle, est de nature à porter atteinte, de façon suffisamment grave et immédiate, à l'intérêt général tenant au respect des décisions de justice ainsi qu'aux intérêts que le syndicat requérant entend défendre ; que, dans ces conditions, la condition d'urgence doit être regardée comme remplie ;

Considérant, en second lieu, que, ainsi que l'a jugé le Conseil d'Etat dans sa décision du 21 octobre 2011, la dérogation permise par les dispositions de cet article R. 323-13 II 2° instaure une différence de traitement manifestement disproportionnée entre les centres de contrôle technique automobile selon qu'ils sont organisés en réseaux ou qu'ils sont indépendants, méconnaissant ainsi le principe d'égalité ; qu'il en résulte que le moyen tiré de ce que le Premier ministre ne peut légalement, pour tirer les conséquences de cette déclaration d'illégalité prononcée par le Conseil d'Etat, donner instruction aux préfets d'étudier les demandes de renouvellement d'agrément des installations auxiliaires sans attendre la publication du décret portant modification de ces dispositions, doit être regardé, en l'état de l'instruction, comme étant propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision dont la suspension est demandée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conditions posées par l'article L. 521-1 du code de justice administrative, pour que le juge des référés puisse prononcer la suspension d'une décision contestée, sont remplies en l'espèce ; qu'il y a, dès lors, lieu de suspendre la décision du Premier ministre en ce qu'elle donne instruction d'autoriser les renouvellements d'agréments d'installations auxiliaires postérieurement à la déclaration d'illégalité du Conseil d'Etat précitée, et ce, jusqu'au jugement de l'affaire au fond ou, si elle est antérieure, jusqu'à la publication du décret portant modification des dispositions litigieuses du code de la route ;

Considérant qu'il suit de là que le surplus des conclusions soumises doit être rejeté, y compris celles présentées à fin d'injonction ;

O R D O N N E :

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Article 1er : L'exécution de la décision du Premier ministre d'autoriser le renouvellement des agréments délivrés aux installations auxiliaires, en application du deuxième alinéa de l'article R. 323-13 II, est suspendue jusqu'au jugement de l'affaire au fond ou, si elle est antérieure, jusqu'à la date de publication du décret portant modification de ces dispositions.

Article 2 : Le surplus des conclusions du SYNDICAT NATIONAL DU CONTROLE TECHNIQUE AUTOMOBILE est rejeté.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au SYNDICAT NATIONAL DU CONTROLE TECHNIQUE AUTOMOBILE et au Premier ministre, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 358186
Date de la décision : 11/05/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 11 mai. 2012, n° 358186
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Christian Vigouroux
Avocat(s) : SCP POTIER DE LA VARDE, BUK LAMENT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:358186.20120511
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