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15/05/2012 | FRANCE | N°359106

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 15 mai 2012, 359106


Vu le recours, enregistré le 3 mai 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION ; le ministre demande au juge des référés du Conseil d'Etat d'annuler l'ordonnance n° 1206348/9 du 18 avril 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a enjoint au préfet de police de délivrer à Mme A une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que

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Vu le recours, enregistré le 3 mai 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION ; le ministre demande au juge des référés du Conseil d'Etat d'annuler l'ordonnance n° 1206348/9 du 18 avril 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a enjoint au préfet de police de délivrer à Mme A une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile statue sur son recours, en lui indiquant le lieu susceptible de l'accueillir afin de bénéficier des conditions matérielles d'accueil prévues par la directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003 ;

il soutient que la requête introduite en première instance par la requérante est irrecevable ; que la condition d'urgence n'est pas remplie dès lors que le refus de séjour est pleinement fondé ; que deux associations l'ayant prise en charge, l'intéressée ne se trouve pas dans une situation d'isolement ; que sa demande d'asile est dilatoire ; que c'est à bon droit que le préfet de police a considéré qu'elle n'avait été présentée que dans le but de faire échec à la mesure d'éloignement dont elle faisait l'objet ; que sa demande d'asile ne peut être regardée comme sérieuse dès lors qu'elle ne relève ni de l'asile conventionnel ni de la protection subsidiaire mais des dispositions de l'article L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à la protection des victimes de la traite des êtres vivants ; qu'aucun des moyens soulevés en première instance ne justifie l'existence d'une atteinte grave et manifestement illégale au droit constitutionnel d'asile ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 mai 2012, présenté par Mme Favour A, qui conclut au rejet du recours et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que sa requête devant le juge des référés de première instance est recevable ; que le ministre fait une analyse erronée des faits ; que sa demande d'asile ne peut être regardée comme dilatoire, abusive ou visant à faire échec à la mesure d'éloignement dont elle faisait l'objet ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION et, d'autre part, Mme A ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 10 mai 2012 à 9 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :

- les représentantes du MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION ;

- Me Meier-Bourdeau avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mme A ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a prolongé l'instruction jusqu'au 11 mai 2012 à 12 heures ;

Vu les pièces complémentaires, enregistrées le 10 mai 2012, présentées par Mme A ; elle soutient qu'elle a déposé une plainte pour proxénétisme le 8 mars 2011 ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 11 mai 2012, présenté par le MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION, qui conclut aux mêmes fins que son recours par les mêmes moyens ;

Vu la décision par laquelle le juge des référés a prolongé l'instruction ce même jour jusqu'à 19 heures ;

Vu les nouvelles observations, enregistrées le 11 mai 2012, présentées par Mme A ;

Vu les nouvelles observations, enregistrées le 11 mai 2012, présentées par le MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale (...) " ;

Considérant que le droit constitutionnel d'asile, qui a le caractère d'une liberté fondamentale, a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié ; que, si ce droit implique que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit en principe autorisé à demeurer sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande, ce droit s'exerce dans les conditions définies par l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui permettent de refuser l'admission en France, notamment lorsque la demande d'asile constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme A, ressortissante nigériane, est entrée sur le territoire français en 2008 ; que, prise en charge par plusieurs associations, elle est parvenue à s'émanciper du réseau qui la contraignait à se prostituer depuis son arrivée en France ; qu'après avoir fait l'objet de plusieurs interpellations et mesures d'éloignement forcé entre 2009 et 2011, elle a été placée en rétention administrative, le 21 mars 2012, en vue de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre par le préfet de police ; qu'après la présentation d'une demande d'asile, le 26 mars 2012, le préfet de police a refusé, le même jour, de l'admettre au séjour en vue de l'examen de cette nouvelle demande, en se fondant sur le 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'examinée selon la procédure prioritaire prévue par l'article L. 723-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la demande de Mme A a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 30 mars 2012, par une décision qui fait l'objet d'un recours pendant devant la Cour nationale du droit d'asile ; que le MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION relève appel de l'ordonnance du 18 avril 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a enjoint au préfet de police de délivrer à Mme A une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile statue sur son recours ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient le MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION, la circonstance qu'un étranger n'a pas contesté, dans le délai prévu à l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ne fait pas obstacle à ce qu'il saisisse, le cas échéant, le juge des référés d'une demande, présentée sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, dirigée contre le refus de l'admettre provisoirement au séjour pris en application du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et fondé sur le caractère abusif ou dilatoire de la demande d'asile qu'il a présentée postérieurement au prononcé de cette mesure d'éloignement forcé ; que, dans pareil cas, il appartient au juge des référés d'apprécier si les circonstances invoquées par le demandeur caractérisent une situation d'urgence au sens de l'article L. 521-2 justifiant qu'il intervienne avant que la Cour nationale du droit d'asile statue sur le recours introduit à l'encontre de la décision par laquelle l'OFPRA a rejeté, selon la procédure prioritaire prévue par l'article L. 723-1 précité, cette demande d'asile ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment des éléments versés aux débats lors de l'audience et des échanges contradictoires postérieurs à celle-ci, en particulier les attestations des associations qui ont pris en charge Mme A et la plainte pour proxénétisme que celle-ci a déposée le 6 mars 2011, sur le fondement des articles 225-1 et suivants du code pénal, que les circonstances de la venue et du séjour en France de l'intéressée, dont fait d'ailleurs état la décision de l'OFPRA du 30 mars 2012, caractérisent une situation d'urgence au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ; qu'eu égard à ces circonstances particulières qui révèlent la vulnérabilité de Mme A, le préfet de police a, en l'espèce, porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile en estimant que la demande formulée par l'intéressée avait été exclusivement présentée afin de faire échec à la mesure d'éloignement dont elle faisait l'objet et en lui refusant le bénéfice de l'admission provisoire au séjour jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile ait statué sur sa demande ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION n'est pas fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ; que, l'Etat succombant dans la présente instance, il y a lieu de mettre à sa charge une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

O R D O N N E :

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Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à Mme A en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION et à Mme Favour A.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 359106
Date de la décision : 15/05/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 15 mai. 2012, n° 359106
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Mattias Guyomar
Avocat(s) : SCP ANCEL, COUTURIER-HELLER, MEIER-BOURDEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:359106.20120515
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