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16/05/2012 | FRANCE | N°356924

France | France, Conseil d'État, 4ème sous-section jugeant seule, 16 mai 2012, 356924


Vu la décision du 23 janvier 2012, enregistrée le 20 février 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) statuant en matière disciplinaire, avant de statuer sur l'appel formé par M. Laroussi A contre la décision du 21 mai 2010 de la section disciplinaire du conseil d'administration de l'université de Paris 4 prononçant à son encontre la sanction de révocation assortie de l'interdiction définitive d'exercer toute fonction dans un établissement public ou privé, a décidé, en applica

tion des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-10...

Vu la décision du 23 janvier 2012, enregistrée le 20 février 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) statuant en matière disciplinaire, avant de statuer sur l'appel formé par M. Laroussi A contre la décision du 21 mai 2010 de la section disciplinaire du conseil d'administration de l'université de Paris 4 prononçant à son encontre la sanction de révocation assortie de l'interdiction définitive d'exercer toute fonction dans un établissement public ou privé, a décidé, en application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 232-3, et des articles L. 712-4 et L. 952-8 du code de l'éducation ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu le code de l'éducation, notamment ses articles L. 232-3, L. 712-4 et L. 952-8 ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu le décret n° 84-431 du 6 juin 1984 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Bethânia Gaschet, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Rémi Keller, rapporteur public ;

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du troisième alinéa de l'article L. 232-3 du code de l'éducation : " La composition, les modalités de désignation des membres des formations compétentes à l'égard des enseignants et des usagers et leur fonctionnement sont fixés par décret en Conseil d'Etat. " ; que l'article 34 de la Constitution réserve à la compétence exclusive du législateur la fixation des seules règles de procédure pénale ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que le législateur aurait méconnu sa compétence en édictant les dispositions précitées du troisième alinéa de cet article en tant qu'elles renvoient à un décret en Conseil d'Etat la fixation des règles de fonctionnement du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) statuant en matière disciplinaire ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 712-4 du code de l'éducation : " Le pouvoir disciplinaire à l'égard des enseignants chercheurs, enseignants et usagers est exercé en premier ressort par le conseil d'administration de l'établissement constitué en section disciplinaire. / Le président de la section disciplinaire est un professeur des universités ; il est élu en leur sein par l'ensemble des enseignants-chercheurs membres de la section. / Un décret en Conseil d'Etat précise la composition, les modalités de désignation des membres et le fonctionnement de la section disciplinaire. Il fixe les conditions selon lesquelles le conseil d'administration complète la composition de la section disciplinaire lorsque le nombre de représentants élus des enseignants-chercheurs et enseignants ne permet pas la constitution des différentes formations de jugement et désigne le membre de chacun des corps ou catégories de personnels non titulaires qui ne sont pas représentés au sein de la section disciplinaire. Certaines sections peuvent être communes à plusieurs établissements, notamment en cas de rattachement prévu par l'article L. 719-10. " ;

Considérant qu'en tant qu'il a, par cet article, renvoyé au pouvoir réglementaire le soin de préciser les règles de fonctionnement de la section disciplinaire, le législateur n'a pas, pour le motif indiqué ci-dessus, méconnu sa compétence ; qu'une atteinte au principe de légalité des peines ne peut être utilement invoquée à l'encontre de cet article, qui ne fixe aucune peine ; que l'exigence d'indépendance et d'impartialité du conseil d'administration constitué en section disciplinaire n'impliquait pas nécessairement, contrairement à ce que soutient M. A, la présence en son sein de magistrats professionnels ; que les dispositions de l'article L. 712-4 fixant la composition de ce conseil ne sont donc pas, à ce titre, contraires à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 952-8 du code de l'éducation : " Sous réserve des dispositions prises en application de l'article L. 952-23, les sanctions disciplinaires qui peuvent être appliquées au enseignants-chercheurs et aux membres des corps des personnels enseignants de l'enseignement supérieur sont : / 1° Le blâme ; / 2° Le retard à l'avancement d'échelon pour une durée de deux ans au maximum ; / 3° L'abaissement d'échelon ; / 4° L'interdiction d'accéder à une classe, grade ou corps supérieurs pendant une durée de deux ans au maximum ; / 5° L'interdiction d'exercer toutes fonctions d'enseignement ou de recherche ou certaines d'entre elles dans l'établissement ou dans tout établissement public d'enseignement supérieur pendant cinq ans au maximum, avec privation de la moitié ou de la totalité du traitement ; / 6° La mise à la retraite d'office ; / 7° La révocation. / Les personnes à l'encontre desquelles a été prononcée la sixième ou la septième sanction peuvent être frappées à titre accessoire de l'interdiction d'exercer toute fonction dans un établissement public ou privé, soit pour une durée déterminée, soit définitivement. " ; que M. A soutient que les dispositions précitées relatives à la sanction de révocation sont contraires au principe de légalité et de nécessité des peines énoncé par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

Considérant qu'appliquée en dehors du droit pénal, l'exigence d'une définition des manquements sanctionnés se trouve satisfaite, en matière disciplinaire, dès lors que les textes applicables font référence aux obligations auxquelles les intéressés sont soumis en raison de l'activité qu'ils exercent, de la profession à laquelle ils appartiennent ou de l'institution dont ils relèvent ; que si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d'appréciation du législateur, il incombe au juge disciplinaire de s'assurer de l'absence d'inadéquation manifeste entre les peines qu'il inflige et les obligations dont elles tendent à réprimer la méconnaissance ;

Considérant que les enseignants chercheurs sont soumis, d'une part, aux obligations définies par la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, d'autre part, aux règles particulières que leur imposent l'article L. 952-2, l'article L. 952-3, précisé par le décret du 6 juin 1984 fixant les dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs, et l'article L. 952-5 du code de l'éducation ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que l'exigence de définition des manquements sanctionnés ne serait pas satisfaite ; que, par suite, les dispositions de l'article L. 952-8 du même code ne méconnaissent pas l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les questions soulevées, qui ne sont pas nouvelles, ne présentent pas un caractère sérieux ; qu'ainsi il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité invoquées ;

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité transmises par le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Laroussi A et au ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 4ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 356924
Date de la décision : 16/05/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Publications
Proposition de citation : CE, 16 mai. 2012, n° 356924
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Marc Dandelot
Rapporteur ?: Mme Bethânia Gaschet
Rapporteur public ?: M. Rémi Keller

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:356924.20120516
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