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21/05/2012 | FRANCE | N°353585

France | France, Conseil d'État, 9ème sous-section jugeant seule, 21 mai 2012, 353585


Vu la requête, enregistrée le 24 octobre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. M'hamadi B, demeurant ... ; M. B demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 1100185 du 23 septembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa protestation contre les opérations électorales qui se sont déroulées les 20 et 27 mars 2011 dans le canton de Bandraboua ;

2°) d'annuler ces opérations électorales ;

3°) de prononcer la suspension du mandat de M. Issihaka A et son inéligibilité ;

4°) d'enjoindre

au préfet de Mayotte de procéder à une refonte des listes électorales du canton de Bandra...

Vu la requête, enregistrée le 24 octobre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. M'hamadi B, demeurant ... ; M. B demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 1100185 du 23 septembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa protestation contre les opérations électorales qui se sont déroulées les 20 et 27 mars 2011 dans le canton de Bandraboua ;

2°) d'annuler ces opérations électorales ;

3°) de prononcer la suspension du mandat de M. Issihaka A et son inéligibilité ;

4°) d'enjoindre au préfet de Mayotte de procéder à une refonte des listes électorales du canton de Bandraboua, dans un délai de 15 jours et sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de M. A la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi organique n° 2010-1486 du 7 décembre 2010 ;

Vu le code électoral ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Gariazzo, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ;

Considérant qu'à l'issue des opérations électorales qui se sont déroulées les 20 et 27 avril 2011, M. Issihaka A a été proclamé élu conseiller général du canton de Bandraboua, ayant recueilli 1442 voix, et ainsi devancé M. M'hamadi B, élu sortant, qui avait obtenu 1351 suffrages ; que M. M'hamadi B relève appel du jugement du 23 septembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa protestation tendant à l'annulation de ces élections ;

Sur les griefs tirés des irrégularités ayant entaché la constitution des listes électorales :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 11 du code électoral : " Sont inscrits sur la liste électorale, sur leur demande : / 1° Tous les électeurs qui ont leur domicile réel dans la commune ou y habitent depuis six mois au moins ; / 2° Ceux qui figurent pour la cinquième fois sans interruption, l'année de la demande d'inscription, au rôle d'une des contributions directes communales et, s'ils ne résident pas dans la commune, ont déclaré vouloir y exercer leurs droits électoraux. Tout électeur ou toute électrice peut être inscrit sur la même liste que son conjoint au titre de la présente disposition ; / 3° Ceux qui sont assujettis à une résidence obligatoire dans la commune en qualité de fonctionnaires publics (...) " ; qu'il n'appartient pas au juge de l'élection de contrôler le bien-fondé de l'inscription ou de la radiation d'un électeur sur les listes électorales au regard de ces dispositions, sauf si cette inscription ou cette radiation résulte d'une manoeuvre ou d'irrégularités susceptibles d'avoir altéré la sincérité du scrutin ;

Considérant que si M. B fait valoir que plus de trois cents électeurs auraient été maintenus à tort sur les listes électorales du canton de Bandraboua, il n'établit pas, en tout état de cause, le bien-fondé de ses allégations ; que la seule circonstance qu'un nombre élevé de votes aient été exprimés par procuration lors du second tour du scrutin n'est pas de nature à établir l'existence de manoeuvres ou d'irrégularités de nature à avoir vicié l'élection ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 23 du code électoral : " L'électeur qui a été l'objet d'une radiation d'office de la part des commissions administratives désignées à l'article L. 17 ou dont l'inscription a été contestée devant lesdites commissions est averti sans frais par le maire et peut présenter ses observations " ; qu'aux termes de l'article R. 8 du même code : " La commission administrative tient un registre de toutes ses décisions et y mentionne les motifs et pièces à l'appui. / Lorsque la commission administrative refuse d'inscrire un électeur, cette décision est notifiée dans les deux jours à l'intéressé par écrit et à domicile par les soins de l'administration municipale ; l'avis de notification précise les motifs de la décision, la date de la publication de la liste électorale ou du tableau rectificatif et informe l'intéressé que jusqu'au dixième jour suivant la publication de cette liste ou de ce tableau il pourra contester ladite décision devant le tribunal d'instance, conformément aux dispositions de l'article L. 25 du code électoral. Mention de cette notification et de sa date est faite sur le registre prévu à l'alinéa précédent. / Il est procédé à ces mêmes formalités auprès de toutes parties intéressées lorsque la commission administrative radie un électeur pour d'autres causes que le décès ou l'inscription dans un autre bureau de vote (...) ; toutefois dans ces cas, la notification à l'électeur informe en outre celui-ci qu'il peut présenter des observations, dans les vingt-quatre heures, à la commission administrative, conformément à l'article L. 23 du code électoral. Au vu de ces observations, la commission administrative prend une nouvelle décision, notifiée dans les mêmes formes et délais que ceux prévus à l'alinéa 2 du présent article " ;

Considérant que M. B soutient que 121 électeurs auraient été radiés à tort, sans avoir été avertis de leur radiation ; que, toutefois, s'il résulte effectivement de l'instruction qu'un grand nombre de ces électeurs n'ont pas reçu le courrier de notification de leur radiation, il n'apparaît ni que les opérations de notification, s'agissant d'électeurs ayant déménagé en métropole, aient été entachées de graves négligences, ni que certains de ces électeurs auraient été privés d'exercer leur droit de vote lors de l'élection ; qu'en outre, la radiation contestée représente environ 3 % des électeurs inscrits ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, les radiations contestées ne peuvent être regardées comme constitutives d'une manoeuvre ou d'une irrégularité de nature à altérer la sincérité du scrutin ;

Considérant en troisième lieu que si M. B soutient sans être contredit que quatre électeurs auraient été irrégulièrement radiés après la clôture de la liste électorale, cette circonstance n'est pas, compte tenu de l'écart de voix entre les deux candidats, de nature à avoir vicié les résultats du scrutin ;

Considérant enfin que si M. B soutient que le maire de la commune de Bandraboua aurait fait obstacle à l'inscription de certains électeurs en refusant d'y procéder au mois d'août, il n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations ;

Sur le grief tiré de l'inéligibilité de M. A :

Considérant qu'aux termes du II de l'article L.O. 461 du code électoral, maintenu en vigueur pour les élections contestées par l'article 3 de la loi organique du 7 décembre 2010 relative au Département de Mayotte : " (...) ne peuvent être élus membres du conseil général s'ils exercent leurs fonctions à Mayotte ou s'ils les ont exercées depuis moins de six mois : (...) 4° Le directeur général des services de la collectivité et les directeurs généraux adjoints, les directeurs, les chefs de service et chefs de bureau de la collectivité ou de l'un de ses établissements publics ; les membres du cabinet du président du conseil général ; (...) " ; que les fonctions de président d'un établissement public de coopération intercommunale n'entrant pas dans les prévisions de ces dispositions, le grief tiré de ce que M. A était inéligible au conseil général en raison de ses fonctions de président du Syndicat mixte d'investissement pour l'aménagement de Mayotte (SMIAM) ne peut qu'être écarté, quels qu'aient été les liens de ce syndicat mixte avec le conseil général de Mayotte ;

Sur les griefs tirés d'irrégularités commises pendant la campagne électorale :

Considérant que si M. B se prévaut de l'existence de deux tracts diffamatoires à son encontre, distribués peu avant le deuxième tour du scrutin, il ne donne aucune précision sur l'étendue de leur diffusion ; qu'il résulte en outre de l'instruction que, dans le même temps, un tract comportant des propos d'une égale violence était diffusé à l'encontre de M. A ; qu'ainsi, la diffusion des tracts considérés ne peut être regardée en l'espèce comme ayant été de nature à altérer la sincérité des élections ;

Considérant que M. B affirme que M. A aurait fait pression sur les électeurs par des dons d'argent ou de nourriture ; que toutefois, compte tenu de la rétractation d'un des témoins et des incohérences de signatures ou d'écritures manuscrites de plusieurs attestations, les neuf attestations produites ne permettent pas de regarder les faits allégués comme établis ;

Sur les griefs tirés des irrégularités ayant entaché les opérations de vote :

Considérant, en premier lieu, qu'il n'est pas contesté que quatre électeurs n'ont pu exprimer leur vote faute pour la mairie d'avoir reçu la procuration qu'ils avaient établie ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes du troisième alinéa de l'article L. 62-1 du code électoral : " Le vote de chaque électeur est constaté par sa signature apposée à l'encre en face de son nom sur la liste d'émargement " ; que pour sept des soixante-sept suffrages contestés, la liste d'émargement comporte une signature significativement différente de celle du premier tour de l'élection sans que les circonstances du vote, notamment l'existence de procurations, ne puissent expliquer ces variations ;

Considérant qu'il y a lieu, par suite, de retrancher 11 voix tant du nombre de suffrages exprimés que du nombre des voix recueillies par M. A, afin de déterminer si ce dernier demeure, en toute hypothèse, en position d'être élu ; qu'à l'issue de cette opération, et même en tenant compte de la radiation irrégulière de quatre électeurs mentionnée précédemment, M. A doit être regardé comme recueillant la majorité des suffrages exprimés ;

Sur les griefs relatifs au financement des dépenses électorales de M. A :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du code électoral : " Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués " ; que si M. B soutient que le SMIAM aurait procédé à une vaste campagne de promotion de son action dont M. A aurait profité, en méconnaissance des dispositions précitées, il ne produit pas d'élément permettant d'apprécier le bien-fondé du grief ainsi soulevé ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que M. B n'est pas fondé à soutenir que les dépenses exposées par le SMIAM pour la campagne de promotion évoquée ci-dessus, non plus que des sommes correspondant à des dons faits à certains électeurs devraient être incluses dans le compte de campagne de M. A ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Mamoudzou a rejeté sa protestation tendant à l'annulation des opérations électorales qui se sont déroulées les 20 et 27 avril 2011 dans le canton de Bandraboua en vue de l'élection d'un conseiller général ;

Considérant que le surplus des conclusions de M. B, notamment ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peut, par voie de conséquence, qu'être rejeté ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B la somme que M. A demande sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. B est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. A sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. M'hamadi B, à M. Issihaka A et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 9ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 353585
Date de la décision : 21/05/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 21 mai. 2012, n° 353585
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Jean-Pierre Jouguelet
Rapporteur ?: M. Olivier Gariazzo
Rapporteur public ?: M. Frédéric Aladjidi

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:353585.20120521
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