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30/05/2012 | FRANCE | N°357151

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème ssr, 30 mai 2012, 357151


Vu le pourvoi sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 27 février, 13 mars et 10 mai 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SARL PROMOTION DE LA RESTAURATION TOURISTIQUE (PRORESTO), dont le siège est situé à l'aéroport international Martinique Aimé Césaire au Lamentin (97232) ; la société demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1101119 du 5 janvier 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté sa demande, présentée sur le fondement de l'article L. 521-1

du code de justice administrative, tendant à la suspension de l'exécution d...

Vu le pourvoi sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 27 février, 13 mars et 10 mai 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SARL PROMOTION DE LA RESTAURATION TOURISTIQUE (PRORESTO), dont le siège est situé à l'aéroport international Martinique Aimé Césaire au Lamentin (97232) ; la société demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1101119 du 5 janvier 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté sa demande, présentée sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, tendant à la suspension de l'exécution de la décision de la chambre de commerce et d'industrie de la Martinique, manifestée par un appel à candidatures, de conclure une nouvelle convention d'occupation temporaire du domaine public relative aux locaux utilisés pour l'exploitation exclusive de différents types de restauration dans l'aérogare de l'aéroport Martinique Aimé Césaire ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande de suspension ;

3°) de mettre à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de la Martinique une somme de 7 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 16 mai 2012, présentée pour la SOCIETE PRORESTO ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Maryline Saleix, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les observations de la SCP Monod, Colin, avocat de la SARL PROMOTION DE LA RESTAURATION TOURISTIQUE (PRORESTO) et de Me Foussard, avocat de la chambre de commerce et d'industrie de Martinique,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Monod, Colin, avocat de la SARL PROMOTION DE LA RESTAURATION TOURISTIQUE (PRORESTO) et à Me Foussard, avocat de la chambre de commerce et d'industrie de Martinique ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) " ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Fort-de-France et des mentions de l'ordonnance attaquée que celui-ci, saisi par la SARL PROMOTION DE LA RESTAURATION TOURISTIQUE (PRORESTO) d'une demande tendant à la suspension de l'exécution de la décision de la chambre de commerce et d'industrie de Martinique, révélée par un appel à candidature, de conclure une nouvelle convention d'occupation temporaire du domaine public relative aux locaux utilisés pour l'exploitation de différents modes de restauration dans l'aérogare de l'aéroport Martinique Aimé Césaire, a informé les parties au cours de l'audience qui s'est tenue le 3 janvier 2012 que sa décision était susceptible d'être fondée sur un moyen, relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité de l'exception d'illégalité, dont se prévalait la société, de la décision prise le 17 décembre 2010 par le président de la chambre, de résilier, à titre de sanction pour inexécution de ses obligations contractuelles, la précédente convention d'occupation dont elle était titulaire, au motif que cette mesure était devenue définitive ;

Considérant que l'ordonnance attaquée vise " la lettre du 16 février 2011 par laquelle le gérant de la société a demandé un rendez-vous au président de la commission aéroportuaire de la chambre de commerce et d'industrie " et une décision n° 115543 du 29 juillet 1994 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux a jugé que le refus de donner suite à une demande d'audience n'était pas une décision faisant grief ; que si, par ces mentions, le juge des référés a entendu faire état d'un moyen, soulevé lors de l'audience publique par la société et tiré de l'existence d'un recours gracieux qui aurait prorogé le délai de recours contentieux à l'égard de la mesure de résiliation et indiquer que, eu égard à sa teneur, la lettre du 16 février 2011 n'avait pu interrompre le délai de recours, il ressort du dossier que la lettre sur laquelle il s'est fondé n'y a pas été versée dans le cadre de la procédure écrite, aucune pièce n'attestant par ailleurs qu'elle aurait été produite au cours de l'audience ; que par suite, et alors même que le juge des référés a visé les pièces des dossiers de référé et de fond, il ne pouvait, sans méconnaître le caractère contradictoire de la procédure, se fonder sur cette pièce dont les termes n'avaient pu être discutés devant lui dans le cadre de l'instance en référé ; que, par suite, la société est fondée à demander pour ce motif l'annulation de l'ordonnance attaquée ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer en référé sur la demande de la SOCIETE PRORESTO en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir soulevée par la chambre de commerce et d'industrie de Martinique ;

Considérant que le juge du contrat, saisi par une partie d'un litige relatif à une mesure d'exécution d'un contrat, peut seulement, en principe, rechercher si cette mesure est intervenue dans des conditions de nature à ouvrir droit à indemnité ; que, toutefois, une partie à un contrat administratif peut, eu égard à la portée d'une telle mesure d'exécution, former devant le juge du contrat un recours de plein contentieux contestant la validité de la résiliation de ce contrat et tendant à la reprise des relations contractuelles ; qu'elle doit exercer ce recours, y compris si le contrat en cause est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle elle a été informée de la mesure de résiliation ; que de telles conclusions peuvent être assorties d'une demande tendant, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, à la suspension de l'exécution de la résiliation, afin que les relations contractuelles soient provisoirement reprises ; qu'eu égard aux particularités de ce recours contentieux, à l'étendue des pouvoirs de pleine juridiction dont le juge du contrat dispose et qui peut le conduire, si les conditions en sont satisfaites, à ordonner la reprise des relations contractuelles ainsi qu'à l'intervention du juge des référés pour prendre des mesures provisoires en ce sens, l'exercice d'un recours administratif pour contester cette mesure, s'il est toujours loisible au cocontractant d'y recourir, ne peut avoir pour effet d'interrompre le délai de recours contentieux ; qu'il en va ainsi quel que soit le motif de résiliation du contrat et notamment lorsque cette résiliation est intervenue en raison des fautes commises par le cocontractant ; qu'au demeurant, dans cette dernière hypothèse, la personne publique est toujours dans l'obligation de mettre le cocontractant en mesure de faire valoir ses observations avant l'intervention de cette décision ;

Considérant qu'à l'appui de sa demande tendant à la suspension de la décision de la chambre de commerce et d'industrie de Martinique de conclure avec un tiers une nouvelle convention d'occupation du domaine public, la société conteste, par voie d'exception, la décision de résiliation de la convention dont elle était précédemment titulaire ; qu'il résulte de l'instruction que sa demande tendant à l'annulation de cette décision de résiliation doit être regardée comme contestant la validité de la résiliation de ce contrat et tendant à la reprise des relations contractuelles ; que cette mesure a été prise le 17 décembre 2010 et que la société en a, selon ses propres écritures, eu connaissance le 21 décembre 2010 ; que, à supposer même que la lettre du 16 février 2011 ait présenté le caractère d'un recours gracieux, il résulte de ce qui vient d'être dit qu'elle n'a pu avoir pour effet d'interrompre le délai de recours contentieux ; que, par suite, cette demande, enregistrée au greffe du tribunal le 7 mars 2011, soit plus de deux mois après l'expiration du délai de recours, était tardive ; que la mesure de résiliation prise le 17 décembre 2010 étant ainsi devenue définitive, la société n'était plus recevable à la contester par voie d'exception dans le cadre de son recours contre la décision de conclure une nouvelle convention, enregistré le 21 novembre 2011 au greffe du tribunal ; que, par suite, et en l'absence de tout autre moyen présenté à l'appui de sa demande de suspension que ceux tirés de cette exception, les moyens invoqués par la société ne sauraient créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision dont elle demande la suspension ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner si l'urgence de la mesure sollicitée est caractérisée, la demande de la SOCIETE PRORESTO doit être rejetée ; qu'en conséquence, ses conclusions présentées devant le Conseil d'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ; qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de mettre à sa charge la somme de 3 000 euros à verser à la chambre de commerce et d'industrie de Martinique au titre de ces dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 5 janvier 2012 du juge des référés du tribunal administratif de Fort-de-France est annulée.

Article 2 : La demande de la SARL PROMOTION DE LA RESTAURATION TOURISTIQUE et ses conclusions présentées devant le Conseil d'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La SARL PROMOTION DE LA RESTAURATION TOURISTIQUE versera à la chambre de commerce et d'industrie de Martinique la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SARL PROMOTION DE LA RESTAURATION TOURISTIQUE et à la chambre de commerce et d'industrie de Martinique.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - FIN DES CONTRATS - RÉSILIATION - RECOURS CONTENTIEUX DIT « BÉZIERS II » EN REPRISE DES RELATIONS CONTRACTUELLES [RJ1] - EXERCICE D'UN RECOURS ADMINISTRATIF POUR CONTESTER LA MESURE DE RÉSILIATION - CONSÉQUENCE - INTERRUPTION DU DÉLAI DE RECOURS CONTENTIEUX - ABSENCE - QUEL QUE SOIT LE MOTIF DE RÉSILIATION.

39-04-02 Eu égard aux particularités du recours contentieux défini dans la décision dite « Béziers II », à l'étendue des pouvoirs de pleine juridiction dont le juge du contrat dispose et qui peut le conduire, si les conditions en sont satisfaites, à ordonner la reprise des relations contractuelles ainsi qu'à l'intervention du juge des référés pour prendre des mesures provisoires en ce sens, l'exercice d'un recours administratif pour contester la mesure de résiliation, s'il est toujours loisible au cocontractant d'y recourir, ne peut avoir pour effet d'interrompre le délai de recours contentieux. Il en va ainsi quel que soit le motif de résiliation du contrat et notamment lorsque cette résiliation est intervenue en raison des fautes commises par le cocontractant. Au demeurant, dans cette dernière hypothèse, la personne publique est toujours dans l'obligation de mettre le cocontractant en mesure de faire valoir ses observations avant l'intervention de cette décision.

MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES - RECOURS CONTENTIEUX DIT « BÉZIERS II » EN REPRISE DES RELATIONS CONTRACTUELLES [RJ1] - EXERCICE D'UN RECOURS ADMINISTRATIF POUR CONTESTER LA MESURE DE RÉSILIATION - CONSÉQUENCE - INTERRUPTION DU DÉLAI DE RECOURS CONTENTIEUX - ABSENCE - QUEL QUE SOIT LE MOTIF DE RÉSILIATION.

39-08 Eu égard aux particularités du recours contentieux défini dans la décision dite « Béziers II », à l'étendue des pouvoirs de pleine juridiction dont le juge du contrat dispose et qui peut le conduire, si les conditions en sont satisfaites, à ordonner la reprise des relations contractuelles ainsi qu'à l'intervention du juge des référés pour prendre des mesures provisoires en ce sens, l'exercice d'un recours administratif pour contester la mesure de résiliation, s'il est toujours loisible au cocontractant d'y recourir, ne peut avoir pour effet d'interrompre le délai de recours contentieux. Il en va ainsi quel que soit le motif de résiliation du contrat et notamment lorsque cette résiliation est intervenue en raison des fautes commises par le cocontractant. Au demeurant, dans cette dernière hypothèse, la personne publique est toujours dans l'obligation de mettre le cocontractant en mesure de faire valoir ses observations avant l'intervention de cette décision.

PROCÉDURE - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - DÉLAIS - INTERRUPTION ET PROLONGATION DES DÉLAIS - INTERRUPTION PAR UN RECOURS ADMINISTRATIF PRÉALABLE - ABSENCE - RECOURS CONTENTIEUX DIT « BÉZIERS II » EN REPRISE DES RELATIONS CONTRACTUELLES [RJ1] - EXERCICE D'UN RECOURS ADMINISTRATIF POUR CONTESTER LA MESURE DE RÉSILIATION.

54-01-07-04-01 Eu égard aux particularités du recours contentieux défini dans la décision dite « Béziers II », à l'étendue des pouvoirs de pleine juridiction dont le juge du contrat dispose et qui peut le conduire, si les conditions en sont satisfaites, à ordonner la reprise des relations contractuelles ainsi qu'à l'intervention du juge des référés pour prendre des mesures provisoires en ce sens, l'exercice d'un recours administratif pour contester la mesure de résiliation, s'il est toujours loisible au cocontractant d'y recourir, ne peut avoir pour effet d'interrompre le délai de recours contentieux. Il en va ainsi quel que soit le motif de résiliation du contrat et notamment lorsque cette résiliation est intervenue en raison des fautes commises par le cocontractant. Au demeurant, dans cette dernière hypothèse, la personne publique est toujours dans l'obligation de mettre le cocontractant en mesure de faire valoir ses observations avant l'intervention de cette décision.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, Section, 21 mars 2011, Commune de Béziers, n° 304806, p. 117.


Publications
Proposition de citation: CE, 30 mai. 2012, n° 357151
Publié au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Maryline Saleix
Rapporteur public ?: Mme Nathalie Escaut
Avocat(s) : SCP MONOD, COLIN ; FOUSSARD

Origine de la décision
Formation : 8ème - 3ème ssr
Date de la décision : 30/05/2012
Date de l'import : 14/06/2017

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 357151
Numéro NOR : CETATEXT000025933989 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2012-05-30;357151 ?
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