Vu le mémoire, enregistré le 29 mars 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par la FEDERATION DES ENTREPRISES DE LA BEAUTE (FEBEA), dont le siège est 137, rue de l'Université à Paris (75007), représentée par son président, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; la fédération requérante demande au Conseil d'Etat, à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision DG n° 2012-24 du 9 février 2012 du directeur de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) fixant les modèles conformément auxquels les déclarations mentionnées à l'article L. 5121-18 du code de la santé publique doivent être établies, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 1600-0 P du code général des impôts et de l'article L. 5421-6-3 du code de la santé publique ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 21 mai 2012, présentée par la FEDERATION DES ENTREPRISES DE LA BEAUTE ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
Vu l'article 1600-0 P du code général des impôts ;
Vu le code de la santé publique, notamment ses articles L. 5121-18 et L. 5421-6-3 ;
Vu la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 ;
Vu la loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Julia Beurton, Auditeur,
- les conclusions de Mme Claire Landais, rapporteur public ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
Considérant que l'article 1600-0 P du code général des impôts, issu de la loi du 21 décembre 2011, a institué une taxe annuelle sur la vente de produits cosmétiques, perçue au profit de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), à laquelle sont assujetties les personnes assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée qui effectuent la première vente en France de tels produits ; qu'en vertu de l'article L. 5121-18 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la même loi, les redevables de cette taxe doivent adresser, au plus tard le 31 mars de chaque année, à l'agence mentionnée à l'article L. 5311-1 du même code - c'est-à-dire à l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, à laquelle a succédé l'Agence française de sécurité du médicament et des produits de santé, en application de la loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé - une déclaration établie conformément au modèle fixé par décision du directeur de cette agence, fournissant des informations relatives aux ventes réalisées au cours de l'année civile précédente pour les produits cosmétiques donnant lieu au paiement de la taxe ; que le défaut de déclaration ou l'établissement d'une déclaration incomplète ou inexacte sont passibles d'une sanction pénale dont le montant est fixé respectivement à 45 000 euros et 25 000 euros, en application des dispositions de l'article L. 5421-6-3 inséré dans le code de la santé publique par la loi du 21 décembre 2011 ;
Considérant qu'à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du directeur général de l'agence fixant le modèle conformément auquel la déclaration doit être établie, en application de l'article L. 5121-18 du code de la santé publique, la FEDERATION DES ENTREPRISES DE LA BEAUTE demande au Conseil d'Etat de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 1600-0 P du code général des impôts et de l'article L. 5421-6-3 du code de la santé publique ;
Considérant que la décision attaquée a été prise pour l'application des dispositions de l'article L. 5121-18 du code de la santé publique, lequel définit les personnes soumises à l'obligation de déclaration qu'il institue comme étant celles qui sont assujetties à la taxe mentionnée à l'article 1600-0 P du code général des impôts ; qu'ainsi les dispositions de cet article doivent être regardées comme applicables au présent litige, au sens et pour l'application de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ; qu'en revanche, les dispositions de l'article L. 5421-6-3 du code de la santé publique ne constituant pas le fondement de la décision du directeur de l'agence et les conclusions présentées par la fédération requérante ne portant pas sur une procédure en vue d'infliger une sanction, consécutive à un défaut ou une inexactitude de déclaration, ces dispositions ne sont pas applicables au présent litige ;
Considérant que la FEDERATION DES ENTREPRISES DE LA BEAUTE soutient que l'article 1600-0 P du code général des impôts est contraire au principe de l'égalité devant les charges publiques, résultant de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; que, toutefois, la disposition litigieuse s'inscrit dans une réforme générale des prélèvements auparavant affectés à l'agence et désormais perçus au profit de la CNAMTS, auxquels sont assujetties, outre les entreprises de l'industrie cosmétique, les entreprises intervenant dans le domaine médical et pharmaceutique ; que cette réforme concerne l'ensemble des industries soumises à un contrôle et une surveillance sanitaires effectués par l'agence, au titre des risques que présentent les médicaments, produits de santé ou dispositifs médicaux et dispositifs médicaux de diagnostic in vitro qu'elles vendent ; que l'agence a également pour mission d'assurer la veille et la sécurité sanitaires des produits de beauté ; que, par suite, l'article 1600-0 P du code général des impôts, qui soumet à une contribution particulière l'ensemble des entreprises de l'industrie cosmétique, instaure une différence de traitement entre ces entreprises et les entreprises de secteurs ne relevant pas d'un contrôle par l'agence fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec la finalité de la loi ; qu'en outre, la définition de l'assiette de cette nouvelle taxe, qui porte sur le montant total des ventes de produits cosmétiques, en France, hors taxe sur la valeur ajoutée, au cours de l'année civile précédente, et la fixation de son taux à 0,1 % ne font pas apparaître de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ; que, par suite, la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article 1600-0 P du code général des impôts et de l'article L. 5421-6-3 du code de la santé publique portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté ;
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la FEDERATION DES ENTREPRISES DE LA BEAUTE.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la FEDERATION DES ENTREPRISES DE LA BEAUTE, au ministre de l'économie, des finances et du commerce extérieur, à la ministre des affaires sociales et de la santé et à l'Agence française de sécurité du médicament et des produits de santé.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.