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31/05/2012 | FRANCE | N°359300

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 31 mai 2012, 359300


Vu la requête, enregistrée le 11 mai 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour le CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX, dont le siège est 22 rue de Londres à Paris (75009) ; le CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX demande au juge des référés du Conseil d'Etat d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'ordonnance n° 2011-1895 en date du 19 décembre 2011 relative à la partie législative du code des procédures civiles d'exécution, en ce que l'article 1er de cette ordonnance adopte l'article

L. 322-4 du code des procédures civiles d'exécution ;

il soutie...

Vu la requête, enregistrée le 11 mai 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour le CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX, dont le siège est 22 rue de Londres à Paris (75009) ; le CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX demande au juge des référés du Conseil d'Etat d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'ordonnance n° 2011-1895 en date du 19 décembre 2011 relative à la partie législative du code des procédures civiles d'exécution, en ce que l'article 1er de cette ordonnance adopte l'article L. 322-4 du code des procédures civiles d'exécution ;

il soutient que la condition d'urgence est remplie dès lors que l'ordonnance contestée, qui doit entrer en vigueur le 1er juin 2012, préjudicie de manière grave et immédiate aux intérêts de la profession d'avocat en privant les barreaux et les caisses des règlements pécuniaires des avocats de dépôts de fonds et des produits financiers consécutifs ; que l'intérêt public qui s'attache au bon fonctionnement de la justice justifie l'urgence ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de l'ordonnance contestée en ce qu'elle a adopté l'article L. 322-4 du code des procédures civiles d'exécution ; que le Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières n'ayant pas été consulté, l'ordonnance a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière ; que l'adoption de l'article L. 322-4 excède les limites de l'habilitation donnée par la loi du 22 décembre 2010, en ajoutant au droit en vigueur l'obligation de procéder à la consignation du prix et des frais de la vente d'un immeuble saisi auprès de la seule Caisse des dépôts et consignations et en supprimant la liberté de choix du séquestre qui était laissée à la discrétion du créancier ; que l'ordonnance a été prise en méconnaissance des stipulations des articles 49, 56 et 106 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu l'ordonnance dont la suspension est demandée ;

Vu la requête à fin d'annulation de cette ordonnance ;

Vu les observations complémentaires, enregistrées le 24 mai 2012, présentées pour le CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX, qui tendent aux mêmes fins que la requête ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 mai 2012, présenté par le garde des sceaux, ministre de la justice qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la requête est irrecevable dès lors que le CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX n'a ni qualité ni intérêt pour agir ; que l'application des dispositions contestées n'emportant aucun préjudice grave pour les barreaux ou les caisses des règlements pécuniaires des avocats, la condition d'urgence n'est pas remplie ; qu'il n'est pas justifié d'un préjudice certain ; que la rédaction de l'ordonnance contestée s'est faite à droit constant et, en conséquence, n'imposait pas que le Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières soit consulté ; que la codification n'a pas excédé les limites de l'habilitation législative, dès lors que l'article 2203 du code civil utilisait le terme " consignation " qui renvoie nécessairement, en l'absence de précision contraire, à une consignation à la Caisse des dépôts et consignations en vertu de l'article 2 de l'ordonnance du 3 juillet 1816 ; que le moyen tiré des stipulations du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne est inopérant et n'est en tout état de cause pas fondé, dès lors qu'aucune disposition de l'ordonnance contestée n'emporte de restriction à la liberté d'établissement ou à la liberté de prestation de services ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu la loi n° 2010-1609 du 22 décembre 2010, notamment son article 7 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX et, d'autre part, le garde des sceaux, ministre de la justice ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 29 mai 2012 à 10 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :

- Me le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX ;

- le représentant du CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX ;

- les représentants du garde des sceaux, ministre de la justice ;

et à l'issue de laquelle l'instruction a été close ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l' article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;

Considérant que, sur le fondement du I de l'article 7 de la loi du 22 décembre 2010 relative à l'exécution des décisions de justice, aux conditions d'exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires, l'ordonnance du 19 décembre 2011 a adopté la partie législative du code des procédures civiles d'exécution, qui comprend un article L. 322-4 prévoyant, s'agissant de la vente amiable sur autorisation judiciaire des immeubles saisis, que la consignation du prix et des frais de la vente est faite auprès de la Caisse des dépôts et consignations ; que le CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX demande au juge des référés du Conseil d'Etat que soit ordonnée la suspension de l'exécution de l'article 1er de l'ordonnance du 19 décembre 2011, en ce qu'elle a adopté cet article L. 322-4 ;

Considérant que l'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celle-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ;

Considérant que, pour demander la suspension de l'exécution de l'ordonnance contestée, en ce qu'elle a adopté l'article L. 322-4 du code des procédures civiles d'exécution, le CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX fait valoir que l'entrée en vigueur de l'ordonnance, le 1er juin 2012, aura pour effet de priver les barreaux et les caisses des règlements pécuniaires des avocats de fonds qui étaient jusque là susceptibles d'y être consignés, avec pour conséquence la perte des intérêts résultant du placement de ces fonds ; qu'il fait, en outre, valoir l'intérêt public qui s'attache au bon fonctionnement de la justice ;

Mais considérant que si le CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX fait état du montant des fonds séquestrés en 2011 en matière de ventes amiables d'immeubles saisis sur les comptes d'une trentaine de barreaux, il n'apporte aucun élément précis sur le montant des ressources que les barreaux tirent du placement de ces fonds ; qu'il ne résulte ainsi pas des pièces versées au dossier soumis au juge des référés, non plus que des indications données à l'audience, que l'entrée en vigueur du nouvel article L. 322-4 du code des procédures civiles d'exécution, qui prévoit la consignation auprès de la Caisse des dépôts et consignations du prix et des frais de la vente amiable des immeubles saisis, porterait à la situation des barreaux, ou des caisses des règlements pécuniaires des avocats, une atteinte suffisamment grave et immédiate justifiant que l'exécution de cette disposition soit suspendue dans l'attente qu'il soit statué sur le recours pour excès de pouvoir formé contre l'ordonnance contestée ; que l'intérêt public qui s'attache au bon fonctionnement du service public de la justice n'est pas mis en cause par l'application de la disposition contestée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité du recours pour excès de pouvoir formé par le CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX non plus que sur les moyens de légalité soulevés, que les conclusions à fin de suspension ne peuvent qu'être rejetées ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête du CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée au CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX, au Premier ministre et au garde des sceaux, ministre de la justice.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 31 mai. 2012, n° 359300
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jacques-Henri Stahl
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Formation : Juge des référés
Date de la décision : 31/05/2012
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 359300
Numéro NOR : CETATEXT000026011161 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2012-05-31;359300 ?
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