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13/06/2012 | FRANCE | N°357793

France | France, Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 13 juin 2012, 357793


Vu, 1°), sous le n° 357793, le jugement n° 1101661 du 13 mars 2012, enregistré le 21 mars 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par lequel le tribunal administratif d'Orléans, avant de statuer sur la demande de M. Rudy B tendant, premièrement, à l'annulation de la décision du 25 février 2011 par laquelle le ministre de la défense a fait droit partiellement à sa demande d'attribution de l'indemnité pour charges militaires au taux particulier n° 1, deuxièmement, à ce qu'il soit enjoint au ministre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui octroyer l'

indemnité pour charges militaires au taux sollicité à compter d...

Vu, 1°), sous le n° 357793, le jugement n° 1101661 du 13 mars 2012, enregistré le 21 mars 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par lequel le tribunal administratif d'Orléans, avant de statuer sur la demande de M. Rudy B tendant, premièrement, à l'annulation de la décision du 25 février 2011 par laquelle le ministre de la défense a fait droit partiellement à sa demande d'attribution de l'indemnité pour charges militaires au taux particulier n° 1, deuxièmement, à ce qu'il soit enjoint au ministre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui octroyer l'indemnité pour charges militaires au taux sollicité à compter du 17 novembre 2008 et d'en tirer les conséquences en matière accessoire dans un délai d'un mois, troisièmement, à défaut, à ce qu'il soit enjoint au ministre, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de procéder à un nouvel examen de sa demande dans le délai d'un mois, a décidé, par application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen la question suivante :

" La condition de durée de deux ans prévue au deuxième alinéa de l'article 3 du décret du 13 octobre 1959 dans sa rédaction issue de l'article 6 du décret du 10 janvier 2011, pour le bénéfice de l'indemnité pour charges militaires au taux particulier, est-elle ou non manifestement disproportionnée au regard des différences de situation entre militaires mariés et militaires liés par un pacte civil de solidarité, susceptibles de la justifier ' "

Vu, 2°), sous le n° 357794, le jugement n° 1102167 du 13 mars 2012, enregistré le 21 mars 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par lequel le tribunal administratif d'Orléans, avant de statuer sur la demande de M. Frédéric A tendant, premièrement, à l'annulation de la décision du 27 avril 2011 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande d'attribution de l'indemnité pour charges militaires au taux particulier n° 1 à compter de la date de la conclusion de son pacte civil de solidarité, deuxièmement, par voie d'exception d'illégalité, à l'annulation du membre de phrase " conclu depuis au moins deux ans " de l'article 3 du décret n° 59-1153 du 13 octobre 1959 modifié, troisièmement, à ce qu'il soit juger que le délai de deux ans est anormalement long eu égard au but poursuivi par l'attribution de l'indemnité pour charges militaires au taux particulier n° 1, a décidé, par application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen la question suivante :

" L'autorité administrative entache-t-elle d'erreur de droit les refus d'attribution de l'indemnité pour charges militaires au taux particulier n° 1, ou les décisions d'agrément partiel, en faisant application d'une disposition réglementaire en soumettant le bénéfice à une condition de durée du pacte civil de solidarité supérieure à celle du mariage, et en l'espèce deux ans ' "

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 31 mai 2012, présentée par le ministre de la défense ;

Vu le code civil, notamment ses articles 515-1 à 515-7-1 ;

Vu le code de la défense ;

Vu le décret n° 59-1193 du 13 octobre 1959 modifié notamment par le décret n° 2011-38 du 10 janvier 2011 ;

Vu le code de justice administrative, notamment son article L. 113-1 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Dominique Nuttens, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;

REND L'AVIS SUIVANT :

Considérant que les jugements visés ci-dessus du tribunal administratif d'Orléans soumettent au Conseil d'Etat des questions de droit de portée identique et portant sur les mêmes dispositions réglementaires ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'ils fassent l'objet d'un même avis ;

Aux termes de l'article 1er du décret du 13 octobre 1959 fixant le régime de l'indemnité pour charges militaires : " L'indemnité représentative de frais dite indemnité pour charges militaires est attribuée aux officiers et militaires non officiers à solde mensuelle, ainsi qu'aux volontaires dans les armées, pour tenir compte des diverses sujétions spécifiquement militaires, et notamment de la fréquence des mutations d'office (...) ". Aux termes de l'article 3 du même texte, dans sa rédaction issue du décret du 10 janvier 2011 relatif à la prise en compte du pacte civil de solidarité dans le régime indemnitaire des militaires et modifiant diverses dispositions relatives à la délégation de solde des militaires : " Les militaires visés à l'article 1er bénéficient, quelle que soit leur situation de famille, d'un taux de base. / (...) les militaires mariés ou liés par un pacte civil de solidarité, conclu depuis au moins deux ans (...), peuvent bénéficier en plus du taux de base d'un taux particulier correspondant à cette situation de famille (...) ".

Le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un comme dans l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des différences de situation susceptibles de la justifier.

Les dispositions des articles 515-1 à 515-7-1 du code civil relatives au pacte civil de solidarité, telles qu'elles résultent de la loi du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité et des lois ultérieures qui les ont modifiées, n'ont ni pour objet ni pour effet de rendre applicables aux partenaires l'ensemble des textes réglementaires qui réservent des droits ou des avantages aux conjoints, compte tenu des différences existant entre le régime juridique du mariage et celui du pacte civil de solidarité, notamment en ce qui concerne leur conclusion, les obligations qui en découlent et leur dissolution.

Cependant, lorsque, sans pour autant rendre par elles-mêmes inapplicables des dispositions réglementaires incompatibles avec elle, une loi crée une situation juridique nouvelle, il appartient au pouvoir réglementaire, afin d'assurer la pleine application de la loi, de tirer toutes les conséquences de cette situation nouvelle en apportant, dans un délai raisonnable, les modifications à la réglementation applicable qui sont rendues nécessaires par les exigences inhérentes à la hiérarchie des normes et, en particulier, aux principes généraux du droit tels que le principe d'égalité.

Dans le cas du pacte civil de solidarité, cette obligation impose au pouvoir réglementaire de mettre à jour l'ensemble des textes qui ouvrent des droits, créent des avantages ou, plus généralement, fixent une règle en se fondant sur la qualité de célibataire, de concubin ou de conjoint, de manière à rapprocher, en fonction de l'objet de chacun de ces textes, la situation du signataire d'un pacte civil de solidarité de celle applicable à l'une des trois qualités énumérées ci-dessus.

Il y a lieu de considérer que cette obligation a été remplie par les dispositions de l'article 6 du décret du 10 janvier 2011 relatif à la prise en compte du pacte civil de solidarité dans le régime indemnitaire des militaires et modifiant diverses dispositions relatives à la délégation de solde des militaires, lesquelles ont modifié l'article 3 du décret du 13 octobre 1959 afin de prévoir, pour le calcul de l'indemnité pour charges militaires, la prise en compte du partenaire du pacte civil de solidarité conclu par un militaire, comme est pris en compte le conjoint, sous réserve de la conclusion du pacte depuis deux années au moins. La différence de traitement ainsi instituée n'apparaît pas manifestement disproportionnée au regard des différences existant entre le régime juridique du mariage et celui du pacte civil de solidarité.

Le présent avis sera notifié au tribunal administratif d'Orléans, à M. Rudy B, à M. Frédéric A et au ministre de la défense.


Synthèse
Formation : 7ème et 2ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 357793
Date de la décision : 13/06/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - VIOLATION DIRECTE DE LA RÈGLE DE DROIT - PRINCIPES GÉNÉRAUX DU DROIT - ÉGALITÉ DEVANT LA LOI - ABSENCE DE VIOLATION - INDEMNITÉ POUR CHARGES MILITAIRES - PRISE EN COMPTE POUR SON CALCUL - AU MÊME TITRE QUE DU CONJOINT - DU PARTENAIRE D'UN PACS CONCLU DEPUIS DEUX ANS AU MOINS.

01-04-03-01 Les dispositions de l'article 6 du décret n° 2011-38 du 10 janvier 2011 modifiant le décret n° 59-1193 du 13 octobre 1959 afin de permettre la prise en compte, pour le calcul de l'indemnité dite pour charges militaires, du partenaire d'un pacte civil de solidarité (PACS) conclu par un militaire, comme est pris en compte le conjoint, sous réserve de la conclusion du pacte depuis deux années au moins, n'institue pas une différence de traitement entre couples pacsés et couples mariés manifestement disproportionnée à leur différence de situation.

ARMÉES ET DÉFENSE - PERSONNELS DES ARMÉES - QUESTIONS COMMUNES À L'ENSEMBLE DES PERSONNELS MILITAIRES - SOLDES ET AVANTAGES DIVERS - INDEMNITÉ POUR CHARGES MILITAIRES - CALCUL - PRISE EN COMPTE DU PARTENAIRE D'UN PACS CONCLU DEPUIS DEUX ANS AU MOINS - DIFFÉRENCE DE TRAITEMENT ENTRE COUPLES PACSÉS ET COUPLES MARIÉS - DIFFÉRENCE MANIFESTEMENT DISPROPORTIONNÉE À LA DIFFÉRENCE DE SITUATION - ABSENCE.

08-01-01-06 Les dispositions de l'article 6 du décret n° 2011-38 du 10 janvier 2011 modifiant le décret n° 59-1193 du 13 octobre 1959 afin de permettre la prise en compte, pour le calcul de l'indemnité dite pour charges militaires, du partenaire d'un pacte civil de solidarité (PACS) conclu par un militaire, comme est pris en compte le conjoint, sous réserve de la conclusion du pacte depuis deux années au moins, n'institue pas une différence de traitement entre couples pacsés et couples mariés manifestement disproportionnée à leur différence de situation.


Publications
Proposition de citation : CE, 13 jui. 2012, n° 357793
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Dominique Nuttens

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:357793.20120613
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