La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/06/2012 | FRANCE | N°352388

France | France, Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 22 juin 2012, 352388


Vu la requête, enregistrée le 5 septembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES (GISTI), dont le siège est 3 villa Marcès à Paris (75011), représenté par son président en exercice ; le GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES (GISTI) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 1er du décret n° 2011-819 du 8 juillet 2011 pris pour l'application de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité ;

2°) de mettre à la

charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L....

Vu la requête, enregistrée le 5 septembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES (GISTI), dont le siège est 3 villa Marcès à Paris (75011), représenté par son président en exercice ; le GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES (GISTI) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 1er du décret n° 2011-819 du 8 juillet 2011 pris pour l'application de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Stéphane Bouchard, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;

Sur la méconnaissance du droit au recours effectif :

Considérant que l'article 1er du décret attaqué introduit dans le chapitre VI du titre VII du livre VII du code de justice administrative (partie réglementaire) un article R. 776-2 aux termes duquel : " I. - Conformément aux dispositions du I de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification d'une obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire fait courir un délai de trente jours pour contester cette obligation ainsi que les décisions relatives au séjour, au délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour notifiées simultanément. / Lorsque le délai de recours mentionné au premier alinéa n'est pas expiré à la date à laquelle l'autorité compétente notifie à l'intéressé la décision de supprimer le délai de départ volontaire en application du dernier alinéa du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ce délai de recours expire quarante-huit heures après cette notification. La décision de supprimer le délai de départ volontaire peut être contestée dans le même délai. / II. - Conformément aux dispositions du II de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification par voie administrative d'une obligation de quitter sans délai le territoire français fait courir un délai de quarante-huit heures pour contester cette obligation et les décisions relatives au séjour, à la suppression du délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour notifiées simultanément " ;

Considérant que le même article du décret attaqué introduit également dans le même code un article R. 776-4 aux termes duquel : " Conformément aux dispositions du III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le délai de recours contentieux contre les décisions de placement en rétention et les décisions d'assignation à résidence prises en application de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est de quarante-huit heures. Ce délai court à compter de la notification de la décision par voie administrative. / Le même délai s'applique pour la contestation des arrêtés de reconduite à la frontière et des décisions fixant le pays de renvoi prises pour leur exécution " ; qu'est également introduit un article R. 776-5 aux termes duquel " (...) II. - Le délai de

quarante-huit heures mentionné aux articles R. 776-2 et R. 776-4 n'est susceptible d'aucune prorogation.... " ;

Considérant, d'une part, qu'en vertu du II et du III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi du 16 juin 2011, l'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire sans délai ou bien d'une décision de placement en rétention ou d'assignation à résidence peut, dans les

quarante-huit heures suivant sa notification, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision ainsi que de celles qui l'accompagnent le cas échéant ; qu'en fixant à quarante-huit heures le délai dans lequel un recours peut être introduit, le législateur a entendu que ce délai soit décompté d'heure à heure et ne puisse être prorogé ; que les dispositions du II de l'article R. 776-5 du code de justice administrative, issues du décret attaqué, prévoyant que le délai de recours de quarante-huit heures n'est susceptible d'aucune prorogation se bornent ainsi à expliciter les dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la requête ne saurait contester la constitutionnalité des dispositions en cause et notamment leur conformité à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen à laquelle renvoie le préambule de la Constitution, faute d'avoir, conformément au premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, présenté une question prioritaire de constitutionnalité par mémoire distinct ;

Considérant, d'autre part, que ce délai de recours de quarante-huit heures non prorogeable, compte tenu notamment de la nature et de l'objet de la décision contestée et des garanties procédurales dont dispose le requérant, n'est contraire ni au droit au recours effectif prévu par l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni aux dispositions du paragraphe 1 de l'article 13 de la directive du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, qui prévoient que le ressortissant étranger d'un pays tiers à l'Union européenne doit disposer d'une voie de recours effective pour attaquer les décisions liées au retour devant l'autorité judiciaire ou administrative compétente ;

Sur la méconnaissance du paragraphe 3 de l'article 13 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, relatif à l'assistance linguistique :

Considérant qu'aux termes du paragraphe 3 de l'article 13 de la directive du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, relatif aux voies de recours dont doivent disposer les étrangers contre les décisions de retour les concernant : " Le ressortissant concerné d'un pays tiers a la possibilité d'obtenir un conseil juridique, une représentation juridique et, en cas de besoin, une assistance linguistique (...) " ;

Considérant que ces dispositions concernent l'examen par le juge du recours formé par l'étranger contre la décision lui faisant obligation de quitter le territoire et non la notification de cette décision ; que, dans le cas où l'étranger se voit notifier une obligation de quitter sans délai le territoire, sans être par ailleurs placé en rétention administrative ou assigné à résidence, le juge dispose d'un délai de trois mois pour statuer sur le recours qui lui est présenté ; qu'un tel délai est suffisant pour permettre à l'étranger ne parlant pas le français de se faire assister lors de la procédure par une personne de son choix maîtrisant suffisamment cette langue ; que, par suite, le GISTI n'est pas fondé à soutenir que les dispositions de l'article 13 de la directive du 16 décembre 2008 seraient méconnues par le décret attaqué en ce qu'il ne prévoit ni la présence d'un interprète lors de la notification d'une obligation de quitter le territoire français sans délai à un étranger laissé libre, ni la mise à disposition de l'étranger d'une assistance linguistique gratuite pour lui permettre de contester devant le juge cette décision ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le GISTI n'est pas fondé à demander l'annulation de l'article 1er du décret du 8 juillet 2011 ; que sa requête doit, par suite, être rejetée ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête du GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES (GISTI) est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES (GISTI), au Premier ministre et à la garde des sceaux, ministre de la justice.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES ET UNION EUROPÉENNE - PORTÉE DES RÈGLES DU DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE - DIRECTIVES - DIRECTIVE RETOUR - PARAGRAPHE 3 DE L'ARTICLE 13 RELATIF AUX VOIES DE RECOURS (POSSIBILITÉ D'OBTENIR UNE ASSISTANCE LINGUISTIQUE) - PORTÉE - ETRANGER LAISSÉ LIBRE APRÈS NOTIFICATION D'UNE OQTF - OBLIGATION DE MISE À DISPOSITION D'UN INTERPRÈTE LORS DE LA NOTIFICATION ET D'UNE ASSISTANCE LINGUISTIQUE GRATUITE POUR CONTESTER CETTE DÉCISION - ABSENCE.

15-02-04 Le paragraphe 3 de l'article 13 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 dite directive retour, qui prévoit la possibilité pour l'étranger soumis à une obligation de quitter le territoire français (OQTF) de bénéficier d'une assistance linguistique, n'impose, dans le cas d'un étranger qui n'est pas placé en rétention administrative ou assigné à résidence après notification de l'OQTF, ni la présence d'un interprète lors de la notification de la mesure, ni la mise à disposition d'une assistance linguistique gratuite pour lui permettre de contester devant le juge cette décision.

COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES ET UNION EUROPÉENNE - RÈGLES APPLICABLES - ARTICLE 13 DE LA DIRECTIVE RETOUR - RECOURS CONTRE LES DÉCISIONS DE RETOUR - POSSIBILITÉ D'OBTENIR UNE ASSISTANCE LINGUISTIQUE - PORTÉE - ETRANGER LAISSÉ LIBRE APRÈS NOTIFICATION D'UNE OQTF - OBLIGATION DE MISE À DISPOSITION D'UN INTERPRÈTE LORS DE LA NOTIFICATION ET D'UNE ASSISTANCE LINGUISTIQUE GRATUITE POUR CONTESTER CETTE DÉCISION - ABSENCE.

15-05-045-07 Le paragraphe 3 de l'article 13 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 dite directive retour, qui prévoit la possibilité pour l'étranger soumis à une obligation de quitter le territoire français (OQTF) de bénéficier d'une assistance linguistique, n'impose, dans le cas d'un étranger qui n'est pas placé en rétention administrative ou assigné à résidence après notification de l'OQTF, ni la présence d'un interprète lors de la notification de la mesure, ni la mise à disposition d'une assistance linguistique gratuite pour lui permettre de contester devant le juge cette décision.

ÉTRANGERS - OBLIGATION DE QUITTER LE TERRITOIRE FRANÇAIS (OQTF) ET RECONDUITE À LA FRONTIÈRE - RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES - PARAGRAPHE 3 DE L'ARTICLE 13 DE LA DIRECTIVE RETOUR RELATIF AUX VOIES DE RECOURS (POSSIBILITÉ D'OBTENIR UNE ASSISTANCE LINGUISTIQUE) - PORTÉE - ETRANGER LAISSÉ LIBRE APRÈS NOTIFICATION D'UNE OQTF - OBLIGATION DE MISE À DISPOSITION D'UN INTERPRÈTE LORS DE LA NOTIFICATION ET D'UNE ASSISTANCE LINGUISTIQUE GRATUITE POUR CONTESTER CETTE DÉCISION - ABSENCE.

335-03-03 Le paragraphe 3 de l'article 13 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 dite directive retour, qui prévoit la possibilité pour l'étranger soumis à une OQTF de bénéficier d'une assistance linguistique, n'impose, dans le cas d'un étranger qui n'est pas placé en rétention administrative ou assigné à résidence après notification de l'OQTF, ni la présence d'un interprète lors de la notification de la mesure, ni la mise à disposition d'une assistance linguistique gratuite pour lui permettre de contester devant le juge cette décision.


Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 22 jui. 2012, n° 352388
Mentionné aux tables du recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Stéphane Bouchard

Origine de la décision
Formation : 7ème et 2ème sous-sections réunies
Date de la décision : 22/06/2012
Date de l'import : 23/03/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 352388
Numéro NOR : CETATEXT000026052836 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2012-06-22;352388 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award