Vu la requête, enregistrée le 23 septembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la CIMADE, dont le siège est au 64 rue Clisson à Paris (75013), et par le GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES (GISTI), dont le siège est au 3, villa Marcès à Paris (75011) ; la CIMADE et le GISTI demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2011-861 du 20 juillet 2011 modifiant le décret n° 2007-1300 du 31 août 2007 relatif aux conventions conclues entre les centres d'accueil pour demandeurs d'asile et l'Etat et aux relations avec les usagers ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la directive 2003/9/CE du Conseil du 27 janvier 2003 ;
Vu le code de l'action sociale et des familles ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le décret n° 2007-1300 du 31 août 2007 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Stéphanie Gargoullaud, Maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, Rapporteur public ;
Considérant qu'en vertu de l'article L. 348-1 du code de l'action sociale et des familles, les étrangers en possession d'un des documents de séjour mentionnés à l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile bénéficient, sur leur demande, de l'aide sociale pour être accueillis dans les centres d'accueil pour demandeurs d'asile ; que ces centres d'accueil sont, en vertu de l'article L. 312-1 du même code, au nombre des établissements et services sociaux et médico-sociaux et ont pour mission, selon l'article L. 348-2 du même code, d'assurer l'accueil, l'hébergement ainsi que l'accompagnement social et administratif des demandeurs d'asile en possession de l'un des documents de séjour mentionnés à l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pendant la durée d'instruction de leur demande d'asile et jusqu'à l'expiration du délai de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou à la date de la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ; qu'aux termes de l'article L. 348-4 du même code : " Le bénéfice de l'aide sociale ne peut être accordé ou maintenu aux personnes ou familles accueillies dans un centre d'accueil pour demandeurs d'asile que si une convention a été conclue à cette fin entre le centre et l'Etat ou si un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens a été conclu entre sa personne morale gestionnaire et l'Etat dans des conditions définies par décret. / Cette convention doit être conforme à une convention type dont les stipulations sont déterminées par décret et qui prévoient notamment les objectifs, les moyens, les activités et les modalités de contrôle d'un centre d'accueil pour demandeurs d'asile " ;
Considérant qu'est intervenu sur le fondement de ces dernières dispositions le décret du 31 août 2007 relatif aux conventions conclues entre les centres d'accueil pour demandeurs d'asile et l'Etat et aux relations avec les usagers, qui a notamment déterminé les stipulations d'une première convention type ; que le décret attaqué du 20 juillet 2011 a abrogé le décret du 31 août 2007 et comporte en annexe une nouvelle convention type, qui reprend les termes de la première en y apportant certaines modifications ; que la CIMADE et le GISTI demandent l'annulation pour excès de pouvoir de ce dernier décret ;
Sur la recevabilité des conclusions de la requête :
Considérant que, contrairement à ce que soutient le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, la CIMADE et le GISTI justifient, eu égard à leur objet statutaire, d'un intérêt leur donnant qualité pour former un recours pour excès de pouvoir contre le décret qui détermine les termes de la convention type que doivent observer les conventions passées entre l'Etat et chaque centre d'accueil pour demandeurs d'asile ;
Considérant, toutefois, que les articles 1er et 5 de la convention type résultant de l'annexe au décret attaqué reprennent à l'identique les termes de la convention type antérieure, issue du décret du 31 août 2007, publié au Journal officiel du 2 septembre 2007 ; que les associations requérantes ne sont pas recevables, après l'expiration du délai de recours contre les dispositions initiales, à demander l'annulation des dispositions, divisibles des autres articles de la convention type, des articles 1er et 5 de la convention type de 2011, qui sont purement confirmatives des dispositions antérieures ; que, par suite, les conclusions de la requête dirigées contre les articles 1er et 5 de la convention type résultant de l'annexe au décret du 20 juillet 2011 ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur la légalité du premier alinéa de l'article 9 de la convention type résultant de l'annexe au décret attaqué :
Considérant qu'il résulte du II de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles que les conditions techniques minimales d'organisation et de fonctionnement des établissements et services sociaux et médico-sociaux, dont les centres d'accueil pour demandeurs d'asile, sont définies par décret après avis de la section sociale du Comité national de l'organisation sanitaire et sociale, composée, en vertu de l'article R. 312-178 du code de l'action sociale et des familles, de parlementaires, de représentants des collectivités territoriales, des caisses nationales d'assurance maladie, d'assurance vieillesse, d'allocations familiales, des groupements ou fédérations représentatifs des institutions sociales et médico-sociales et de personnalités qualifiées ; que le premier alinéa de l'article 9 de la convention type résultant de l'annexe au décret attaqué prévoit que les centres d'accueil pour les demandeurs d'asile doivent disposer d'un effectif déterminé à raison d'un équivalent temps plein pour dix à quinze personnes accueillies et composé pour plus de la moitié de travailleurs sociaux attestant des qualifications professionnelles requises ; que de telles prescriptions sont au nombre des conditions techniques minimales d'organisation et de fonctionnement qui ne peuvent être fixées qu'après avis de la section sociale du Comité national de l'organisation sanitaire et sociale ;
Considérant qu'il est constant, d'une part, que les prescriptions en cause n'ont pas été au préalable fixées par un autre texte auquel le décret attaqué se serait borné à faire référence et, d'autre part, que la section sociale du comité national de l'organisation sanitaire et sociale n'a pas été consultée préalablement à l'intervention du décret attaqué ; que si un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie, le défaut de la consultation, obligatoire en l'espèce, de la section sociale du Comité national de l'organisation sanitaire et sociale ne peut être regardé, eu égard à la nature de la décision en cause et aux attributions de la section sociale de ce comité, comme ayant été dépourvu d'influence sur le sens des dispositions du premier alinéa de l'article 9 de la convention type ; que, par suite, les associations requérantes sont fondées, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de leur requête, à demander l'annulation de ces dispositions ;
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la CIMADE et le GISTI au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le premier alinéa de l'article 9 de la convention type annexée au décret n° 2011-861 du 20 juillet 2011 est annulé.
Article 2 : Le surplus de la requête de la CIMADE et du GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES (GISTI) est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la CIMADE, au GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES (GISTI), au ministre de l'intérieur et au Premier ministre.