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22/06/2012 | FRANCE | N°353854

France | France, Conseil d'État, 6ème sous-section jugeant seule, 22 juin 2012, 353854


Vu la requête, enregistrée le 4 novembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Gérard A, demeurant ... et la SELARL LEX et COS, dont le siège est ... ; M. A et la SARL LEX et COS demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, la décision en date du 12 octobre 2011 du Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Paris rejetant leur demande tendant à l'abrogation des articles P. 72-1 à P. 72-10 et P. 74-1 et P. 74-2 du règlement intérieur du barreau de Paris, d'autre part, la décision du 26 octobre 2011 du président

du Conseil national des barreaux rejetant leur demande tendant à l'abr...

Vu la requête, enregistrée le 4 novembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Gérard A, demeurant ... et la SELARL LEX et COS, dont le siège est ... ; M. A et la SARL LEX et COS demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, la décision en date du 12 octobre 2011 du Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Paris rejetant leur demande tendant à l'abrogation des articles P. 72-1 à P. 72-10 et P. 74-1 et P. 74-2 du règlement intérieur du barreau de Paris, d'autre part, la décision du 26 octobre 2011 du président du Conseil national des barreaux rejetant leur demande tendant à l'abrogation des articles 1-3 et 1-4 du règlement intérieur national de la profession d'avocat ;

2°) d'annuler ou d'abroger les articles P. 72-1 à P. 72-10 et P. 74-1 et P. 74-2 du règlement intérieur du barreau de Paris et 1-3 et 1-4 du règlement intérieur national de la profession d'avocat ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu, enregistrée le 11 juin 2012, la note en délibéré produite par M. A et par la SELARL LEX et COS ;

Vu la Constitution, notamment son article 34 ;

Vu le code de l'organisation judiciaire, notamment son article L. 311-3 ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;

Vu le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ;

Vu le décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Marc Pichon de Vendeuil, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de l'Ordre des avocats du barreau de Paris et de Me Le Prado, avocat du Conseil national des barreaux,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de l'Ordre des avocats du barreau de Paris et à Me Le Prado, avocat du Conseil national des barreaux ;

Considérant qu'il n'appartient pas au Conseil d'Etat, statuant au contentieux, de déclarer nuls des mémoires présentés par les parties ; qu'il n'y a donc pas lieu d'écarter des débats les mémoires produits par le Conseil national des barreaux et par l'Ordre des avocats du barreau de Paris ;

Sur les conclusions dirigées contre le règlement intérieur du barreau de Paris :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 311-3 du code de l'organisation judiciaire : " La cour d'appel connaît, en ce qui concerne les avocats : (...) 2° Des recours contre les décisions ou délibérations du conseil de l'ordre (...) " ; qu'aux termes de l'article 17 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques : " Le conseil de l'ordre a pour attribution de traiter toutes questions intéressant l'exercice de la profession et de veiller à l'observation des devoirs des avocats ainsi qu'à la protection de leurs droits. Sans préjudice des dispositions de l'article 21-1, il a pour tâches, notamment : / 1° D'arrêter et, s'il y a lieu, de modifier les dispositions du règlement intérieur (...) " ; que l'article 19 de la même loi dispose : " Toute délibération ou décision du conseil de l'ordre étrangère aux attributions de ce conseil ou contraire aux dispositions législatives ou réglementaires est annulée par la cour d'appel, sur les réquisitions du procureur général. " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'il n'appartient qu'à l'autorité judiciaire de connaître de la légalité d'un règlement intérieur édicté par un ordre d'avocats ; qu'il suit de là que la juridiction administrative n'est pas compétente pour connaître des conclusions de M. A et de la SELARL LEX et COS tendant à contester la légalité du règlement intérieur du barreau de Paris ;

Sur les conclusions dirigées contre le règlement intérieur national édicté par le Conseil national des barreaux :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres fins de non-recevoir opposées à la requête ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1-3 du règlement intérieur national de la profession d'avocat : " Les principes essentiels de la profession guident le comportement de l'avocat en toutes circonstances. / L'avocat exerce ses fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité, dans le respect des termes de son serment. / Il respecte en outre, dans cet exercice, les principes d'honneur, de loyauté, de désintéressement, de confraternité, de délicatesse, de modération et de courtoisie. / Il fait preuve, à l'égard de ses clients, de compétence, de dévouement, de diligence et de prudence. " ; qu'aux termes de l'article 1-4 du même règlement : " La méconnaissance d'un seul de ces principes, règles et devoirs, constitue en application de l'article 183 du décret du 27 novembre 1991 une faute pouvant entraîner une sanction disciplinaire. " ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 183 du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat : " Toute contravention aux lois et règlements, toute infraction aux règles professionnelles, tout manquement à la probité, à l'honneur ou à la délicatesse, même se rapportant à des faits extraprofessionnels, expose l'avocat qui en est l'auteur aux sanctions disciplinaires énumérées à l'article 184" ; que les requérants soutiennent par voie d'exception que ces dispositions entachent d'illégalité les articles 1-3 et 1-4 du règlement intérieur national de la profession d'avocat dès lors qu'elles méconnaissent le principe de légalité des délits et des peines ; que, toutefois, pour ce qui concerne les sanctions susceptibles d'être infligées aux membres des professions réglementées, y compris celles revêtant un caractère disciplinaire, le principe de légalité des délits est satisfait dès lors que les textes applicables font référence à des obligations auxquelles les intéressés sont soumis en raison de l'activité qu'ils exercent, de la profession à laquelle ils appartiennent ou de l'institution dont ils relèvent ; que ce texte n'a pas, dans tous les cas, à être une loi ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article 183 du décret du 27 novembre 1991, qui se bornent à énoncer les obligations auxquelles les avocats sont soumis en raison de la profession à laquelle ils appartiennent, violeraient le principe de légalité des délits et des peines ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en second lieu, que les dispositions des articles 1-3 et 1-4 du règlement intérieur national de la profession d'avocat rappelées ci-dessus se bornent, d'une part, à énumérer les différents principes essentiels de la profession d'avocat en reproduisant les dispositions des articles 1er et 3 du décret du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat et, d'autre part, à prévoir qu'un manquement à ces principes constitue, par référence expresse à l'article 183 du décret du 27 novembre 1991, une faute pouvant entraîner une sanction disciplinaire ; qu'ainsi, il résulte de leur rédaction même que, contrairement à ce qui est soutenu, les articles 1-3 et 1-4 du règlement intérieur national de la profession d'avocat font une exacte application des dispositions de l'article 183 du décret du 27 novembre 1991 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. A la SELARL LEX et COS doit être rejetée ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'en l'absence de disposition particulière, il n'appartient pas au Conseil d'Etat, statuant au contentieux, de faire application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 40 du code de procédure pénale ; que les conclusions tendant à la mise en oeuvre de la procédure décrite à l'article 40 du code de procédure pénale ne peuvent dès lors, et en tout état de cause, qu'être rejetées ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A la SELARL LEX et COS la somme de 3 000 euros à verser à parts égales à l'Ordre des avocats du barreau de Paris et au Conseil national des barreaux, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la SELARL LEX et COS et de M. A est rejetée.

Article 2 : La SELARL LEX et COS et M. A verseront à l'Ordre des avocats du barreau de Paris et au Conseil national des barreaux une somme globale de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SELARL LEX et COS, à M. Gérard A, à l'Ordre des avocats du barreau de Paris et au Conseil national des barreaux.

Copie en sera adressée à la garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 6ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 353854
Date de la décision : 22/06/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 22 jui. 2012, n° 353854
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Marc Pichon de Vendeuil
Avocat(s) : SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN ; LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:353854.20120622
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