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25/06/2012 | FRANCE | N°336652

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 25 juin 2012, 336652


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 février et 17 mai 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean-Claude A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt n° 56457 du 17 décembre 2009 par lequel la Cour des comptes, statuant définitivement, l'a déclaré comptable de fait des deniers de la collectivité d'outre-mer de Polynésie française du 10 juin 1998 au 17 mai 2001 et du 1er août 2001 au 9 juin 2004 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde

des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment son article 6 ...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 février et 17 mai 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean-Claude A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt n° 56457 du 17 décembre 2009 par lequel la Cour des comptes, statuant définitivement, l'a déclaré comptable de fait des deniers de la collectivité d'outre-mer de Polynésie française du 10 juin 1998 au 17 mai 2001 et du 1er août 2001 au 9 juin 2004 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment son article 6 ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu la loi n° 63-156 du 23 février 1963 ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Marc Pichon de Vendeuil, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les observations de la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de M. A ;

Considérant que par l'arrêt attaqué, contre lequel M. A se pourvoit en cassation, la Cour des comptes a déclaré l'intéressé comptable de fait des deniers de la collectivité de Polynésie française pour avoir perçu des rémunérations de cette collectivité en sa qualité de collaborateur de cabinet du président du Gouvernement de la Polynésie française alors que l'objet véritable des dépenses, qui correspondait à la rémunération perçue par M. A pour sa mise à la disposition de la commune de Papeete, était dissimulé au comptable de la collectivité de Polynésie française ;

Sur la régularité de l'arrêt :

Considérant, en premier lieu, qu'à l'appui de son pourvoi contre l'arrêt de la Cour des comptes rendu à titre définitif le 17 décembre 2009 le déclarant comptable de fait des deniers de la collectivité d'outre-mer de Polynésie française, M. A se prévaut d'un défaut d'impartialité de quatre des neuf magistrats en ayant délibéré, en méconnaissance de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, au motif que ceux-ci avaient déjà pris part à l'arrêt rendu le 29 novembre 2007 par lequel la Cour des comptes, statuant également à titre définitif, a, d'une part, rejeté les requêtes de MM. B et C dirigées contre le jugement rendu le 4 avril 2006 par la chambre territoriale des comptes de Polynésie française les ayant déclarés, conjointement avec M. A, comptables de fait des deniers de la collectivité de Polynésie française et, d'autre part, annulé ce jugement en ce qu'il concernait M. A ;

Considérant que ni le devoir d'impartialité qui s'impose à toute juridiction, en vertu notamment de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni aucune autre règle générale de procédure ne s'oppose à ce que les mêmes juges connaissent ultérieurement de la même affaire dans l'hypothèse où, saisis d'un jugement mettant en cause différentes parties, ils ont été conduits à statuer sur le sort de certaines parties et à différer, pour tout motif approprié, le jugement des autres parties ; que tel est le cas lorsque, saisie dans le cadre d'une procédure de déclaration de gestion de fait engagée à l'encontre de plusieurs personnes, la Cour des comptes annule un jugement rendu en premier ressort en tant seulement qu'il concerne l'une des parties puis évoque le surplus de l'affaire en mettant en oeuvre, sous l'empire des règles alors en vigueur devant les juridictions financières, la procédure dite du double arrêt ; qu'ainsi, la circonstance que l'arrêt du 17 décembre 2009 a été rendu par quatre des magistrats de la Cour des comptes qui ont siégé lors du prononcé de l'arrêt du 29 novembre 2007 n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la décision attaquée ;

Considérant, en deuxième lieu, que le demandeur soutient que l'arrêt qu'il attaque a été rendu au terme d'une procédure irrégulière dans la mesure où ni le jugement du 4 avril 2006 de la chambre territoriale des comptes de Polynésie française ni ses propres visas ne mentionnent l'acte par lequel s'est ouverte la procédure litigieuse ; que, toutefois, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose qu'une décision juridictionnelle intervenant en matière de gestion de fait mentionne l'acte par lequel s'est ouverte la procédure ; que, par suite, l'arrêt attaqué n'est pas, pour ce motif, entaché d'irrégularité ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué qu'après avoir annulé, en tant qu'il concernait M. A , le jugement rendu le 4 avril 2006 en raison de l'irrégularité de la procédure suivie devant cette juridiction, la Cour des comptes a statué par voie d'évocation ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce qu'elle aurait méconnu les obligations qui incombent au juge saisi par l'effet dévolutif de l'appel ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté ;

Sur le bien-fondé de l'arrêt :

Considérant qu'en vertu du XI de l'article 60 de la loi de finances du 23 février 1963, toute personne qui reçoit ou manie directement ou indirectement les fonds ou valeurs extraits irrégulièrement d'une caisse publique doit rendre compte au juge financier de l'emploi des fonds ou valeurs qu'elle a irrégulièrement détenus ou maniés ; que l'extraction irrégulière des fonds ou valeurs d'une caisse publique inclut notamment les cas où l'objet de la dépense revêt un caractère fictif ou frauduleux ;

Considérant, en premier lieu, que la Cour des comptes n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que la détention matérielle des deniers correspondant aux rémunérations que M. Clark a perçues de la collectivité de Polynésie française durant sa mise à disposition à la commune de Papeete, conjuguée à sa participation, en concertation avec les autres personnes mises en cause, à la dissimulation au comptable de la collectivité de Polynésie française de la réalité des fonctions qu'il exerçait, ont pu caractériser le maniement de deniers publics constitutifs d'une gestion de fait, alors même que l'intéressé n'aurait jamais participé aux opérations de liquidation, de mandatement et de paiement de sa rémunération ;

Considérant, en deuxième lieu, que la Cour des comptes s'est bornée à relever que la mise à disposition du requérant à la commune de Papeete a participé à la mise en place d'un dispositif d'emploi occulte, sans se prononcer sur la légalité de cette mise à disposition ; que, par suite, elle n'a pas excédé l'office du juge des comptes ;

Considérant, en troisième lieu, qu'en jugeant que le comptable du territoire, qui n'avait pas été informé de l'objet véritable des dépenses qu'il a payées au titre des rémunérations versées à M. Clark, n'a pas été mis en mesure d'exercer les contrôles auxquels il était tenu en vertu des articles 12 et 13 du décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, la Cour des comptes, qui a suffisamment motivé son arrêt sur ce point, n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant, en dernier lieu, que c'est par une appréciation souveraine des faits de l'espèce, qui n'est pas entachée de dénaturation, et sans commettre d'erreur de droit, que la Cour des comptes a jugé que l'intéressé, agissant de façon concertée avec ses employeurs réels et fictifs, avait connaissance des irrégularités commises, auxquelles il ne s'était pas opposé ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. A est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Claude A et à la collectivité d'outre-mer de Polynésie française.

Copie pour information en sera adressée au procureur général près la Cour des comptes.


Synthèse
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 336652
Date de la décision : 25/06/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 25 jui. 2012, n° 336652
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Edmond Honorat
Rapporteur ?: M. Marc Pichon de Vendeuil
Rapporteur public ?: M. Xavier de Lesquen
Avocat(s) : SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:336652.20120625
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