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27/06/2012 | FRANCE | N°335481

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 27 juin 2012, 335481


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 janvier et 9 avril 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Paulette B, épouse A, demeurant ... ; elle demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09NT00852 du 30 octobre 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0600111 du 16 octobre 2008 du tribunal administratif de Rennes rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet, résultant du silence ga

rdé par le président du centre communal d'action sociale de la commune...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 janvier et 9 avril 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Paulette B, épouse A, demeurant ... ; elle demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09NT00852 du 30 octobre 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0600111 du 16 octobre 2008 du tribunal administratif de Rennes rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet, résultant du silence gardé par le président du centre communal d'action sociale de la commune de Lannion sur sa demande du 11 octobre 2005 tendant à la révision du montant de l'indemnité qui lui a été accordée à la suite de son licenciement pour inaptitude physique, d'autre part, à l'annulation de cette décision et à ce qu'il soit enjoint au centre communal d'action sociale de Lannion de procéder à un nouveau calcul de l'indemnité de licenciement en tenant compte de son ancienneté à compter du mois de février 1992 ;

2°) de mettre à la charge du centre communal d'action sociale de Lannion le versement de la somme de 2 063 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 77/187/CEE du Conseil du 14 février 1977 ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

Vu le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Guillaume Prévost, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les observations de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de Mme A et de Me Spinosi, avocat du centre communal d'action social de Lannion,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Le Bret-Desaché, avocat de Mme A et à Me Spinosi, avocat du centre communal d'action social de Lannion ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 122-12 du code du travail, alors en vigueur, dont les dispositions sont aujourd'hui reprises à l'article L. 1224-1 de ce code : " S'il survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise " ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions, interprétées conformément aux objectifs poursuivis par les dispositions de l'article 3 de la directive 77/187/CEE du Conseil du 14 février 1977 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d'entreprises, d'établissements ou de parties d'établissements, dont elles assurent, pour ce qui concerne les salariés de droit privé, la transposition, que lorsque l'activité d'une entité économique employant des salariés de droit privé est reprise par une personne publique gérant un service public administratif et que ce transfert n'entraîne pas de changement d'identité de l'entité transférée, le contrat de droit public proposé aux intéressés doit reprendre les clauses substantielles de leur ancien contrat, dans la mesure où des dispositions législatives ou réglementaires n'y font pas obstacle ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumises aux juges du fond qu'à compter de janvier 2004, la gestion du foyer-logement pour personnes âgées de Lannion, établissement géré par une congrégation, a été reprise par le centre communal d'action sociale de Lannion ; que Mme A, qui exerçait depuis février 1992 auprès du foyer-logement les fonctions de lingère en vertu d'un contrat de travail à durée indéterminée passé avec la congrégation, a continué d'exercer les mêmes fonctions, en vertu d'un contrat de droit public à durée indéterminée la liant au centre communal d'action sociale et ayant pris effet le 12 janvier 2004 ; qu'elle a été licenciée pour inaptitude physique à compter du 1er octobre 2005 ; que l'indemnité de licenciement qui lui a alors été allouée a été calculée sur la base de la seule ancienneté qu'elle avait acquise au sein du centre communal d'action sociale ; que, par l'arrêt attaqué du 30 octobre 2009, la cour administrative d'appel de Nantes a confirmé le jugement du 16 octobre 2008 du tribunal administratif de Rennes rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet, résultant du silence gardé par le président du centre communal d'action sociale sur sa demande du 11 octobre 2005 tendant à la prise en compte, pour le calcul de son indemnité de licenciement, de la totalité de l'ancienneté qu'elle avait acquise depuis février 1992 au sein du foyer-logement ;

Considérant que, pour écarter le moyen tiré de ce que cette absence de prise en compte de l'ancienneté acquise par Mme A depuis cette date méconnaissait les dispositions de l'article L. 122-12 du code du travail, la cour a estimé que la requérante était, depuis le 12 janvier 2004, partie à un contrat de droit public régi par le décret du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale, et que les dispositions de l'article 47 de ce décret, en vertu desquelles " ne sont pris en compte pour le calcul de l'indemnité de licenciement que les services effectifs ininterrompus accomplis pour le compte de la même collectivité territoriale, de l'un de ses établissements publics à caractère administratif ou de l'un des établissements publics à caractère administratif auquel elle participe ", faisaient obstacle à la prise en considération de l'ancienneté acquise par la requérante auprès de son précédent employeur ;

Considérant qu'en statuant ainsi, alors que le contrat de droit public signé par l'intéressée était réputé, conformément aux dispositions de l'article L. 122-12 du code du travail auxquelles il ne peut être légalement dérogé, reprendre les clauses substantielles de son contrat de travail et que les dispositions de l'article 47 du décret du 15 février 1988 n'ont pas pour objet de régir, dans l'hypothèse d'un transfert relevant de l'article L. 122-12, les modalités de reprise d'un salarié de droit privé par une collectivité territoriale ou un établissement public local à caractère administratif et ne pouvaient, dès lors, avoir pour effet de porter atteinte au droit de Mme A à la conservation de l'ancienneté qu'elle avait acquise auprès de l'entité transférée, la cour a commis une erreur de droit ; que, par suite, la requérante est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sur la légalité de la décision attaquée :

Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit que Mme A tenait des dispositions de l'article L. 122-12 du code du travail le droit de conserver l'ancienneté qu'elle avait acquise depuis 1992 auprès du foyer-logement, dont l'activité a été transférée au centre communal d'action sociale de Lannion et où elle a continué à exercer les mêmes fonctions ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, laquelle n'était pas tardive contrairement à ce que soutient le centre communal d'action sociale, Mme A est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le président du centre communal d'action sociale de Lannion a refusé de réviser le montant de son indemnité de licenciement ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit par la même décision cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ;

Considérant que l'exécution de la présente décision implique nécessairement que l'indemnité de licenciement versée à Mme A soit calculée en fonction de l'ancienneté que celle-ci avait acquise depuis février 1992 auprès du foyer-logement pour personnes âgées de Lannion ; qu'il y a donc lieu d'enjoindre au centre communal d'action sociale de Lannion de réviser le montant de cette indemnité et de verser à la requérante le complément d'indemnité requis, dans le délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre communal d'action sociale de Lannion la somme de 2 000 euros à verser à Mme A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de Mme A qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 30 octobre 2009 de la cour administrative d'appel de Nantes et le jugement du 16 octobre 2008 du tribunal administratif de Rennes sont annulés.

Article 2 : La décision implicite de rejet, résultant du silence gardé par le maire de Lannion, président du centre communal d'action sociale de Lannion, sur la demande du 11 octobre 2005 de Mme A tendant à la révision du montant de l'indemnité qui lui a été accordée à la suite de son licenciement pour inaptitude physique, est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au centre communal d'action sociale de Lannion de réviser le montant de l'indemnité de licenciement accordée à Mme A et de lui verser le complément d'indemnité requis, dans le délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 4 : Le centre communal d'action sociale de Lannion versera la somme de 2 000 euros à Mme A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions du centre communal d'action sociale de Lannion présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à Mme Paulette B épouse A et au centre communal d'action sociale de Lannion.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 335481
Date de la décision : 27/06/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-04-04 FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS. CHANGEMENT DE CADRES, RECLASSEMENTS, INTÉGRATIONS. INTÉGRATION DE PERSONNELS N'APPARTENANT PAS ANTÉRIEUREMENT À LA FONCTION PUBLIQUE. - PERSONNE PRIVÉE EXERÇANT UNE ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE ET LIÉE PAR CONTRAT À SON PERSONNEL SALARIÉ - REPRISE DE CETTE ACTIVITÉ PAR UNE PERSONNE MORALE DE DROIT PUBLIC - EFFETS DE LA REPRISE À L'ÉGARD DU PERSONNEL (ART. L. 122-2 DU CODE DU TRAVAIL) - POURSUITE DES LIENS CONTRACTUELS - PORTÉE - 1) OBLIGATION DE REPRISE, DANS LE CONTRAT DE DROIT PUBLIC PROPOSÉ, DES CLAUSES SUBSTANTIELLES DE L'ANCIEN CONTRAT - EXISTENCE [RJ1] - 2) DROIT À LA CONSERVATION DE L'ANCIENNETÉ ACQUISE AUPRÈS DE L'ENTITÉ TRANSFÉRÉE - EXISTENCE.

36-04-04 1) Il résulte des dispositions du second alinéa de l'ancien article L. 122-12 du code du travail (aujourd'hui reprises à l'article L. 1224-1 de ce code), que lorsque l'activité d'une entité économique employant des salariés de droit privé est reprise par une personne publique gérant un service public administratif et que ce transfert n'entraîne pas de changement d'identité de l'entité transférée, le contrat de droit public proposé aux intéressés doit reprendre les clauses substantielles de leur ancien contrat, dans la mesure où des dispositions législatives ou réglementaires n'y font pas obstacle.,,2) Les dispositions de l'article 47 du décret n° 88-145 du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale, en vertu desquelles « ne sont pris en compte pour le calcul de l'indemnité de licenciement que les services effectifs ininterrompus accomplis pour le compte de la même collectivité territoriale, de l'un de ses établissements publics à caractère administratif ou de l'un des établissements publics à caractère administratif auquel elle participe », n'ont pas pour objet de régir, dans l'hypothèse d'un transfert relevant de l'article L. 122-12 du code du travail, les modalités de reprise d'un salarié de droit privé par une collectivité territoriale ou un établissement public local à caractère administratif et ne peuvent, dès lors, avoir pour effet de porter atteinte au droit de l'intéressé à la conservation de l'ancienneté qu'il avait acquise auprès de l'entité transférée.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, Section, 22 octobre 2004, Lamblin, n° 245154, p. 382.


Publications
Proposition de citation : CE, 27 jui. 2012, n° 335481
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Jacques Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: M. Guillaume Prévost
Rapporteur public ?: Mme Nathalie Escaut
Avocat(s) : SPINOSI ; SCP LE BRET-DESACHE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:335481.20120627
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