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27/06/2012 | FRANCE | N°344256

France | France, Conseil d'État, 2ème sous-section jugeant seule, 27 juin 2012, 344256


Vu le pourvoi et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 novembre 2010 et 9 février 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Shaoquin A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09PA00689 du 2 avril 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, à la demande du préfet de police, d'une part, annulé le jugement n° 0811311/6-3 en date du 22 décembre 2008 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 19 juin 2008 refusant de délivrer un titre de séjour à Mme A, fais

ant obligation à cette dernière de quitter le territoire français dans le ...

Vu le pourvoi et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 novembre 2010 et 9 février 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Shaoquin A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09PA00689 du 2 avril 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, à la demande du préfet de police, d'une part, annulé le jugement n° 0811311/6-3 en date du 22 décembre 2008 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 19 juin 2008 refusant de délivrer un titre de séjour à Mme A, faisant obligation à cette dernière de quitter le territoire français dans le délai d'un mois suivant sa notification et désignant le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite à la frontière, d'autre part, rejeté la demande présentée devant le tribunal administratif par Mme A ;

2°) de rejeter l'appel formé par le préfet de police devant la cour administrative d'appel de Paris ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Moreau, Maître des requêtes en service extraordinaire,

- les observations de la SCP Roger, Sevaux, avocat de Mme A,

- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, Rapporteur public,

La parole ayant à nouveau été donnée à la SCP Roger, Sevaux, avocat de Mme A ;

Considérant qu'en vertu de l'article L. 313-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la carte de séjour temporaire peut être retirée à tout employeur titulaire de cette carte, qui commet une infraction à l'article L. 341-6 du code du travail ; qu'aux termes de l'article L. 341-6 du code du travail, alors en vigueur : " Nul ne peut, directement ou par personne interposée, engager, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

Considérant que, pour annuler, sur appel du préfet de police, le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 22 décembre 2008 qui avait annulé le refus de renouvellement de titre de séjour opposé le 19 juin 2008 par le préfet de police à la demande de Mme A, la cour administrative d'appel de Paris a estimé que la décision attaquée n'avait pas porté d'atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressée, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que si Mme A, à la suite d'un contrôle de l'atelier de confection qu'elle dirigeait, a été condamnée, pour travail dissimulé et emploi d'étrangers en situation irrégulière, à quatre mois d'emprisonnement avec sursis et à quatre amendes de 1 000 euros, l'intéressée, titulaire d'un titre de séjour, vit en France depuis 1997 avec son époux également titulaire d'une autorisation de séjour, avec lequel elle a eu trois enfants nés en 2001, 2003 et 2004 qui sont scolarisés et dont l'un souffre de troubles épileptiques ; qu'en retenant, en l'état de ces constatations souveraines, que la décision attaquée n'avait pas porté d'atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale, la cour a inexactement qualifié les faits de l'espèce ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, Mme A est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A résidait en France avec son mari depuis onze ans lorsque le préfet de police, par la décision attaquée, a refusé de renouveler son titre de séjour ; que son mari est titulaire d'un titre de séjour régulier ; que leurs trois enfants, nés en 2001, 2003 et 2004 résident avec eux et sont scolarisés ; que l'un d'entre eux souffre de troubles épileptiques ; que dans les circonstances de l'espèce, et alors même que Mme A a été condamnée sur le fondement de l'article L. 341-6 du code du travail à une peine d'emprisonnement avec sursis, la décision attaquée a porté au droit au respect de la vie privée et familiale, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement en date du 22 décembre 2008 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 19 juin 2008 ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme A de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 16 avril 2010 est annulé.

Article 2 : L'appel du préfet de police devant la cour administrative d'appel de Paris est rejeté.

Article 3 : L'Etat versera à Mme A la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Shaoquin A et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 2ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 344256
Date de la décision : 27/06/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 jui. 2012, n° 344256
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Jacques-Henri Stahl
Rapporteur ?: Mme Catherine Moreau
Rapporteur public ?: Mme Béatrice Bourgeois-Machureau
Avocat(s) : SCP ROGER, SEVAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:344256.20120627
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