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29/06/2012 | FRANCE | N°360383

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 29 juin 2012, 360383


Vu le recours, enregistré le 21 juin 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre de l'intérieur, qui demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

- d'annuler l'ordonnance n° 1200295 du 5 juin 2012 du juge des référés du tribunal administratif de Mayotte, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, en tant qu'elle a suspendu les arrêtés du 1er juin 2012 du préfet de Mayotte décidant de reconduire Mme Ahamada Anfane A à la frontière et de la placer en rétention administrative ;

- de reje

ter les conclusions de Mme A tendant à la suspension de ces arrêtés ;

il sout...

Vu le recours, enregistré le 21 juin 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre de l'intérieur, qui demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

- d'annuler l'ordonnance n° 1200295 du 5 juin 2012 du juge des référés du tribunal administratif de Mayotte, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, en tant qu'elle a suspendu les arrêtés du 1er juin 2012 du préfet de Mayotte décidant de reconduire Mme Ahamada Anfane A à la frontière et de la placer en rétention administrative ;

- de rejeter les conclusions de Mme A tendant à la suspension de ces arrêtés ;

il soutient que :

- le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte a entaché son ordonnance d'une erreur d'appréciation en retenant qu'il n'y avait pas de doute sérieux sur l'identité de Mme A ;

- que ce juge a commis une erreur de droit en se prononçant sur l'identité de l'intéressée, alors qu'il s'agit d'une question relative à l'état des personnes et ne relevant pas, par suite, de sa compétence ;

- que le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte a également commis une erreur de droit en retenant que les arrêtés litigieux portaient une atteinte grave et manifestement illégale au droit de Mme A de mener une vie privée et familiale normale, alors que, l'identité de cette dernière n'étant pas établie, son lien de filiation avec l'enfant B n'était pas non plus établi ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 juin 2012, présenté par Mme A, qui conclut au rejet du recours ; elle soutient que :

- le recours du ministre de l'intérieur est irrecevable dès lors qu'il n'apporte pas la preuve d'une urgence ;

- que l'ordonnance du juge des référés de première instance n'est entachée d'aucune erreur d'appréciation sur son identité ;

- que ce juge ne s'est pas prononcé sur une question d'état des personnes ; que le ministre de l'intérieur ne rapporte pas la preuve d'un doute sur l'identité de Mme A ;

- que le préfet de Mayotte a porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit de Mme A de mener une vie privée et familiale normale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le ministre de l'intérieur et, d'autre part, Mme A ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 27 juin 2012 à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- les représentants du ministre de l'intérieur ;

- Me Gaschignard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mme A ;

et à l'issue de laquelle l'instruction a été close ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public (...) aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures " ;

2. Considérant que, par arrêtés du 1er juin 2012, le préfet de Mayotte a ordonné la reconduite à la frontière et le placement en rétention administrative de Mme Ahamada Anfane A, de nationalité comorienne ; que, soutenant notamment qu'elle était la mère d'un enfant français, Mme A a demandé, le 2 juin 2012, au juge des référés du tribunal administratif de Mayotte de suspendre ces arrêtés sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative et d'enjoindre au préfet de Mayotte de lui délivrer, sous astreinte, une autorisation provisoire de séjour ; que, par l'ordonnance attaquée, du 5 juin 2012, le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte a suspendu les arrêtés litigieux et rejeté le surplus des conclusions de la demande ; que le ministre de l'intérieur justifie d'un intérêt à demander l'annulation de cette ordonnance en tant qu'elle a suspendu les arrêtés pris par le préfet de Mayotte ;

3. Considérant que, pour prononcer la suspension demandée, le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte a retenu que, contrairement à ce que soutenait le préfet, il n'y avait pas de doute sérieux sur l'identité de Mme A, dont le lien de filiation avec son enfant de nationalité française était établi, et que, par suite, les arrêtés attaqués, qui contrevenaient aux dispositions de l'article 33 de l'ordonnance du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers à Mayotte, selon lesquelles le père ou la mère d'un enfant français mineur ne peut pas faire l'objet d'une reconduite à la frontière, étaient manifestement illégaux et portaient une atteinte grave à la liberté fondamentale que constituait, pour l'intéressée, le droit de mener une vie privée et familiale normale ;

4. Considérant que, si l'intéressée a produit un jugement supplétif d'acte de naissance et un acte de naissance au nom de Ahamada Anfane A ainsi que l'acte de naissance de l'enfant français de cette dernière, il résulte toutefois de l'instruction qu'elle est dépourvue de tout document d'identité, qu'elle a indiqué lors de son interpellation par les services de police une date de naissance différente de celle portée sur les documents d'état-civil produits, qu'elle n'a fourni aucun autre document susceptible de justifier de son identité et que ses déclarations relatives tant à l'âge et à la scolarité de l'enfant qu'aux liens qu'elle entretiendrait avec lui ont été contredites par une enquête administrative ultérieure ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, l'identité de l'intéressée ainsi que, par voie de conséquence, son lien de filiation avec l'enfant dont elle soutient être la mère ne peuvent pas être regardés comme établis ; que, par suite, c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte a retenu que les arrêtés litigieux méconnaissaient de manière manifeste l'article 33 de l'ordonnance du 26 avril 2000 et portaient une atteinte grave au droit de mener une vie privée et familiale normale ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte a, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, suspendu les décisions du préfet de Mayotte ; que, par suite, cette ordonnance doit être annulée en tant qu'elle a prononcé cette suspension et les conclusions de la requérante devant le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte doivent être rejetées, y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

O R D O N N E :

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Article 1er : L'ordonnance du 5 juin 2012 du juge des référés du tribunal administratif de Mayotte est annulée en tant qu'elle a ordonné la suspension des arrêtés du préfet de Mayotte en date du 1er juin 2012.

Article 2 : Les conclusions présentées par Mme A devant le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte tendant à la suspension des arrêtés du préfet de Mayotte en date du 1er juin 2012 ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au ministre de l'intérieur et à Mme Ahamada Anfane A.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 360383
Date de la décision : 29/06/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 29 jui. 2012, n° 360383
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Edmond Honorat
Avocat(s) : SCP GASCHIGNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:360383.20120629
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