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04/07/2012 | FRANCE | N°334062

France | France, Conseil d'État, 2ème et 7ème sous-sections réunies, 04 juillet 2012, 334062


Vu, 1° sous le n° 334062, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés le 24 novembre 2009 et le 24 février 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'ASSOCIATION FRANÇAISE DES OPERATEURS DE RESEAUX ET SERVICES DE TELECOMMUNICATIONS (AFORST), dont le siège est 165, boulevard Haussmann à Paris (75008) ; l'association requérante demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 17 juin 2009 par laquelle le directeur général de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des pos

tes (ARCEP) a décidé qu'il n'y avait plus lieu de poursuivre la procédure d...

Vu, 1° sous le n° 334062, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés le 24 novembre 2009 et le 24 février 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'ASSOCIATION FRANÇAISE DES OPERATEURS DE RESEAUX ET SERVICES DE TELECOMMUNICATIONS (AFORST), dont le siège est 165, boulevard Haussmann à Paris (75008) ; l'association requérante demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 17 juin 2009 par laquelle le directeur général de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) a décidé qu'il n'y avait plus lieu de poursuivre la procédure de sanction à l'encontre de la société France Télécom, ouverte sur le fondement de l'article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques à la suite d'une demande de l'AFORST reçue le 9 septembre 2008, relative au non-respect d'obligations tarifaires imposées à la société France Télécom, ainsi que la décision du 24 septembre 2009 rejetant son recours gracieux contre la décision du 17 juin 2009 ;

2°) de mettre à la charge de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu, 2° sous le n° 347163, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 1er mars et 1er juin 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la même association ; elle demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le directeur général de l'ARCEP a rejeté sa demande tendant à ce que la société France Télécom soit mise en demeure sur le fondement des dispositions de l'article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques, de faire cesser les manquements à ses obligations tarifaires révélés par la publication de ses comptes pour l'exercice 2008, en procédant à une révision de ses tarifs à la baisse, de nature à assurer une véritable orientation vers les coûts, et en restituant les trop-perçus aux opérateurs tiers ayant subi les conséquences de ces manquements ;

2°) de mettre à la charge de l'ARCEP la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 18 juin 2012, présentée par l'ARCEP ;

Vu les notes en délibéré, enregistrées le 20 juin 2011, présentées pour l'AFORST ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 21 juin 2011, présentée par la société France Télécom ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive 2002/19/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 ;

Vu la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 ;

Vu le code des postes et des communications électroniques ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. David Gaudillère, Auditeur,

- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de l'ASSOCIATION FRANÇAISE DES OPERATEURS DE RESEAUX ET SERVICES DE TELECOMMUNICATIONS (AFORST),

- les conclusions de M. Damien Botteghi, Rapporteur public,

La parole ayant à nouveau été donnée à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de l'ASSOCIATION FRANÇAISE DES OPERATEURS DE RESEAUX ET SERVICES DE TELECOMMUNICATIONS (AFORST) ;

Considérant que les requêtes visées ci-dessus présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques : " Dans le cadre de leurs attributions respectives, le ministre chargé des communications électroniques et l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes prennent, dans des conditions objectives et transparentes, des mesures raisonnables et proportionnées aux objectifs poursuivis et veillent : (...) / 2° A l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques. A ce titre, ils veillent à l'exercice de la concurrence relative à la transmission des contenus et, lorsque cela est approprié, à la promotion d'une concurrence fondée sur les infrastructures (...) " ; que les dispositions de l'article L. 37-1 du même code prévoient que l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) détermine, au regard notamment des obstacles au développement d'une concurrence effective, d'une part, les marchés du secteur des communications électroniques pertinents en vue de la fixation d'obligations spécifiques prévues à l'article L. 38 du même code et, d'autre part, la liste des opérateurs réputés exercer une influence significative sur chacun de ces marchés, soit les opérateurs qui, pris individuellement ou conjointement avec d'autres, se trouvent dans une position équivalente à une position dominante leur permettant de se comporter de manière indépendante vis-à-vis de leurs concurrents, de leurs clients et des consommateurs ; qu'aux termes du I de l'article L. 38 du même code : " Les opérateurs réputés exercer une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques peuvent se voir imposer, en matière d'interconnexion et d'accès, une ou plusieurs des obligations suivantes, proportionnées à la réalisation des objectifs mentionnés à l'article L. 32-1 : (...) 4° Ne pas pratiquer des tarifs excessifs ou d'éviction sur le marché en cause et pratiquer des tarifs reflétant les coûts correspondants ; / 5° Isoler sur le plan comptable certaines activités en matière d'interconnexion ou d'accès, ou tenir une comptabilité des services et des activités qui permette, y compris sur les marchés de détail associés à un marché de gros sur lequel l'opérateur est réputé exercer une influence significative, de vérifier le respect des obligations imposées au titre du présent article (...) " ;

Considérant qu'il ressort des pièces des dossiers que, par différentes décisions des 19 mai 2005, 6 juin 2005, 28 juillet 2005, 27 septembre 2005, 4 mai 2006 et 5 octobre 2006, prises sur le fondement des dispositions précitées, l'ARCEP a désigné la société France Télécom comme opérateur exerçant une influence significative sur plusieurs marchés de gros de la téléphonie fixe et des services de capacité et lui a imposé des obligations tarifaires consistant, selon les marchés en cause, en une orientation vers les coûts, en une interdiction de tarifs d'éviction, en une interdiction de tarifs excessifs ou en une combinaison de ces mesures ; que, par des décisions du 24 juillet 2008 et du 31 juillet 2008 intervenues après une nouvelle analyse de l'état des marchés, l'ARCEP a continué d'imposer à la société France Télécom des obligations tarifaires applicables sur certains marchés jusqu'en 2011 et assorti les obligations tarifaires d'une obligation de comptabilisation des coûts et d'une obligation de comptabilité séparée pour les prestations concernées ;

Considérant qu'à la suite de la publication par la société France Télécom, au début de l'année 2008, de ses comptes pour l'exercice 2006, l'ASSOCIATION FRANÇAISE DES OPERATEURS DE RESEAUX ET SERVICES DE TELECOMMUNICATIONS (AFORST) a, par lettre datée du 4 septembre 2008, saisi le directeur général de l'ARCEP d'une demande tendant à ce que la société France Télécom soit mise en demeure, sur le fondement de l'article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques, de justifier intégralement les coûts correspondants à ses tarifs de gros à compter du 1er janvier 2006, d'adapter ces tarifs pour l'avenir et d'assurer, par un avenant aux contrats d'accès et d'interconnexion conclus avec les opérateurs alternatifs, le reversement des sommes que l'association requérante estime avoir été indûment perçues par la société France Télécom ; que, par lettre du 6 octobre 2008, le chef du service juridique de l'ARCEP a informé la société France Télécom de l'ouverture d'une procédure de sanction ; que, par lettre du 19 février 2009, l'AFORST a étendu sa demande initiale aux tarifs pratiqués par la société France Télécom sur l'année 2007, à la suite de la publication par cet opérateur, au début de l'année 2009, de ses comptes pour l'exercice 2007 ; que, par une décision du 17 juin 2009, le directeur général de l'ARCEP a décidé qu'il n'y avait pas lieu de poursuivre la procédure de sanction ouverte sur le fondement de l'article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques ; que, par une décision du 24 septembre 2009, il a rejeté le recours gracieux formé par l'AFORST contre la décision du 17 juin 2009 ; que, sous le n° 334062, l'association requérante demande l'annulation pour excès de pouvoir de ces deux décisions ;

Considérant qu'à la suite de la publication par la société France Télécom, au début de l'année 2010, de ses comptes pour l'exercice 2008, l'AFORST a, par lettre du 29 octobre 2010, saisi l'ARCEP d'une nouvelle demande tendant à ce que la société France Télécom soit mise en demeure, sur le fondement de l'article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques, de procéder à une révision de ses tarifs à la baisse afin d'assurer une mise en conformité avec le principe d'orientation des tarifs vers les coûts et de restituer aux opérateurs les sommes dont l'association estime qu'elles ont été indûment perçues ; que, sous le n° 347163, l'association requérante demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite par laquelle le directeur général de l'ARCEP a rejeté cette demande ;

Sur l'intervention de la Société française du radiotéléphone (SFR) :

Considérant que cette société, en tant qu'opérateur membre de l'AFORST, a intérêt à l'annulation des décisions attaquées sous le n° 334062 ; qu'ainsi son intervention au soutien de cette requête est recevable ;

Sur la légalité externe des décisions attaquées :

En ce qui concerne la procédure suivie :

Considérant que l'association requérante soutient que les décisions attaquées auraient été prises aux termes d'une procédure irrégulière, faute pour l'ARCEP de lui avoir communiqué dans le cours de l'instruction les éléments qui ont conduit l'Autorité à renoncer à poursuivre la procédure de sanction ;

Considérant toutefois que si les dispositions invoquées du I de l'article D. 311 du code des postes et des communications électroniques imposent aux opérateurs tenus de pratiquer des tarifs reflétant les coûts d'être en mesure de démontrer que leurs tarifs reflètent effectivement les coûts et permettent à l'ARCEP de leur demander de justifier intégralement leurs tarifs, ces dispositions, non plus qu'aucune autre disposition du code des postes et communications électroniques, n'ont pour objet ou pour effet d'obliger l'ARCEP à communiquer à l'auteur d'une plainte les éléments recueillis dans le cadre de l'instruction de cette plainte ; que les stipulations des articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'imposent pas davantage une telle communication contradictoire à l'auteur de la plainte avant que l'autorité compétente de l'ARCEP ne statue ;

En ce qui concerne la motivation des décisions attaquées :

Considérant, d'une part, que si les dispositions du 5° de l'article L. 36-11 du code des postes et communications électroniques imposent aux autorités compétentes de l'ARCEP de motiver les décisions prises sur le fondement de cet article, qu'elles prononcent une sanction ou renoncent à le faire, cette obligation spéciale de motivation n'a pas pour effet d'imposer que les décisions qui ne donnent pas suite à une plainte comportent une réponse détaillée à l'ensemble des griefs soulevés par l'auteur de la plainte ;

Considérant qu'en l'espèce, la décision du 17 juin 2009 par laquelle le directeur général de l'ARCEP a décidé qu'il n'y avait pas lieu de poursuivre la procédure de sanction ouverte à l'encontre de France Télécom à la suite de la plainte de l'AFORST fait état de ce que l'instruction, ainsi que l'explique le rapport d'instruction, a conduit à analyser les manquements invoqués sur trois marchés et expose les considérations de droit et de fait qui ont conduit à estimer que les manquements, sur ces marchés, avaient cessé à la date de la décision attaquée ; que la motivation retenue par les décisions des 17 juin et 24 septembre 2009 satisfait aux exigences du 5° de l'article L. 36-11 du code des postes et communications électroniques ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 5 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, dont les dispositions sont applicables, sauf texte législatif contraire, à toute décision administrative qui doit être motivée en vertu d'un texte législatif ou réglementaire ou d'une règle générale de procédure administrative : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués " ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'AFORST aurait demandé la communication des motifs de la décision implicite résultant du silence gardé sur la plainte qu'elle a formée le 29 novembre 2010 ; que, par suite, le moyen tiré de ce que cette décision implicite serait illégale faute d'être motivée ne peut qu'être écarté ;

Sur la légalité interne des décisions attaquées :

Considérant qu'en vertu de l'article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques, l'ARCEP peut, soit d'office, soit à la demande du ministre chargé des communications électroniques, d'une organisation professionnelle, d'une association agréée d'utilisateurs ou d'une personne physique ou morale concernée, sanctionner les manquements qu'elle constate, de la part des exploitants de réseaux ou des fournisseurs de services de communications électroniques, aux dispositions législatives et réglementaires afférentes à leur activité ou aux décisions prises pour en assurer la mise en oeuvre ; que ce pouvoir de sanction est exercé dans les conditions fixées par cet article L. 36-11 ; que le 1° de cet article prévoit, en particulier, que : " En cas d'infraction d'un exploitant de réseau ou d'un fournisseur de services aux dispositions du présent code et des textes et décisions pris pour son application (...), l'exploitant ou le fournisseur est mis en demeure par le directeur des services de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes de s'y conformer dans un délai déterminé. Cette mise en demeure peut être assortie d'obligations de se conformer à des étapes intermédiaires dans le même délai. Ce délai ne peut être inférieur à un mois sauf en cas d'infractions graves et répétées ou si l'exploitant ou le fournisseur en est d'accord. L'autorité peut rendre publique cette mise en demeure " ; que, selon le 2° du même article : " 2° Lorsqu'un exploitant de réseau ou un fournisseur de services ne se conforme pas dans les délais fixés à (...) la mise en demeure prévue au 1° du présent article ou aux obligations intermédiaires dont elle est assortie, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes peut prononcer à son encontre une des sanctions suivantes : / a) Soit, en fonction de la gravité du manquement : / - la suspension totale ou partielle, pour un mois au plus, du droit d'établir un réseau de communications électroniques ou de fournir un service de communications électroniques, ou le retrait de ce droit, dans la limite de trois ans ; / - la suspension totale ou partielle, pour un mois au plus, la réduction de la durée, dans la limite d'une année, ou le retrait de la décision d'attribution ou d'assignation (...) / b) Soit, si le manquement n'est pas constitutif d'une infraction pénale : / - une sanction pécuniaire dont le montant est proportionné à la gravité du manquement et aux avantages qui en sont tirés (...) " ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ces dispositions que l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ne peut prononcer l'une des sanctions limitativement énumérées par cet article L. 36-11 à l'encontre d'exploitants de réseaux ou de fournisseurs de services n'ayant pas respecté les dispositions législatives et réglementaires afférentes à leur activité que s'ils ne se sont pas conformés à la mise en demeure qui leur a été adressée, au préalable, par l'Autorité ; qu'il s'ensuit que dans le cas où, au cours de l'instruction d'une procédure ouverte par l'Autorité, les manquements de l'exploitant ou du fournisseur à ses obligations cessent, que ce soit avant qu'une mise en demeure ait été adressée ou à la suite d'une telle mise en demeure, l'Autorité ne peut que mettre un terme à la procédure de sanction ; que, contrairement à ce que soutiennent l'association requérante et la Société française du radiotéléphone (SFR), il résulte clairement des directives 2002/19/CE et 2002/21/CE du 7 mars 2002, qu'elles n'impliquent pas que l'article L. 36-11 doive être interprété comme habilitant l'ARCEP à enjoindre à un exploitant ou à un fournisseur de réparer, au bénéfice d'opérateurs concurrents, les conséquences des manquements tarifaires qui ont été régularisés au cours de l'instruction de la procédure de sanction ; qu'une telle interprétation ne saurait non plus découler du principe d'effectivité de la régulation concurrentielle garanti par le droit de l'Union européenne dont se prévalent l'association et la société SFR ;

Considérant en l'espèce que, par les décisions attaquées des 17 juin et 24 septembre 2009, le directeur général de l'ARCEP a décidé qu'il n'y avait plus lieu de poursuivre la procédure ouverte à l'encontre de la société France Télécom sur le fondement de l'article L. 36-11 compte tenu des modifications tarifaires auxquelles cette société a procédé le 28 mai 2009, avec effet rétroactif au 1er janvier 2009 ; qu'en estimant qu'il devait être mis un terme à la procédure de sanction ouverte au motif que les manquements avaient cessé au cours de l'instruction du fait de la régularisation des tarifs opérée par France Télécom au regard des obligations tarifaires d'orientation vers les coûts qui lui avaient été imposées, le directeur général de l'ARCEP n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant, en second lieu, qu'il appartient à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, investie par les dispositions de l'article L. 36-11 d'un pouvoir de sanction qu'elle peut exercer de sa propre initiative ou à la suite d'une plainte, de décider, lorsqu'elle est saisie par un tiers de faits de nature à motiver la mise en oeuvre de ce pouvoir, et après avoir procédé à leur examen, des suites à donner à la plainte ; que l'Autorité dispose, à cet effet, d'un large pouvoir d'appréciation et peut tenir compte de la gravité des manquements allégués au regard de la législation ou de la réglementation qu'elle est chargée de faire appliquer, du sérieux des indices relatifs à ces faits, de la date à laquelle ils ont été commis, du contexte dans lequel ils l'ont été et, plus généralement, de l'ensemble des intérêts généraux dont elle a la charge ; que la décision qu'elle prend, lorsqu'elle refuse de donner suite à la plainte, a le caractère d'une décision administrative que le juge de l'excès de pouvoir peut annuler en cas d'erreur de fait ou de droit, d'erreur manifeste d'appréciation ou de détournement de pouvoir ;

Considérant, d'une part, s'agissant des marchés de la prestation de départ d'appel, de la vente en gros de l'accès au service téléphonique et du dégroupage total, sur lesquels la société France Télécom avait une obligation d'orientation des tarifs vers les coûts, que si l'association requérante soutient que le directeur général de l'ARCEP a entaché ses décisions d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que la modification tarifaire effectuée par la société France Télécom en cours d'instruction suffisait à satisfaire aux obligations imposées à cette société, il ne ressort ni de l'argumentation présentée par l'AFORST ni d'aucune pièce versée aux dossiers que le directeur général de l'ARCEP aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que les nouveaux tarifs fixés à compter du 1er janvier 2009 à 0,45 euro par minute pour les prestations de départ d'appel et à 9 euros par mois et par paire de cuivre pour le dégroupage total permettaient de respecter les obligations tarifaires imposées à la société France Télécom ; que, s'agissant de la valorisation de la paire de cuivre sur le marché du dégroupage total, le directeur général de l'ARCEP n'a pas commis d'erreur de droit en retenant une assiette, non de 95 % des lignes comme l'ARCEP avait pu l'évaluer par sa décision du 15 décembre 2005, mais de 98,4 % des lignes compte tenu des évolutions constatées depuis 2005, en particulier la diminution du nombre de lignes faisant l'objet d'une compensation au titre du service universel ;

Considérant, d'autre part, s'agissant des autres marchés évoqués par la plainte de l'AFORST, qu'ont été écartés de l'instruction les marchés pour lesquels les obligations tarifaires imposées à la société France Télécom ne se réduisaient pas à la seule orientation vers les coûts et ceux pour lesquels les tarifs ne pouvaient être pertinemment examinés au vu des documents comptables sur lesquels se fondait la plainte ;

Considérant qu'il ressort des éléments versés aux dossiers que, sur le marché de la terminaison d'appel fixe, les obligations imposées à la société France Télécom ont été modifiées en 2008, avant l'intervention de la décision attaquée, dans le sens d'une orientation vers les coûts d'un opérateur efficace avec encadrement tarifaire pluriannuel ; que, s'agissant des prestations de segment terminal de capacité dont le débit est inférieur à 10 Mbits par seconde, les obligations imposées à la société France Télécom ne se réduisaient pas à la seule orientation vers les coûts ; qu'ainsi, sur ces deux marchés, l'Autorité a imposé une combinaison d'obligations tarifaires et non une seule obligation d'orientation vers les coûts, sur laquelle portait la plainte de l'association requérante ; qu'en estimant, dans les circonstances de l'espèce, qu'il n'y avait pas lieu à poursuite sur ces marchés, le directeur général de l'ARCEP n'a pas commis d'erreur de droit et n'a pas entaché ses décisions des 17 juin et 24 septembre 2009 d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant, enfin, s'agissant des tarifs pratiqués par la société France Télécom à compter du 1er janvier 2009, qu'au regard de ce qui précède et de l'argumentation de l'association requérante sur ce point, l'Autorité a pu estimer, sans erreur de droit ni erreur manifeste d'appréciation, que les éléments dont faisait état l'AFORST dans sa nouvelle demande du 29 octobre 2010 ne justifiaient pas l'ouverture d'une nouvelle procédure de sanction à l'encontre de la société France Télécom pour méconnaissance de ses obligations tarifaires ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la société France Télécom, que l'association requérante n'est pas fondée à demander l'annulation des décisions attaquées ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par l'ASSOCIATION FRANÇAISE DES OPERATEURS DE RESEAUX ET SERVICES DE TELECOMMUNICATIONS au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par la société France Télécom et par l'ARCEP ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'intervention de la Société française du radiotéléphone (SFR) dans la requête n° 334062 est admise.

Article 2 : Les requêtes de l'ASSOCIATION FRANÇAISE DES OPERATEURS DE RESEAUX ET SERVICES DE TELECOMMUNICATIONS sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société France Télécom et par l'Autorité de régulation des communications électronique et des postes au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION FRANÇAISE DES OPERATEURS DE RESEAUX ET SERVICES DE TELECOMMUNICATIONS, à la Société française du radiotéléphone, à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, à la société France Télécom et au ministre du redressement productif.


Synthèse
Formation : 2ème et 7ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 334062
Date de la décision : 04/07/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

51-005 POSTES ET COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES. - POUVOIR DE SANCTION DE L'ARCEP - 1) CONDITIONS DE MISE EN ŒUVRE - ABSENCE DE CONFORMATION À LA MISE EN DEMEURE - 2) REFUS DE DONNER SUITE À UNE PLAINTE - NATURE - DÉCISION ADMINISTRATIVE SUSCEPTIBLE DE RECOURS [RJ1].

51-005 1) L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) ne peut prononcer l'une des sanctions limitativement énumérées par l'article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques à l'encontre d'exploitants de réseaux ou de fournisseurs de services n'ayant pas respecté les dispositions législatives et réglementaires afférentes à leur activité que s'ils ne se sont pas conformés à la mise en demeure qui leur a été adressée, au préalable, par l'Autorité. Par suite, dans le cas où, au cours de l'instruction d'une procédure ouverte par l'Autorité, les manquements de l'exploitant ou du fournisseur à ses obligations cessent, que ce soit avant qu'une mise en demeure ait été adressée ou à la suite d'une telle mise en demeure, l'Autorité ne peut que mettre un terme à la procédure de sanction.,,2) Il appartient à l'ARCEP de décider, lorsqu'elle est saisie par un tiers de faits de nature à motiver la mise en oeuvre de son pouvoir de sanction, et après avoir procédé à leur examen, des suites à donner à la plainte. A cet effet, elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation et peut tenir compte de la gravité des manquements allégués au regard de la législation ou de la réglementation qu'elle est chargée de faire appliquer, du sérieux des indices relatifs à ces faits, de la date à laquelle ils ont été commis, du contexte dans lequel ils l'ont été et, plus généralement, de l'ensemble des intérêts généraux dont elle a la charge. La décision qu'elle prend, lorsqu'elle refuse de donner suite à la plainte, a le caractère d'une décision administrative que le juge de l'excès de pouvoir peut annuler en cas d'erreur de fait ou de droit, d'erreur manifeste d'appréciation ou de détournement de pouvoir.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, Section, 30 novembre 2007, Tinez et autres, n° 293952, p. 459.


Publications
Proposition de citation : CE, 04 jui. 2012, n° 334062
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. David Gaudillère
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:334062.20120704
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