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11/07/2012 | FRANCE | N°347147

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 11 juillet 2012, 347147


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 février et 30 mai 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la Section française de l'observatoire international des prisons, dont le siège est 7 bis, rue Riquet à Paris (75019) ; la Section française de l'observatoire international des prisons demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2010-1635 du 23 décembre 2010 portant application de la loi pénitentiaire et modifiant le code de procédure pénale ;

2°) de mettre à la charg

e de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 février et 30 mai 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la Section française de l'observatoire international des prisons, dont le siège est 7 bis, rue Riquet à Paris (75019) ; la Section française de l'observatoire international des prisons demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2010-1635 du 23 décembre 2010 portant application de la loi pénitentiaire et modifiant le code de procédure pénale ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment son article 8 ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie Roussel, Auditeur,

- les observations de Me Spinosi, avocat de la Section française de l'observatoire international des prisons ;

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Spinosi, avocat de la Section française de l'observatoire international des prisons ;

Considérant que le décret attaqué, pris pour l'application de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, a notamment pour objet de modifier les dispositions réglementaires du code de procédure pénale relatives au régime général de détention, à l'administration des établissements pénitentiaires, à la discipline et à la sécurité au sein de ces derniers ou encore aux mouvements des personnes détenues ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 717-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de l'article 89 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 : " Dès leur accueil dans l'établissement pénitentiaire et à l'issue d'une période d'observation pluridisciplinaire, les personnes détenues font l'objet d'un bilan de personnalité. Un parcours d'exécution de la peine est élaboré par le chef d'établissement et le directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation pour les condamnés, en concertation avec ces derniers, dès que leur condamnation est devenue définitive. Le projet initial et ses modifications ultérieures sont portés à la connaissance du juge de l'application des peines " ; qu'aux termes de l'article D. 88 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue du décret attaqué : " Le parcours d'exécution de la peine décrit notamment, pour chaque personne détenue condamnée, l'ensemble des actions qu'il est envisagé de mettre en oeuvre au cours de sa détention afin de favoriser sa réinsertion. Il couvre l'ensemble de la période de détention, y compris la préparation à la sortie. / Il est défini et, le cas échéant, actualisé, à partir des éléments recueillis lors de la période d'observation puis, tout au long de la détention, auprès de l'ensemble des services appelés à connaître de la situation de la personne détenue intéressée, ainsi que des souhaits exprimés par elle. Ces éléments sont consignés par écrit. / Il fait l'objet d'un réexamen à la demande de la personne détenue ou au moins une fois par an " ;

Considérant qu'en prévoyant que les souhaits exprimés par les personnes détenues pour la définition du parcours d'exécution de leur peine seront recueillis, par écrit, lors de la période d'observation puis tout au long de la détention, à la demande de la personne détenue et au minimum une fois par an, le décret attaqué a, contrairement à ce qui est soutenu, organisé une procédure permettant d'assurer la concertation avec les personnes détenues dans la définition du parcours d'exécution de leur peine prévue par l'article 717-1 du code de procédure pénale, dont il fait application ; qu'ainsi qu'il ressort des termes de l'article 89 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 modifiant l'article 717-1 du code de procédure pénale, éclairés par les travaux préparatoires, le parcours d'exécution de la peine, qui se borne à décrire les actions envisagées pour favoriser la réinsertion de la personne détenue, ne saurait avoir pour objet ni pour effet de contraindre celle-ci à participer aux actions qu'il prévoit ; qu'en tout état de cause et contrairement à ce qui est soutenu, la définition du parcours d'exécution de la peine est indépendante de la décision par laquelle les autorités pénitentiaires déterminent le régime de détention du condamné et est, par elle-même, sans incidence sur son droit au travail ; que, par suite, l'article D. 88 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue du décret attaqué, ne méconnaît pas l'article 717-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi du 24 novembre 2009 ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article D. 144 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue du décret attaqué : " A l'occasion de la maladie grave ou du décès d'un membre de leur famille proche, une permission de sortir d'une durée maximale de trois jours peut être accordée, d'une part, aux condamnés à une peine privative de liberté inférieure ou égale à cinq ans, et, d'autre part, aux condamnés à une peine privative de liberté supérieure à cinq ans, lorsqu'ils ont exécuté la moitié de leur peine " ;

Considérant que figure au nombre des droits fondamentaux des personnes détenues le droit au maintien de leurs liens familiaux, dans les limites qu'implique nécessairement l'exécution d'une peine privative de liberté ; que, pour garantir ce droit rappelé à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il appartient à l'administration pénitentiaire de prendre, dans toute la mesure du possible, les dispositions permettant à la personne détenue de maintenir des liens avec sa famille, qui ne se limitent pas aux seuls liens ayant reçu une reconnaissance par un acte de droit civil ; que l'article D. 144 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue du décret attaqué, instaure, pour les personnes condamnées à une peine privative de liberté, la possibilité de permissions de sortir en cas de maladie grave ou du décès d'un membre de leur famille proche ; que dès lors et contrairement à ce qui est soutenu, cet article concourt, parmi d'autres mesures, telles que notamment la possibilité recevoir des visites au sein des établissements pénitentiaires, de téléphoner et de correspondre ou encore de bénéficier d'autorisations ou de permissions de sortir pour lesquelles le motif de la permission de sortir n'est pas subordonné à la maladie grave ou au décès d'un membre de la famille proche, au respect du droit des personnes détenues à une vie familiale ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la Section française de l'observatoire international des prisons n'est pas fondée à demander l'annulation du décret attaqué ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de la Section française de l'observatoire international des prisons est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Section française de l'observatoire international des prisons, à la garde des sceaux, ministre de la justice et au Premier ministre.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 11 jui. 2012, n° 347147
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Bernard Stirn
Rapporteur ?: Mme Sophie Roussel
Rapporteur public ?: Mme Suzanne von Coester
Avocat(s) : SPINOSI

Origine de la décision
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Date de la décision : 11/07/2012
Date de l'import : 23/03/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 347147
Numéro NOR : CETATEXT000026198985 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2012-07-11;347147 ?
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