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17/07/2012 | FRANCE | N°353460

France | France, Conseil d'État, 6ème sous-section jugeant seule, 17 juillet 2012, 353460


Vu le pourvoi, enregistré le 18 octobre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ; le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 11BX02358 du 30 septembre 2011 par laquelle le juge des référés de la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté son recours dirigé contre l'ordonnance n° 1100347 du 26 juillet 2011 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Basse-Terre a ordonné l'expertise de

mandée par M. Daniel A visant à décrire ses conditions de détention à l...

Vu le pourvoi, enregistré le 18 octobre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ; le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 11BX02358 du 30 septembre 2011 par laquelle le juge des référés de la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté son recours dirigé contre l'ordonnance n° 1100347 du 26 juillet 2011 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Basse-Terre a ordonné l'expertise demandée par M. Daniel A visant à décrire ses conditions de détention à la maison d'arrêt de Baie Mahault ;

2°) statuant en référé, de faire droit à son appel ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Baptiste de Froment, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

1. Considérant qu'à la demande de M. A, ancien détenu à la maison d'arrêt de Baie Mahault, le juge des référés du tribunal administratif de Basse-Terre a, en application de l'article R. 531-1 du code de justice administrative, désigné par une ordonnance du 26 juillet 2011 un expert ayant pour mission de se rendre dans cet établissement pénitentiaire pour y procéder à la constatation des conditions de détention de M. A ; que par une ordonnance du 30 septembre 2011, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté comme irrecevable le recours formé par le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés contre l'ordonnance du tribunal administratif de Basse-Terre du 26 juillet 2011, au motif qu'il n'avait pas qualité pour interjeter appel de cette ordonnance ; que le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 30 septembre 2011 ;

2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance " ; que doit être regardée comme une partie présente à l'instance, ayant à ce titre qualité pour interjeter appel contre la décision juridictionnelle qui y a été rendue, la personne qui a été invitée par la juridiction à présenter des observations et qui, si elle ne l'avait pas été, aurait eu qualité pour former tierce opposition contre cette décision ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 531-1 du code de justice administrative : " S'il n'est rien demandé de plus que la constatation de faits, le juge des référés peut, sur simple requête qui peut être présentée sans ministère d'avocat et même en l'absence d'une décision administrative préalable, désigner un expert pour constater sans délai les faits qui seraient susceptibles de donner lieu à un litige devant la juridiction. / Avis en est donné immédiatement aux défendeurs éventuels (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 832-1 du même code : " Toute personne peut former tierce opposition à une décision juridictionnelle qui préjudicie à ses droits, dès lors que ni elle ni ceux qu'elle représente n'ont été présents ou régulièrement appelés dans l'instance ayant abouti à cette décision " ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés de la cour administrative d'appel de Bordeaux que le garde des sceaux a été invité par le juge des référés du tribunal administratif de Basse-Terre, avant qu'il ne statue sur la demande de constat dont il avait été saisi, à présenter des observations ; qu'il résulte des dispositions rappelées ci-dessus que le garde des sceaux aurait été recevable à former tierce opposition contre l'ordonnance prise sur le fondement de l'article R. 531-1 du code de justice administrative, dès lors qu'à la suite de l'exécution de l'ordonnance prescrivant un constat, sa responsabilité était susceptible d'être mise en jeu, circonstance qui, de ce seul fait, préjudicie à ses droits au sens de l'article R. 832-1 du même code ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en jugeant, par l'ordonnance attaquée, que le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, ne saurait être regardé comme partie devant le tribunal administratif de Basse-Terre et, par suite, n'avait pas qualité pour interjeter appel de la décision rendue, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Bordeaux a commis une erreur de droit ; que, par suite, l'ordonnance du juge des référés de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 30 septembre 2011 doit être annulée ;

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de statuer sur l'appel présenté par le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés contre l'ordonnance du 26 juillet 2011 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Basse-Terre a désigné un expert pour constater les conditions de détention de M. A ;

7. Considérant, d'une part, qu'ainsi qu'il a été dit au point 4 le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, a été mis en cause par le juge des référés du tribunal administratif de Basse-Terre ; que la mesure de constat en litige sollicitée afin de réunir les éléments de preuve propres à permettre à M. A d'engager un recours indemnitaire à l'encontre de l'Etat à raison des conditions de sa détention, préjudicie à ses droits ; que, par suite, le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, a qualité pour en interjeter appel ;

8. Considérant, d'autre part, que M. A a saisi, le 14 juin 2011, le juge des référés, sur le fondement de l'article R. 531-1 du code de justice administrative précité, d'une demande tendant à nommer un collège d'experts aux fins de décrire l'état de chaque cellule qu'il a occupée durant sa détention à la maison d'arrêt de Baie Mahault, déterminer le nombre de personnes se trouvant dans chacune d'elles ou s'y étant trouvées, décliner l'identité, l'état civil et le statut pénitentiaire de ces personnes, décrire l'état des parties communes de la maison d'arrêt et notamment les installations sanitaires, déterminer le volume de chacune des cellules, pièces, parties communes visitées ainsi que leur système d'aération et de ventilation et déterminer si ces installations répondent aux normes d'hygiène de sécurité en vigueur ;

9. Considérant que pour faire droit à la demande de constat présentée par M. A, le juge des référés du tribunal administratif de Basse-Terre a jugé que la demande entrait dans le champ des dispositions du premier alinéa de l'article R. 531-1 du code de justice administrative et présentait un caractère utile ; que toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. FourieFourR a été incarcéré à la maison d'arrêt de Baie Mahault du 24 février 2010 au 30 septembre 2010 ; que, eu égard à la date à laquelle la demande a été présentée, un expert n'était plus en mesure de constater sans délai les conditions matérielles de détention du demandeur ; qu'en outre il n'appartient pas à un expert désigné sur le fondement des dispositions précitées de se prononcer sur la conformité des installations de la maison d'arrêt à la réglementation applicable ; qu'il suit de là que la mesure de constat sollicitée par M. A ne présentait pas un caractère utile ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Basse-Terre a fait droit à la demande de constat présentée par M. A sur le fondement des dispositions de l'article R. 531-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 30 septembre 2011 du juge des référés de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulée.

Article 2 : L'ordonnance du 26 juillet 2011 du juge des référés du tribunal administratif de Basse-Terre est annulée.

Article 3 : La requête de M. A devant le juge des référés du tribunal administratif de Basse-Terre est rejetée.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la garde des sceaux, ministre de la justice et à M. Daniel A.


Synthèse
Formation : 6ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 353460
Date de la décision : 17/07/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Publications
Proposition de citation : CE, 17 jui. 2012, n° 353460
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Christine Maugüé
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste de Froment
Rapporteur public ?: M. Xavier de Lesquen

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:353460.20120717
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