Vu la requête, enregistrée le 2 janvier 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Francioli B, demeurant ... ; M. B demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement n° 1100991 du 25 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Fort-de-France a, sur la saisine de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques en application des articles L. 52-15 et L. 118-3 du code électoral, déclaré l'intéressé inéligible aux fonctions de conseiller général pour une durée de un an prenant effet à la date du jugement ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code électoral, notamment son article L. 118-3 ;
Vu la loi n° 2011-412 du 14 avril 2011 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Laurent Cytermann, Maître des Requêtes en service extraordinaire,
- les observations de la SCP Thouin-Palat, Boucard, avocat de M. B,
- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Thouin-Palat, Boucard, avocat de M. B ;
1. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 52-12 du code électoral dans sa rédaction issue de l'article 10 de la loi du 14 avril 2011 portant simplification de dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique : " Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 et qui a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés est tenu d'établir un compte de campagne (...) Au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin, chaque candidat ou candidat tête de liste présent au premier tour dépose à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques son compte de campagne et ses annexes accompagné des justificatifs de ses recettes ainsi que des factures, devis et autres documents de nature à établir le montant des dépenses payées ou engagées par le candidat ou pour son compte. (...) Par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa, en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique et à La Réunion, le compte de campagne peut également être déposé à la préfecture ou la sous-préfecture. " ;
2. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 118-3 du même code dans sa rédaction issue également de la loi du 14 avril 2011 : " (...) le juge de l'élection peut déclarer inéligible le candidat dont le compte de campagne, le cas échéant après réformation, fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales. / Saisi dans les mêmes conditions, le juge de l'élection peut déclarer inéligible le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article L. 52-12. / Il prononce également l'inéligibilité du candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit en cas de volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales. (...) " ; que l'inéligibilité prévue par les dispositions précitées de l'article L. 118-3 du code électoral constituant une sanction ayant le caractère d'une punition il incombe, dès lors, au juge de l'élection, lorsqu'il est saisi de conclusions tendant à ce qu'un candidat dont le compte de campagne est rejeté soit déclaré inéligible et à ce que son élection soit annulée, de faire application, le cas échéant, d'une loi nouvelle plus douce entrée en vigueur entre la date des faits litigieux et celle à laquelle il statue ; qu'ainsi ces dispositions sont applicables au présent litige ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par décision du 28 septembre 2011, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a constaté que M. B, candidat aux élections qui se sont déroulées les 20 et 27 mars 2011 en vue de la désignation du conseiller général du canton de Rivière-Pilote (Martinique), n'avait pas déposé son compte de campagne, en violation de l'article L. 52-12 du code électoral ; que saisi en application de l'article L. 52-15 du même code, le tribunal administratif de Fort de France a, par jugement du 25 novembre 2011, déclaré M. B inéligible aux fonctions de conseiller général pour une durée d'un an ; que celui-ci fait appel de ce jugement ;
4. Considérant qu'en vertu du deuxième alinéa de l'article L. 118-3 dans sa rédaction issue de la loi du 14 avril 2011, le juge de l'élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, peut déclarer inéligible le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article L. 52-12 du même code ; que pour apprécier s'il y a lieu, pour lui, de faire usage de la faculté de déclarer un candidat inéligible, il appartient au juge de l'élection de tenir compte de la nature de la règle méconnue, du caractère délibéré ou non du manquement, de l'existence éventuelle d'autres motifs d'irrégularité du compte et du montant des sommes en cause ;
5. Considérant que M. B, qui a finalement présenté un compte de campagne le 10 janvier 2012, au-delà du délai permettant son examen par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, invoque à l'appui de ses conclusions tendant à ce que ne soit pas prononcée l'inéligibilité mentionnée à l'article L. 118-3 du code électoral, le cas de force majeure constitué par l'enfouissement, le 2 mai 2011, de l'habitation de son mandataire financier à la suite d'un glissement de terrain provoqué par de fortes pluies, conduisant à la perte du compte de campagne de l'intéressé et dont il atteste par la production de plusieurs arrêtés municipaux de péril interdisant l'accès de l'habitation en cause puis ordonnant sa démolition ; que ces circonstances n'auraient pas permis à son mandataire de reconstituer les pièces ainsi disparues pour établir un nouveau compte ;
6. Considérant que si les dispositions du code électoral régissant les obligations en matière de comptes de campagne ne font pas obstacle à ce qu'il soit tenu compte de circonstances empêchant l'élaboration du compte, il appartient en pareil cas au candidat, ainsi qu'à son mandataire, d'en informer la commission dans le délai imparti pour le dépôt du compte et de permettre à celle-ci d'apprécier si les dites circonstances justifient qu'il soit accordé un délai ; qu'en l'espèce, il résulte de l'instruction que M. B, n'ayant pas retiré la lettre en date du 22 juin 2011 par laquelle la commission le mettait en demeure de produire son compte de campagne avant de prononcer sa décision, n'a pas invoqué devant elle avant qu'elle prononce sa décision les circonstances aujourd'hui avancées ; que s'il produit un courrier en date du 20 septembre 2011 enjoignant à son mandataire financier de produire son compte de campagne, ce courrier ne fait mention ni des circonstances à l'origine du retard ni des difficultés rencontrées dans la reconstitution du dossier ; que, si des arrêtés du maire de Fort-de-France attestent du glissement de terrain qui a affecté le 2 mai 2011 l'habitation du mandataire financier de M. B et prescrivent l'interdiction d'y résider, ces arrêtés évoquent l'instabilité des constructions liée aux désordres intervenus dans les fondations mais ne mentionnent pas d'enfouissement ou de destruction massive des habitations ; que, dans ces conditions, M. B n'établit pas l'impossibilité dans laquelle il soutient s'être trouvé de produire son compte de campagne dans les délais prévus par l'article L. 52-12 du code électoral ; que, par suite, il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Fort-de-France l'a déclaré inéligible pour une durée de un an ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête de M. B est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Francioli B, à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et au ministre de l'intérieur.