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27/07/2012 | FRANCE | N°337809

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 27 juillet 2012, 337809


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 mars et 22 juin 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société par actions simplifiée Virtual Immo 2, dont le siège est 19 boulevard Malesherbes à Paris (75008) ; la société par actions simplifiée Virtual Immo 2 demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 08PA00568-08PA00588 du 20 janvier 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté ses requêtes tendant à l'annulation des jugements n° 0104414/2 et n° 0211957/3 du 18 décembre 2007 du

tribunal administratif de Paris rejetant la demande de la société Office Fr...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 mars et 22 juin 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société par actions simplifiée Virtual Immo 2, dont le siège est 19 boulevard Malesherbes à Paris (75008) ; la société par actions simplifiée Virtual Immo 2 demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 08PA00568-08PA00588 du 20 janvier 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté ses requêtes tendant à l'annulation des jugements n° 0104414/2 et n° 0211957/3 du 18 décembre 2007 du tribunal administratif de Paris rejetant la demande de la société Office Français de Participations et de Courtage en remboursement des avoirs fiscaux d'un montant de 678 996 francs (103 512,27 euros) attachés aux dividendes versés, en 1999, à M. Jean-Didier A, augmenté des intérêts au taux légal capitalisés à compter du 1er mars 1999 et la demande tendant à la décharge des compléments de retenue à la source afférents à l'année 1999 auxquels la société Actua conseil a été assujettie ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses requêtes d'appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne, notamment ses articles 39, 43 et 56 ;

Vu la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande Bretagne et d'Irlande du Nord tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur les revenus signée le 22 mai 1968 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Philippe Josse, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Capron, Capron, avocat de la société par actions simplifiée Virtual Immo 2,

- les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Capron, Capron avocat de la société par actions simplifiée Virtual Immo 2 ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Office Français de Participations et de Courtage, reprise ultérieurement par la société Actua Conseil, elle-même devenue la société par actions simplifiée Virtual Immo 2 et aux droits de laquelle est ensuite venue la société GHL et Associés a, en 1999, versé des dividendes à son actionnaire, M. A, demeurant à Londres ; qu'elle a, par courrier du 17 septembre 1999, demandé le remboursement de l'avoir fiscal afférent à cette distribution ; que M. A, qui n'avait pas rapatrié au Royaume-Uni les dividendes en question, n'a pas, conformément aux dispositions de la loi fiscale britannique formant le régime dit de la " remittance basis ", compris leur montant dans la base de l'impôt sur le revenu auquel il a été soumis au Royaume-Uni ; que l'administration fiscale a, par une décision du 7 mars 2001, rejeté la demande de la société tendant au remboursement de l'avoir fiscal ; que, par jugement n° 0104414/2 du 18 décembre 2007, le tribunal administratif de Paris a rejeté la requête par laquelle la société a contesté ce rejet ; que, par ailleurs, la société Actua Conseil a formé trois autres requêtes devant le tribunal administratif de Paris tendant, pour deux d'entre elles, à l'annulation de décisions ayant rejeté d'autres demandes de remboursement au titre de l'avoir fiscal et, pour la troisième, à la décharge d'un rappel auquel elle a été assujettie au titre de la retenue à la source afférente aux mêmes distributions que celles ayant entraîné les demandes de remboursement ; que le tribunal a statué sur les deux premières requêtes le 14 juin 2007 et sur la troisième le 18 décembre 2007, par un jugement n° 0211957/3 ; que la cour administrative d'appel de Paris a rejeté par un arrêt du 9 avril 2009 la requête par laquelle la société par actions simplifiée Virtual Immo 2 a demandé l'annulation des jugements du 14 juin 2007, mais a joint sa requête d'appel tendant à l'annulation du jugement n° 0211957/3 à celle tendant à l'annulation du jugement n° 0104414/2 ; que la société par actions simplifiée Virtual Immo 2 se pourvoit ainsi en cassation contre l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, le 20 janvier 2010, rejeté ses demandes tendant d'une part au remboursement de l'avoir fiscal refusé à la société Actua Conseil en tant qu'elle avait succédé à la société Office Français de Participations et de Courtage et, d'autre part, à la décharge du complément de retenue à la source mis à la charge de cette même société Actua Conseil ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 158 bis du code général des impôts, alors en vigueur : " Les personnes qui perçoivent des dividendes distribués par des sociétés françaises disposent à ce titre d'un revenu constitué : / - par les sommes qu'elles reçoivent de la société ; / - par un avoir fiscal représenté par un crédit ouvert sur le Trésor. / Ce crédit d'impôt est égal à la moitié des sommes effectivement versées par la société. / Il ne peut être utilisé que dans la mesure où le revenu est compris dans la base de l'impôt sur le revenu dû par le bénéficiaire. (....) " ; qu'il résulte des dispositions combinées des articles 158 ter et 242 quater du même code, alors en vigueur, que le bénéfice de l'avoir fiscal attaché aux dividendes distribués par des sociétés françaises peut être accordé aux personnes domiciliées sur le territoire des Etats ayant conclu avec la France des conventions tendant à éviter les doubles impositions ; que le a) du paragraphe 7 de l'article 9 de la convention fiscale franco-britannique signée le 22 mai 1968 stipule : " Un résident du Royaume-Uni qui reçoit d'une société qui est un résident de France des dividendes qui donneraient droit à un avoir fiscal s'ils étaient reçus par un résident de France a droit à un paiement du Trésor français d'un montant égal à cet avoir fiscal, sous réserve de la déduction de l'impôt prévue à l'alinéa b du paragraphe 6 du présent article. " ; que le c) du même paragraphe 7 stipule : " Les dispositions de l'alinéa a du présent paragraphe ne s'appliquent pas si le bénéficiaire des dividendes (...) n'est pas assujetti à l'impôt au Royaume-Uni à raison de ces dividendes " ; qu'il résulte de ces dernières stipulations, éclairées par la version en langue anglaise de la convention qui, en vertu de son paragraphe final, fait foi au même titre que la version en langue française et compte tenu de leur objet, qui est d'éliminer la double imposition économique des dividendes versés par des sociétés françaises soumises à l'impôt sur les sociétés, que le bénéfice de l'avoir fiscal est, pour un résident du Royaume-Uni, subordonné à la condition que les dividendes auxquels cet avoir est attaché soient effectivement compris dans la base de son impôt sur le revenu ; qu'en constatant que M. A n'établissait pas que tel ait été le cas pour les dividendes litigieux, à défaut de rapatriement ou d'utilisation de ceux-ci au Royaume-Uni et du fait de l'option du contribuable pour le régime fiscal britannique dit de " remittance basis ", pour en déduire que ce dernier ne pouvait prétendre au bénéfice du remboursement de l'avoir fiscal, la cour n'a pas commis d'erreur de droit et n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce qui est soutenu, la cour a explicitement répondu, pour l'écarter, au moyen soulevé par le contribuable en appel, tiré de ce que l'interprétation ainsi retenue par l'administration de la convention fiscale franco-britannique du 22 mai 1968 créerait entre ressortissants français, selon qu'ils sont résidents du Royaume-Uni ou de France, une différence de traitement incompatible avec le droit communautaire ;

4. Considérant, en troisième lieu, que si M. A fait état à la fois d'une atteinte qui aurait été portée à la liberté d'établissement, prévue à l'article 43 du traité instituant la Communauté européenne et d'une atteinte qui aurait été portée à la liberté de circulation des capitaux, prévue à l'article 56 du même texte, il ne peut, compte tenu de la seule situation d'actionnaire qu'il invoque dans le présent litige, se prévaloir que de la seconde ; qu'en l'état du droit alors en vigueur, les dividendes perçus par un résident fiscal de France et l'avoir fiscal attaché à ce dividende étaient inclus dans le revenu global du contribuable soumis à l'impôt sur le revenu en France, l'avoir fiscal pouvant être utilisé pour le paiement de cet impôt, tandis que les dividendes perçus par un résident fiscal du Royaume-Uni ayant opté pour le régime fiscal dit de " remittance basis " et s'étant abstenu de les rapatrier étaient soumis en France à une retenue à la source de 15 % sans remboursement de l'avoir fiscal ; que l'application de ces deux régimes fiscaux distincts soumet les dividendes perçus par des résidents de France et du Royaume-Uni à des niveaux de taxation comparables et, par suite, ne fait pas naître, contrairement à ce que soutenait le requérant en appel, de différence de traitement fiscal incompatible avec l'article 56 du traité instituant la Communauté européenne ; qu'il y a lieu, par ces motifs de pur droit qui doivent être substitués à ceux retenus par les juges du fond, d'écarter le moyen ;

5. Considérant, en quatrième lieu, que M. A soutenait, dans ses écritures d'appel, que le refus de l'administration fiscale de rembourser l'avoir fiscal aux résidents fiscaux du Royaume-Uni n'ayant pas la nationalité britannique et ne rapatriant pas au Royaume-Uni les dividendes qu'ils perçoivent était constitutif d'une différence de traitement entre nationaux français résidents du Royaume-Uni et nationaux britanniques résidents du Royaume-Uni incompatible avec le droit communautaire ; que toutefois, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le remboursement de l'avoir fiscal est subordonné à la condition que les dividendes auquel il est attaché soient effectivement soumis à l'impôt au Royaume-Uni ; que les ressortissants français résidents du Royaume-Uni ne sont dispensés dans cet Etat d'imposition sur les dividendes qu'ils perçoivent de source étrangère que s'ils optent pour le régime fiscal britannique dit de " remittance basis ", qui ne s'applique pas de manière systématique ; que, par suite, la différence de traitement fiscal en litige, qui n'est que la conséquence de l'exercice d'une option fiscale ouverte par la législation britannique, ne saurait être regardée comme une discrimination incompatible avec le droit communautaire ; qu'il y a lieu, par ces motifs de pur droit qui doivent être substitués à ceux retenus par la cour, d'écarter le moyen ;

6. Considérant, en cinquième lieu, que la société requérante ne présente aucun moyen relatif à la partie de l'arrêt de la cour statuant sur le complément de retenue à la source mis à la charge de la société Actua Conseil ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Virtual Immo 2 n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt du 20 janvier 2010 de la cour administrative d'appel de Paris ;

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse à ce titre une somme à la société requérante ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de la société par actions simplifiée Virtual Immo 2 est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société GHL et Associés, venant aux droits de la société par actions simplifiée Virtual Immo 2, et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 337809
Date de la décision : 27/07/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 27 jui. 2012, n° 337809
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Philippe Martin
Rapporteur ?: M. Philippe Josse
Rapporteur public ?: M. Frédéric Aladjidi
Avocat(s) : SCP CAPRON, CAPRON

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:337809.20120727
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