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07/09/2012 | FRANCE | N°360032

France | France, Conseil d'État, 6ème sous-section jugeant seule, 07 septembre 2012, 360032


Vu l'ordonnance n° 11BX01413 du 4 juin 2012, enregistrée le 7 juin 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président de la 3ème chambre de la cour administrative d'appel de Bordeaux, avant de statuer sur l'appel du département de la Réunion tendant à l'annulation du jugement n° 1000310 du 24 février 2011 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion, à la demande de la Chambre syndicale nationale des géomètres topographes, a annulé les décisions par lesquelles la présidente du conseil général de la Réunion a décidé d'attri

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Vu l'ordonnance n° 11BX01413 du 4 juin 2012, enregistrée le 7 juin 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président de la 3ème chambre de la cour administrative d'appel de Bordeaux, avant de statuer sur l'appel du département de la Réunion tendant à l'annulation du jugement n° 1000310 du 24 février 2011 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion, à la demande de la Chambre syndicale nationale des géomètres topographes, a annulé les décisions par lesquelles la présidente du conseil général de la Réunion a décidé d'attribuer et de signer les marchés publics de prestation de géomètre entre 2010 et 2013 ainsi que la décision du 11 février 2010 par laquelle elle a décidé de poursuivre la procédure d'attribution et refusé de déclarer sans suite la procédure d'attribution desdits marchés, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du premier alinéa de l'article 2 de la loi n° 46-942 du 7 mai 1946 instituant l'ordre des géomètres-experts ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu la loi n° 46-942 du 7 mai 1946, notamment son article 2 ;

Vu la loi n° 87-998 du 15 décembre 1987 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Didier Ribes, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la Chambre syndicale nationale des géomètres topographes,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la Chambre syndicale nationale des géomètres topographes ;

1. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 7 mai 1946 instituant l'ordre des géomètres-experts, dans sa rédaction issue de l'article 2 de la loi du 15 décembre 1987 visant à garantir le libre exercice de la profession de géomètre-expert : " Peuvent seuls effectuer les travaux prévus au 1° de l'article 1er les géomètres-experts inscrits à l'ordre conformément aux articles 3 et 26. / Toutefois, ces dispositions ne sont pas opposables aux services publics pour l'exécution des travaux qui leur incombent " ; que l'article 1er de cette loi dispose que : " Le géomètre-expert est un technicien exerçant une profession libérale qui, en son propre nom et sous sa responsabilité personnelle : / 1° Réalise les études et les travaux topographiques qui fixent les limites des biens fonciers et, à ce titre, lève et dresse, à toutes échelles et sous quelque forme que ce soit, les plans et documents topographiques concernant la définition des droits attachés à la propriété foncière, tels que les plans de division, de partage, de vente et d'échange des biens fonciers, les plans de bornage ou de délimitation de la propriété foncière ; / 2° Réalise les études, les documents topographiques, techniques et d'information géographique dans le cadre des missions publiques ou privées d'aménagement du territoire, procède à toutes opérations techniques ou études sur l'évaluation, la gestion ou l'aménagement des biens fonciers " ; que son article 3 dispose que : " Nul ne peut porter le titre de géomètre-expert ni, sous réserve de l'article 2-1 et sauf l'exception prévue à l'article 26 ci-dessous, en exercer la profession, s'il n'est inscrit au tableau de l'ordre institué par la présente loi " et définit les conditions de cette inscription ;

3. Considérant que la Chambre syndicale nationale des géomètres topographes soutient que le premier alinéa de l'article 2 de la loi du 7 mai 1946 instituant l'ordre des géomètres-experts, qui réserve aux géomètres-experts inscrits à l'ordre la réalisation des études et des travaux topographiques qui fixent les limites des biens fonciers, méconnaît la liberté d'entreprendre qui découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ainsi que le principe d'égal accès à la commande publique qui découle des articles 6 et 14 de la même Déclaration ;

4. Considérant, toutefois, qu'en réservant aux géomètres-experts la réalisation des études et des travaux topographiques qui fixent les limites des biens fonciers, le législateur a entendu garantir la protection de la propriété foncière en confiant sa délimitation à des professionnels spécialement qualifiés et présentant des garanties d'indépendance et de probité ; que l'article 3 de la loi du 7 mai 1946 impose ainsi, pour être inscrit à l'ordre, d'être titulaire du diplôme de géomètre-expert foncier décerné par le ministre de l'éducation nationale ou du diplôme d'ingénieur-géomètre délivré par une école d'ingénieur habilitée à cet effet par l'autorité administrative ; qu'en vertu de l'article 6 de la même loi, les géomètres-experts doivent respecter les règles contenues dans le code des devoirs professionnels et dans le règlement de la profession de géomètre-expert établis par décret en Conseil d'Etat et sont tenus au secret professionnel ; qu'en vertu de l'article 17 de la même loi, le conseil supérieur de l'ordre est chargé d'assurer le respect des lois et règlements qui régissent l'ordre et l'exercice de la profession de géomètre-expert et de veiller à la discipline ; que, par ailleurs, ce monopole ne concerne que les travaux ayant directement pour objet la délimitation des biens fonciers, les professionnels de la topographie pouvant, en revanche, exercer librement les autres activités mentionnées à l'article 1er de la loi du 7 mai 1946 ; qu'ainsi, les dispositions contestées ne portent pas une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre qui découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; qu'elles n'ont pas davantage pour effet de priver de garanties légales les exigences constitutionnelles inhérentes à l'égalité devant la commande publique ; que par suite, la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité transmise par le président de la 3ème chambre de la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Chambre syndicale nationale des géomètres topographes, au département de la Réunion et à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Copie en sera adressée au Premier ministre, au Conseil constitutionnel et à la cour administrative d'appel de Bordeaux.


Synthèse
Formation : 6ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 360032
Date de la décision : 07/09/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Publications
Proposition de citation : CE, 07 sep. 2012, n° 360032
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Christine Maugüé
Rapporteur ?: M. Didier Ribes
Rapporteur public ?: Mme Suzanne von Coester
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:360032.20120907
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