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19/03/2013 | FRANCE | N°366749

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 19 mars 2013, 366749


Vu le recours, enregistré le 12 mars 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre de l'éducation nationale ; le ministre demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1301599/13 du 6 mars 2013 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Melun, saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a enjoint au recteur de l'académie de Créteil et à la principale du collège " Les Prunais " à Villiers-sur-Marne (Val-de-Marne) de réintégrer sans délai la jeune D.

..A...E...au sein de sa classe de 3ème I ;

2°) de rejeter la demande prés...

Vu le recours, enregistré le 12 mars 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre de l'éducation nationale ; le ministre demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1301599/13 du 6 mars 2013 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Melun, saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a enjoint au recteur de l'académie de Créteil et à la principale du collège " Les Prunais " à Villiers-sur-Marne (Val-de-Marne) de réintégrer sans délai la jeune D...A...E...au sein de sa classe de 3ème I ;

2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif de Melun par Mme B...C..., épouse A...E...;

il soutient que :

- la condition d'urgence n'est pas remplie ;

- la décision contestée ne porte pas d'atteinte grave et manifestement illégale au droit à l'éducation de la jeuneD... ;

- les dispositions de l'article L. 141-5-1 du code de l'éducation n'ont pas été méconnues ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

-

Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 mars 2013, présenté par Mme B...C..., épouse A...E..., qui conclut à son admission provisoire à l'aide juridictionnelle, au rejet du recours et à ce que l'Etat verse à son avocat une somme de 2 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que :

- la condition d'urgence est remplie ;

- la décision de l'établissement scolaire a porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit fondamental de sa fille à l'éducation ;

- la décision a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 141-5-1 du code de l'éducation ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l a Constitution du 4 octobre 1958, notamment son Préambule ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

Vu le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, notamment son article 13-1 ;

Vu le code de l'éducation, notamment son article L. 141-5-1 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le ministre de l'éducation nationale, et, d'autre part, Mme B...C..., épouse A...E...;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 18 mars 2013 à 11 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- les représentants du ministre de l'éducation nationale ;

- Me Nicolaÿ, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation, avocat de MmeC..., épouse A...E... ;

- la représentante de MmeC..., épouse A...E...;

- la représentante de l'Association des droits de l'homme - Collectif contre l'islamophobie en France (ADDH-CCIF) ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a clôturé l'instruction ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale (...) " ; que les conditions ainsi énoncées revêtent un caractère cumulatif ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 141-5-1 du code de l'éducation, issu de l'article 1er de la loi du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes, de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics : " Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit. / Le règlement intérieur rappelle que la mise en oeuvre d'une procédure disciplinaire est précédée d'un dialogue avec l'élève " ; qu'il résulte de ces dispositions que, si les élèves des écoles, collèges et lycées publics peuvent porter des signes religieux discrets, sont en revanche interdits, d'une part, les signes ou tenues, tels notamment un voile ou un foulard islamique, une kippa ou une grande croix, dont le port, par lui-même, manifeste ostensiblement une appartenance religieuse, d'autre part, ceux dont le port ne manifeste ostensiblement une appartenance religieuse qu'en raison du comportement de l'élève ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mlle D...A...E..., née le 21 juillet 1997, est élève en classe de 3ème I au collège public " Les Prunais " à Villiers-sur-Marne (Val-de-Marne) ; que, le 4 décembre 2012, elle s'est présentée dans cet établissement revêtue d'une longue jupe noire couvrant son pantalon et d'un large bandeau masquant une grande partie de ses cheveux ; qu'elle a alors été informée par les autorités de l'établissement qu'elle ne pourrait continuer à se rendre en cours dans une telle tenue, celle-ci n'étant pas conforme aux dispositions de l'article L. 141-5-1 du code de l'éducation, reprises dans le règlement intérieur de l'établissement ; que, face au refus de Mlle A...E...de modifier son habillement, le chef d'établissement a décidé de placer l'intéressée en permanence, où des éléments de cours et des travaux lui sont donnés quotidiennement par les enseignants de sa classe, en vue notamment de sa préparation au brevet des collèges ; que l'administration a engagé un dialogue avec l'élève et sa famille, notamment au cours d'entretiens organisés dès le 4 décembre puis le 11 décembre 2012, et de divers échanges, écrits ou oraux, ultérieurs ; que, toutefois, la jeune fille a continué à se présenter dans l'établissement dans la même tenue, refusant de même que sa famille, toute conciliation ; qu'elle s'est, en outre, absentée à plusieurs reprises sans justification ;

4. Considérant que de l'ensemble de ces circonstances, il ne résulte pas que l'administration, en décidant de maintenir en permanence Mlle A...E...tout en tentant de poursuivre le dialogue avec sa famille, avant d'engager une procédure disciplinaire pouvant conduire à l'exclusion de l'élève de l'établissement, ait procédé à une application de l'article L. 141-5-1 du code de l'éducation qui serait entachée d'une illégalité manifeste, à supposer même qu'un doute existe, en l'état de l'instruction, sur le motif du port de la tenue décrite ci-dessus par la jeune élève ; que, dans ces conditions, et sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur la condition d'urgence posée par l'article L. 521-2 du code de justice administrative, le ministre de l'éducation est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Melun a ordonné la réintégration immédiate de la jeune fille dans sa classe ;

5. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'admettre la défenderesse au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à l'avocat de la défenderesse la somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

O R D O N N E :

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Article 1er : L'ordonnance du 6 mars 2013 du juge des référés du tribunal administratif de Melun est annulée.

Article 2 : La demande présentée par MmeC..., épouse A...E..., devant le tribunal administratif de Melun, ses conclusions d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au ministre de l'éducation nationale et à Mme B...C..., épouse A...E....


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 366749
Date de la décision : 19/03/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 19 mar. 2013, n° 366749
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:366749.20130319
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