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30/12/2013 | FRANCE | N°369628

France | France, Conseil d'État, 5ème sous-section jugeant seule, 30 décembre 2013, 369628


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 juin et 9 juillet 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la commune de Saint-Leu ; la commune de Saint-Leu demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1300707 du 7 juin 2013 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Saint-Denis, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a suspendu l'exécution de l'arrêté de son maire du 14 mai 2013 portant autorisation et appel au public pour des prélèvements de

requins bouledogues sur tout le territoire maritime de la commune de ...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 juin et 9 juillet 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la commune de Saint-Leu ; la commune de Saint-Leu demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1300707 du 7 juin 2013 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Saint-Denis, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a suspendu l'exécution de l'arrêté de son maire du 14 mai 2013 portant autorisation et appel au public pour des prélèvements de requins bouledogues sur tout le territoire maritime de la commune de Saint-Leu ;

2°) réglant l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, de rejeter la demande de l'Association pour la protection des animaux sauvages et du patrimoine naturel, de l'association Longitude 181 Nature et de l'association Sea Sheperd France ;

3°) de mettre à la charge de l'Association pour la protection des animaux sauvages et du patrimoine naturel, de l'association Longitude 181 Nature et de l'association Sea Shepherd France le versement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le décret n° 2007-236 du 21 février 2007 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Marc Lambron, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Fabienne Lambolez, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Spinosi, avocat de la commune de Saint-leu et à la SCP Roger, Sevaux, Mathonnet, avocat de l'Association pour la protection des animaux sauvages et du patrimoine naturel (ASPAS), de l'association Longitude 181 Nature et de l'association Sea Shepherd France ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le maire de Saint-Leu (Réunion) a pris, le 14 mai 2013, un arrêté portant autorisation et appel au public pour des prélèvements préventifs de requins bouledogues sur tout le territoire maritime de la commune, depuis le rivage jusqu'à 300 mètres de la limite des eaux ; que la commune de Saint-Leu se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 7 juin 2013 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Saint-Denis a, à la demande de l'Association pour la protection des animaux sauvages et du patrimoine naturel, de l'association Longitude 181 Nature et de l'association Sea Sheperd France, suspendu cet arrêté par application des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ;

2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 332-1 du code de l'environnement : " Des parties du territoire d'une ou plusieurs communes peuvent être classées en réserve naturelle lorsque la conservation de la faune, de la flore, du sol, des eaux, des gisements de minéraux et de fossile et, en général, du milieu naturel présente une importance particulière ou qu'il convient de les soustraire à toute intervention artificielle susceptible de les dégrader (...) " ; que le décret du 21 février 2007 portant création de la réserve naturelle nationale marine de la Réunion définit, au sein de cette réserve, des zones de protection renforcée, à l'intérieur desquelles la pêche professionnelle n'est autorisée que dans certains périmètres délimités par le préfet et où la pêche de loisir et la pêche sous-marine sont interdites, sauf en ce qui concerne certaines techniques spécifiques, et des zones de protection intégrale, à l'intérieur desquelles la pêche est, en principe, totalement interdite ; que le secteur dans lequel l'arrêté litigieux du maire de Saint-Leu a vocation à s'appliquer est inclus dans des zones de protection renforcée ou de protection intégrale de la réserve ;

Sur la condition d'urgence :

4. Considérant que, pour juger que la condition d'urgence prévue par les dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative était remplie, le juge des référés du tribunal administratif a relevé, d'une part, que l'arrêté attaqué, dont l'objet était d'autoriser et d'encourager la destruction d'un grand nombre de requins dans des zones de protection intégrale ou renforcée de la réserve marine de la Réunion, était de nature à porter atteinte à l'intégrité de ces zones et, d'autre part, que la suspension de l'exécution de ces mesures ne serait pas de nature à exposer les usagers de la mer à un risque accru d'attaques de requins ; qu'en procédant ainsi, le juge des référés a mis en balance l'intérêt public s'attachant à la protection de la réserve naturelle marine et celui qui s'attache à la protection de la sécurité des usagers de la mer et n'a pas, contrairement à ce que soutient la commune de Saint-Leu, fait application d'une présomption d'urgence ; qu'en estimant qu'eu égard à l'absence d'éléments relatifs à la présence d'une population sédentaire de requins bouledogues, il n'était pas démontré que le retard apporté à la mise en oeuvre de prélèvements d'individus de cette espèce exposerait les usagers de la mer à des risques accrus d'agression, il a porté sur les faits de l'espèce une appréciation souveraine exempte de dénaturation ; que l'ordonnance attaquée énonce sous une forme suffisante les raisons pour lesquelles la demande de suspension est regardée comme justifiée par l'urgence et n'est donc pas entachée sur ce point d'une insuffisance de motivation ;

Sur l'existence d'un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté litigieux :

5. Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, les dispositions du décret du 21 février 2007 portant création de la réserve naturelle nationale marine de la Réunion, pris sur le fondement de l'article L. 332-1 du code de l'environnement, interdisent en principe de pratiquer la pêche au sein des zones de protection renforcée et des zones de protection intégrale de cette réserve naturelle ; que ces mêmes dispositions donnent compétence au préfet de la Réunion pour déroger à cette interdiction, en lui permettant notamment de définir, au sein des zones de protection renforcée, des périmètres au sein desquels la pêche professionnelle peut être autorisée ; que l'article 2 du décret habilite le préfet à prendre toutes mesures pour limiter les espèces surabondantes ou éliminer les espèces envahissantes ; qu'eu égard à ces dispositions et compte tenu de son office, le juge des référés du tribunal administratif n'a pas entaché son ordonnance d'erreur de droit en estimant que le moyen tiré de l'incompétence du maire de Saint-Leu pour déroger à l'interdiction de pratiquer la pêche résultant du décret suscitait, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté litigieux ;

6. Considérant que si le juge des référés a également regardé comme sérieux le moyen tiré du caractère inapproprié et disproportionné des mesures qu'il prescrit, ce motif de l'ordonnance revêt un caractère surabondant, l'incompétence du maire suffisant à justifier la suspension de l'arrêté ; que, par suite, les moyens par lesquels la commune critique ce motif ne sont pas, en tout état de cause, de nature à justifier la cassation demandée ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Saint-Leu n'est pas fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Association pour la protection des animaux sauvages et du patrimoine naturel, de l'association Longitude 181 Nature et de l'association Sea Shepherd France qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il y a en revanche lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Saint-Leu la somme de 3 000 euros à verser à ces associations au titre de ces dispositions ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de la commune de Saint-Leu est rejeté.

Article 2 : La commune de Saint-Leu versera à l'Association pour la protection des animaux sauvages et du patrimoine naturel, à l'association Longitude 181 Nature et à l'association Sea Shepherd France la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de Saint-Leu, à l'Association pour la protection des animaux sauvages et du patrimoine naturel, à l'association Longitude 181 Nature et à l'association Sea Shepherd France.

Copie en sera adressée pour information au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 5ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 369628
Date de la décision : 30/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 30 déc. 2013, n° 369628
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Marc Lambron
Rapporteur public ?: Mme Fabienne Lambolez
Avocat(s) : SPINOSI ; SCP ROGER, SEVAUX, MATHONNET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:369628.20131230
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