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24/03/2014 | FRANCE | N°360093

France | France, Conseil d'État, 1ère / 6ème ssr, 24 mars 2014, 360093


Vu l'ordonnance n° 12MA00280 du 7 juin 2012, enregistrée le 15 juin 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Marseille a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi présenté à cette cour par M. B...A... ;

Vu le pourvoi, enregistré le 20 janvier 2012 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et les mémoires, enregistrés les 17 septembre et 28 novembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour

M. B...A..., demeurant ... ; M. A...demande au Conseil d'Etat :

1...

Vu l'ordonnance n° 12MA00280 du 7 juin 2012, enregistrée le 15 juin 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Marseille a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi présenté à cette cour par M. B...A... ;

Vu le pourvoi, enregistré le 20 janvier 2012 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et les mémoires, enregistrés les 17 septembre et 28 novembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. B...A..., demeurant ... ; M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 0901145 du 24 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant, premièrement, à l'annulation de la décision du 14 février 2002 par laquelle le recteur de l'académie d'Aix-Marseille a accepté sa demande de cessation progressive d'activité, deuxièmement, à l'annulation de son titre de pension notifié le 11 septembre 2007, troisièmement, à ce qu'il soit enjoint à l'administration d'émettre un nouveau titre de pension et de procéder à la liquidation de ses droits à pension conformément à la décision à intervenir, quatrièmement, à l'indemnisation du préjudice subi à raison de la faute commise par le ministre de l'éducation nationale ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'éducation ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu l'ordonnance n° 82-297 du 31 mars 1982 ;

Vu la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 ;

Vu le décret n° 2006-933 du 28 juillet 2006 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Julia Beurton, Auditeur,

- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boullez, avocat de M.A... ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 14 février 2002 du recteur de l'académie d'Aix-Marseille, M.A..., alors maître contractuel dans un établissement d'enseignement privé lié par contrat à l'Etat, a, à sa demande, bénéficié d'une cessation progressive d'activité à compter du 1er septembre 2002, jusqu'à l'ouverture de ses droits à la retraite le 1er septembre 2007 ; qu'un titre de pension lui a été notifié le 11 septembre 2007 au titre du régime temporaire de retraite des enseignants du privé ; que, se plaignant de ce que les cinq années pendant lesquelles il avait été placé en cessation progressive d'activité n'ont été retenues, pour le calcul de son avantage temporaire de retraite, qu'à hauteur d'un mi-temps, M. A...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 14 février 2002 ainsi que son titre de pension, d'enjoindre à l'administration de procéder à une nouvelle liquidation de ses droits et de condamner l'Etat à l'indemniser du préjudice qu'il estime avoir subi à raison d'une faute commise par le ministre de l'éducation nationale ; que, par un jugement du 24 novembre 2011, contre lequel M. A...se pourvoit en cassation, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;

Sur le jugement attaqué en tant qu'il rejette les conclusions de M. A...tendant à l'annulation de son titre de pension et ses conclusions aux fins d'injonction :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 914-1 du code de l'éducation : " Les règles générales qui déterminent les conditions de service et de cessation d'activité des maîtres titulaires de l'enseignement public, ainsi que les mesures sociales et les possibilités de formation dont ils bénéficient, sont applicables également et simultanément aux maîtres justifiant du même niveau de formation, habilités par agrément ou par contrat à exercer leur fonction dans des établissements d'enseignement privés liés à l'Etat par contrat (...) " ; qu'en vertu des articles 1er à 4 du décret du 28 juillet 2006 relatif aux conditions de cessation d'activité des maîtres et documentalistes contractuels ou agréés des établissements d'enseignement privés liés à l'Etat par contrat pris pour l'application de l'article L. 914-1 du code de l'éducation, alors applicable, ces personnels peuvent bénéficier d'avantages temporaires de retraite dès leur cessation d'activité à l'âge de soixante ans, sous réserve de justifier de quinze années de service ; qu'aux termes de l'article 5 de ce décret, ceux d'entre eux " qui, à la date du premier jour du mois suivant leur cessation d'activité, ne remplissent pas les conditions pour obtenir du régime général de la sécurité sociale une pension de vieillesse calculée au taux normalement applicable à l'âge de soixante-cinq ans, perçoivent, à compter de cette même date : / 1° Un avantage temporaire de retraite liquidé selon les règles suivies par le régime général de la sécurité sociale pour les assurés lorsqu'ils ont atteint l'âge mentionné au 1° de l'article L. 351-8 du code de la sécurité sociale (...) " ; qu'aux termes de l'article 7 de ce décret : " La liquidation et le paiement des avantages temporaires de retraite servis en application de l'article 5 sont assurés par un organisme habilité à cet effet par arrêté conjoint des ministres chargés de l'éducation, du budget et de la sécurité sociale. / La charge financière en résultant est intégralement supportée par l'Etat " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'avantage temporaire de retraite prévu par le décret du 28 juillet 2006 doit être regardé comme une prestation de sécurité sociale, qui, en vertu de l'article 8 du même décret, est servie aux maîtres et documentalistes contractuels ou agréés des établissements d'enseignement privés liés à l'Etat par contrat tant qu'ils ne peuvent pas bénéficier d'une pension de vieillesse du régime général de sécurité sociale liquidée à taux plein ou avec un taux de minoration répondant à certaines conditions ; que, dès lors, les litiges qui opposent un maître contractuel ou agréé à l'association pour la prévoyance collective, chargée de la gestion de ce régime, à propos de la liquidation de cet avantage, ont le caractère de litiges de droit privé dont la juridiction administrative n'a pas compétence pour connaître, alors même que l'association pour la prévoyance collective agit pour le compte de l'Etat et que la charge financière des prestations est supportée par l'Etat ;

4. Considérant qu'aucune disposition du code de justice administrative, notamment pas les dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article R. 811-1 et du 3° de l'article R. 222-13 de ce code, ne donne compétence au Conseil d'Etat pour connaître, en qualité de juge de cassation, d'une requête formée contre un jugement de tribunal administratif statuant sur des conclusions ne ressortissant pas à la compétence de la juridiction administrative ; que, par suite, les conclusions de M. A...dirigées contre le jugement du tribunal administratif de Marseille du 24 novembre 2011 en tant qu'il rejette sa demande tendant à l'annulation du titre de pension qui lui a été notifié le 11 septembre 2007 au titre du régime temporaire de retraite des enseignants du privé et ses conclusions aux fins d'injonction ont le caractère d'un appel qui relève de la compétence de la cour administrative d'appel de Marseille ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'attribuer à cette cour le jugement de ces conclusions ;

Sur le jugement attaqué en tant qu'il rejette les conclusions de M. A...tendant à l'annulation de l'arrêté du recteur de l'académie d'Aix-Marseille du 14 février 2002 et ses conclusions indemnitaires :

5. Considérant, en premier lieu, que si M. A...fait valoir qu'il a adressé au président de la formation de jugement une note en délibéré dont la production n'est pas mentionnée par le jugement du tribunal administratif de Marseille, il ressort des pièces du dossier que ce courrier a été déposé au greffe du tribunal le lendemain du jour de lecture du jugement ; que, dès lors, la formation de jugement ne pouvait plus en prendre connaissance et le jugement ne pouvait en faire mention ; que, par suite, M. A...n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait irrégulier faute de viser la note qu'il avait produite ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que, d'une part, contrairement à ce qu'il affirme, M. A...se prévalait des dispositions de l'article 47 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, duquel est issu l'article 11 bis du code des pensions civiles et militaires de retraite, pour soutenir non que l'administration aurait dû lui accorder rétroactivement le bénéfice de ces dispositions mais seulement que l'administration avait commis une faute en s'abstenant de l'informer de cette possibilité ; que le jugement a expressément répondu à ce moyen et n'avait pas à répondre à l'argument, soulevé à l'appui de ce moyen, tiré des précisions apportées par la circulaire du ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat du 5 août 2005 ; que, d'autre part, le tribunal, dès lors qu'il jugeait que l'Etat n'avait pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité, n'avait pas à rechercher si M. A...se prévalait à bon droit d'un préjudice lié à la perte de chance de bénéficier d'une pension de retraite d'un montant équivalent à celui qui serait résulté de l'accomplissement d'un travail à temps complet durant ses cinq dernières années d'activité ; que, par suite, M. A...n'est pas fondé à soutenir que le tribunal a insuffisamment motivé son jugement ;

7. Considérant, en troisième lieu, que si les maîtres et documentalistes contractuels ou agréés à titre définitif des établissements d'enseignement privés sous contrat pouvaient, en vertu de l'article 5-1 de l'ordonnance du 31 mars 1982 portant modification de certaines dispositions du code des pensions civiles et militaires de retraite et relative à la cessation d'activité des fonctionnaires et des agents de l'Etat et des établissements publics de l'Etat à caractère administratif, bénéficier de la cessation progressive d'activité, les dispositions de l'article 3-2 de cette ordonnance, qui permettent aux agents de demander à cotiser pour la retraite sur la base du traitement soumis à retenue pour pension correspondant à un agent de même grade, échelon et indice travaillant à temps plein, ne leur étaient pas applicables ; que, de même, les dispositions de l'article L. 11 bis du code des pensions civiles et militaires de retraite, en vertu desquelles les périodes de travail effectuées à temps partiel à compter du 1er janvier 2004 peuvent être décomptées comme des périodes de travail à temps plein, sous réserve du versement d'une retenue pour pension, ne sont pas applicables aux agents non titulaires ; que, par suite, M. A...n'est pas fondé à soutenir que le tribunal aurait commis une erreur de droit et dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis en jugeant qu'il n'avait pas à bénéficier d'une information spécifique sur les possibilités résultant de ces dispositions ;

8. Considérant, en dernier lieu, que le tribunal n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant, au terme d'une appréciation souveraine qui n'est pas arguée de dénaturation, que le dossier de demande de cessation progressive d'activité adressé à M. A...ne comprenait pas d'informations de nature à l'induire en erreur ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions du pourvoi de M. A...dirigées contre le jugement du 24 novembre 2011 en tant qu'il rejette ses conclusions tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du recteur de l'académie d'Aix-Marseille du 14 février 2002 et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à l'indemniser du préjudice subi du fait des informations erronées ou incomplètes qui lui auraient été données doivent être rejetées ; que les conclusions que M. A...présente au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par suite, également être rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement des conclusions de M. A...dirigées contre le jugement du tribunal administratif de Marseille du 24 novembre 2011 en tant qu'il rejette sa demande d'annulation du titre de pension notifié le 11 septembre 2007 et ses conclusions aux fins d'injonction est attribué à la cour administrative d'appel de Marseille.

Article 2 : Le surplus des conclusions de M. A...est rejeté.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et au ministre de l'éducation nationale.

Copie en sera adressée pour information au ministre de l'économie et des finances et à l'association pour la prévoyance collective.


Synthèse
Formation : 1ère / 6ème ssr
Numéro d'arrêt : 360093
Date de la décision : 24/03/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Analyses

COMPÉTENCE - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPÉTENCE DÉTERMINÉE PAR DES TEXTES SPÉCIAUX - ATTRIBUTIONS LÉGALES DE COMPÉTENCE AU PROFIT DES JURIDICTIONS JUDICIAIRES - COMPÉTENCE DES JURIDICTIONS JUDICIAIRES EN MATIÈRE DE PRESTATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE - AVANTAGE TEMPORAIRE DE RETRAITE SERVI AUX MAÎTRES ET DOCUMENTALISTES CONTRACTUELS OU AGRÉÉS DES ÉTABLISSEMENTS D'ENSEIGNEMENT PRIVÉS LIÉS À L'ETAT PAR CONTRAT (DÉCRET DU 28 JUILLET 2006) - NATURE - PRESTATION DE SÉCURITÉ SOCIALE - CONSÉQUENCE - COMPÉTENCE DE LA JURIDICTION JUDICIAIRE POUR CONNAÎTRE DES LITIGES OPPOSANT L'INTÉRESSÉ À L'ORGANISME GESTIONNAIRE DE CE RÉGIME.

17-03-01-02-04 L'avantage temporaire de retraite prévu par le décret n° 2006-933 du 28 juillet 2006 doit être regardé comme une prestation de sécurité sociale, qui, en vertu de l'article 8 du même décret, est servie aux maîtres et documentalistes contractuels ou agréés des établissements d'enseignement privés liés à l'Etat par contrat tant qu'ils ne peuvent pas bénéficier d'une pension de vieillesse du régime général de sécurité sociale liquidée à taux plein ou avec un taux de minoration répondant à certaines conditions. Dès lors, les litiges qui opposent un maître contractuel ou agréé à l'association pour la prévoyance collective, chargée de la gestion de ce régime, à propos de la liquidation de cet avantage, ont le caractère de litiges de droit privé dont la juridiction administrative n'a pas compétence pour connaître, alors même que l'association pour la prévoyance collective agit pour le compte de l'Etat et que la charge financière des prestations est supportée par l'Etat.

ENSEIGNEMENT ET RECHERCHE - QUESTIONS PROPRES AUX DIFFÉRENTES CATÉGORIES D'ENSEIGNEMENT - ÉTABLISSEMENTS D'ENSEIGNEMENT PRIVÉS - PERSONNEL - AVANTAGE TEMPORAIRE DE RETRAITE SERVI AUX MAÎTRES ET DOCUMENTALISTES CONTRACTUELS OU AGRÉÉS DES ÉTABLISSEMENTS D'ENSEIGNEMENT PRIVÉS LIÉS À L'ETAT PAR CONTRAT (DÉCRET DU 28 JUILLET 2006) - NATURE - PRESTATION DE SÉCURITÉ SOCIALE - CONSÉQUENCE - COMPÉTENCE DE LA JURIDICTION JUDICIAIRE POUR CONNAÎTRE DES LITIGES OPPOSANT L'INTÉRESSÉ À L'ORGANISME GESTIONNAIRE DE CE RÉGIME.

30-02-07-01 L'avantage temporaire de retraite prévu par le décret n° 2006-933 du 28 juillet 2006 doit être regardé comme une prestation de sécurité sociale, qui, en vertu de l'article 8 du même décret, est servie aux maîtres et documentalistes contractuels ou agréés des établissements d'enseignement privés liés à l'Etat par contrat tant qu'ils ne peuvent pas bénéficier d'une pension de vieillesse du régime général de sécurité sociale liquidée à taux plein ou avec un taux de minoration répondant à certaines conditions. Dès lors, les litiges qui opposent un maître contractuel ou agréé à l'association pour la prévoyance collective, chargée de la gestion de ce régime, à propos de la liquidation de cet avantage, ont le caractère de litiges de droit privé dont la juridiction administrative n'a pas compétence pour connaître, alors même que l'association pour la prévoyance collective agit pour le compte de l'Etat et que la charge financière des prestations est supportée par l'Etat.


Publications
Proposition de citation : CE, 24 mar. 2014, n° 360093
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Julia Beurton
Rapporteur public ?: M. Alexandre Lallet
Avocat(s) : SCP BOULLEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:360093.20140324
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