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24/03/2014 | FRANCE | N°362030

France | France, Conseil d'État, 6ème / 1ère ssr, 24 mars 2014, 362030


Vu le pourvoi et les mémoires complémentaires, enregistrés les 20 août 2012, 20 novembre 2012 et 12 mars 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentés pour la société EDF énergies nouvelles France dont le siège est Coeur Défense Tour B 100, Esplanade du Général de Gaulle à Paris La Défense (92932), représentée par son président ; la société demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt nos 11LY02746-11LY02770-11LY02859 du 19 juin 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a jugé son appel irrecevable et rejeté l'appel du minist

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Vu le pourvoi et les mémoires complémentaires, enregistrés les 20 août 2012, 20 novembre 2012 et 12 mars 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentés pour la société EDF énergies nouvelles France dont le siège est Coeur Défense Tour B 100, Esplanade du Général de Gaulle à Paris La Défense (92932), représentée par son président ; la société demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt nos 11LY02746-11LY02770-11LY02859 du 19 juin 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a jugé son appel irrecevable et rejeté l'appel du ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement contre le jugement n° 0803321 du 15 septembre 2011 du tribunal administratif de Lyon annulant, à la demande de l'association Avenir nature et autres, l'arrêté du 4 décembre 2007 du préfet de l'Ardèche portant création d'une zone de développement de l'éolien sur le territoire des communes de Lespéron, Lavillate, Issanslas, Lanarce, Le Plagnal, Cellier-du-Luc et Saint-Etienne-de-Lugdarès ;

2°) de mettre à la charge de l'association Avenir nature la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'énergie ;

Vu la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 ;

Vu la loi n° 2013-312 du 15 avril 2013 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Didier Ribes, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la société EDF énergies nouvelles France et à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de l'association Avenir nature et autres ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 7 décembre 2007, le préfet de l'Ardèche a créé, en application de l'article 10-1 de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, une zone de développement de l'éolien (ZDE) sur le territoire de sept communes ; que l'association Avenir nature et autres ont saisi le tribunal administratif de Lyon d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre cet arrêté ; que la société EDF énergies nouvelles France (EDF EN France), qui a obtenu, le 26 juillet 2011 cinq permis de construire des éoliennes dans le périmètre de cette ZDE, est intervenue en défense sur cette demande ; que, par un jugement du 15 septembre 2011, le tribunal administratif, après avoir jugé recevable cette intervention, a annulé l'arrêté du 7 décembre 2007 précité ; que le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement et la société EDF EN France ont relevé appel de ce jugement ; que, par un arrêt du 19 juin 2012 contre lequel cette société se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel de cette dernière comme irrecevable, au motif qu'elle ne justifiait d'aucun droit auquel le jugement rendu eût préjudicié et susceptible, à ce titre, de lui conférer qualité pour former tierce opposition à ce jugement ; que le même arrêt admet l'intervention qu'elle avait par ailleurs présentée au soutien du recours du ministre mais rejette ce recours ;

Sur les conclusions à fin de non-lieu à statuer présentées par l'association Avenir nature et autres :

2. Considérant que si la loi du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l'eau et sur les éoliennes a, à compter de son entrée en vigueur le 17 avril 2013, supprimé les zones de développement de l'éolien et l'obligation faite aux exploitants d'énergie éolienne de se trouver dans une telle zone pour pouvoir bénéficier du rachat à tarif préférentiel de l'électricité produite, prévu par la loi du 10 février 2000, cette circonstance n'est pas par elle-même de nature à priver d'objet le présent pourvoi, dirigé contre un arrêt qui a statué sur la légalité de la création d'une telle zone, décidée à une date à laquelle les dispositions abrogées en 2013 étaient en vigueur ; que, par suite, les conclusions de non-lieu présentées par l'association Avenir nature et autres doivent être rejetées ;

Sur le pourvoi de la société EDF énergies nouvelles France :

3. Considérant que la personne qui, devant le tribunal administratif, est régulièrement intervenue en défense à un recours pour excès de pouvoir n'est recevable à interjeter appel du jugement rendu contrairement aux conclusions de son intervention que lorsqu'elle aurait eu qualité, à défaut d'intervention de sa part, pour former tierce opposition au jugement faisant droit au recours ; qu'aux termes de l'article R. 832-1 du code de justice administrative : " Toute personne peut former tierce opposition à une décision juridictionnelle qui préjudicie à ses droits, dès lors que ni elle ni ceux qu'elle représente n'ont été présents ou régulièrement appelés dans l'instance ayant abouti à cette décision " ;

4. Considérant qu'afin d'encourager le développement de sources d'énergie alternatives, le 3° de l'article 10 de la loi du 10 février 2000, dans sa rédaction applicable au litige, a prévu qu'Électricité de France et certains distributeurs non nationalisés sont tenus de conclure, si les producteurs intéressés en font la demande, un contrat pour l'achat de l'électricité produite par les éoliennes implantées dans le périmètre d'une ZDE définie selon les modalités fixées à l'article 10-1 de la même loi ; que des tarifs de rachat préférentiels garantis de l'électricité ainsi produite sont fixés par voie réglementaire ; que selon l'article 10-1, les ZDE étaient définies par le préfet de département en fonction de leur potentiel éolien, des possibilités de raccordement aux réseaux électriques et de la protection des paysages, des monuments historiques et des sites remarquables et protégés ;

5. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'annulation par le tribunal administratif de l'arrêté du 4 décembre 2007 créant la ZDE en cause a fait obstacle à ce que la société requérante puisse bénéficier de l'obligation de rachat de l'électricité produite par les éoliennes pour lesquelles elle avait auparavant obtenu des permis de construire dans le périmètre de cette ZDE, avec notamment les conditions tarifaires incitatives prévues par la réglementation ; que cette circonstance est de nature à remettre en cause la viabilité de l'opération projetée ; qu'ainsi la société, si elle était restée étrangère au litige de première instance, aurait justifié d'un droit auquel le jugement rendu eût préjudicié, et susceptible à ce titre de lui conférer qualité pour former tierce opposition à ce jugement ; qu'ainsi, en jugeant son appel irrecevable au motif que le jugement ne préjudiciait à aucun de ses droits, la cour a inexactement qualifié les faits de l'espèce ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé ;

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société EDF EN France qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions qu'elle présente au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 19 juin 2012 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Lyon.

Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la société EDF EN France est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par l'association Avenir nature et autres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société EDF énergies nouvelles France et à l'association Avenir nature, premier défendeur dénommé. Les autres défendeurs en seront informés par la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, qui les représente devant le Conseil d'État.

Copie en sera adressée au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, à la communauté de communes Cévennes et Montagnes ardéchoises, à Mme H...D..., à Mlle F...A..., à M. J...G..., à M. B...C...et à M. E...I....


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ENERGIE - ARRÊTÉ PORTANT CRÉATION D'UNE ZDE - ANNULATION PAR LE TA - APPEL D'UNE INTERVENANTE EN DÉFENSE DEVANT LE TA TITULAIRE DE PERMIS DE CONSTRUIRE DES ÉOLIENNES DANS LA ZONE - RECEVABILITÉ - EXISTENCE [RJ1].

29-035 Une société qui a obtenu des permis de construire des éoliennes dans le périmètre d'une zone de développement de l'éolien (ZDE), intervenante en défense contre la demande d'annulation de l'arrêté de création de la zone devant le tribunal administratif (TA), justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour faire appel du jugement d'annulation de cet arrêté.... ,,Une telle annulation prive en effet la société du bénéfice de l'obligation de rachat de l'électricité produite par les éoliennes dans la ZDE mise à la charge d'Electricité de France par les dispositions de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000. De ce fait, la société, si elle était restée étrangère au litige de première instance, aurait justifié d'un droit auquel le jugement rendu eût préjudicié, et susceptible à ce titre de lui conférer qualité pour former tierce opposition à ce jugement.

PROCÉDURE - VOIES DE RECOURS - APPEL - RECEVABILITÉ - INTÉRÊT POUR FAIRE APPEL - ARRÊTÉ PORTANT CRÉATION D'UNE ZDE - ANNULATION PAR LE TA - APPEL D'UNE INTERVENANTE EN DÉFENSE DEVANT LE TA TITULAIRE DE PERMIS DE CONSTRUIRE EN VUE DE L'IMPLANTATION D'ÉOLIENNES DANS LA ZONE - RECEVABILITÉ - EXISTENCE [RJ1].

54-08-01-01-01 Une société qui a obtenu des permis de construire des éoliennes dans le périmètre d'une zone de développement de l'éolien (ZDE), intervenante en défense contre la demande d'annulation de l'arrêté de création de la zone devant le tribunal administratif (TA), justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour faire appel du jugement d'annulation de cet arrêté.... ,,Une telle annulation prive en effet la société du bénéfice de l'obligation de rachat de l'électricité produite par les éoliennes dans la ZDE mise à la charge d'Electricité de France par les dispositions de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000. De ce fait, la société, si elle était restée étrangère au litige de première instance, aurait justifié d'un droit auquel le jugement rendu eût préjudicié, et susceptible à ce titre de lui conférer qualité pour former tierce opposition à ce jugement.


Références :

[RJ1]

Comp. CE, 30 janvier 2013, Société Eole les Patoures et Ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, n°s 355370 355732, à mentionner aux Tables, pour l'irrecevabilité de la tierce opposition formée par une société ayant déposé en vue de l'implantation d'éoliennes dans la zone une demande de permis de construire qui n'a pas encore été délivré.


Publications
Proposition de citation: CE, 24 mar. 2014, n° 362030
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Didier Ribes
Rapporteur public ?: Mme Suzanne von Coester
Avocat(s) : SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET ; SCP MONOD, COLIN, STOCLET

Origine de la décision
Formation : 6ème / 1ère ssr
Date de la décision : 24/03/2014
Date de l'import : 23/03/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 362030
Numéro NOR : CETATEXT000028770826 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2014-03-24;362030 ?
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