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16/07/2014 | FRANCE | N°363945

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 16 juillet 2014, 363945


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 novembre 2012 et 13 février 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'union des importateurs indépendants pétroliers, dont le siège est Tour CIT, 3 rue de l'Arrivée à Paris Cedex 15 (75749), la société Distridyn, dont le siège est au 18 avenue Winston Churchill à Charenton-le-Pont (92440), la société Petrovex, dont le siège est au 200 rue de la Recherche BP 692 à Villeneuve-d'Ascq (59656), la SCA Pétrole et Dérivés, dont le siège est au 24 rue Auguste Chabrières à Par

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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 novembre 2012 et 13 février 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'union des importateurs indépendants pétroliers, dont le siège est Tour CIT, 3 rue de l'Arrivée à Paris Cedex 15 (75749), la société Distridyn, dont le siège est au 18 avenue Winston Churchill à Charenton-le-Pont (92440), la société Petrovex, dont le siège est au 200 rue de la Recherche BP 692 à Villeneuve-d'Ascq (59656), la SCA Pétrole et Dérivés, dont le siège est au 24 rue Auguste Chabrières à Paris (75015), et la société Siplec, dont le siège est au 26 rue Marcel Boyer à Ivry-sur-Seine (94200) ; l'union des importateurs indépendants pétroliers et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la délibération du 18 septembre 2012 du comité professionnel des stocks stratégiques pétroliers en tant qu'elle a décidé de rembourser aux opérateurs pétroliers privés mettant des stocks à sa disposition la part de la contribution exceptionnelle prévue par l'article 10 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 correspondant à ces stocks et, afin de financer ce remboursement, de percevoir de ses membres une redevance exceptionnelle ;

2°) de mettre à la charge du comité professionnel des stocks stratégiques pétroliers la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 30 juin 2014, présentée pour l'union des importateurs indépendants pétroliers et autres ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 4 juillet 2014, présentée pour le comité professionnel des stocks stratégiques pétroliers ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule ;

Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu le code de l'énergie ;

Vu la loi n° 78-654 du 22 juin 1978 ;

Vu la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 ;

Vu le décret n° 93-132 du 29 janvier 1993 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bastien Lignereux, auditeur,

- les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de l'Union des importateurs indépendants pétroliers, de la société Distridyn, de la société Petrovex, de la société SCA Pétrole et Dérivés et de la société Siplec et à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat du comité professionnel des stocks stratégiques pétroliers ;

1. Considérant qu'en vertu des articles L. 642-2 et L. 642-4 du code de l'énergie, les opérateurs qui importent et livrent à la consommation intérieure des produits dérivés du pétrole sont tenus de contribuer, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat, à la constitution et à la conservation de stocks stratégiques à hauteur du quart des quantités nettes annuelles importées ou livrées ; qu'en vertu de l'article L. 642-5 du même code et de l'article 1er du décret susvisé du 29 janvier 1993 a été créé le comité professionnel des stocks stratégiques pétroliers (CPSSP), établissement d'utilité publique doté de la personnalité civile régi par loi du 22 juin 1978 concernant les comités de développement économique, chargé d'assurer une mission de service public, exclusive, de constitution et de conservation de ces stocks ; qu'en vertu de l'article L. 642-7 du même code, les opérateurs s'acquittent de leur obligation soit directement ou par l'intermédiaire d'un entrepositaire agréé, soit en versant au CPSSP une contribution financière couvrant le coût du service rendu par ce dernier ; qu'en vertu des articles L. 642-5 et L. 642-6 du même code et de l'article 9 du décret du 29 janvier 1993, le comité comptabilise, pour l'exécution de sa mission, les stocks détenus par la société anonyme de gestion des stocks de sécurité intérieure (SAGESS) et les produits pétroliers qui sont mis à sa disposition par certains opérateurs ; que l'article 7 du même décret précise que le conseil d'administration du comité est compétent, notamment, pour fixer les règles selon lesquelles est déterminée la rémunération des services rendus par le comité aux opérateurs, conformément au dernier alinéa de l'article L. 642-6 du même code, ainsi que la rémunération des services rendus au comité par les prestataires de services mentionnés à l'article L. 642-5 ;

2. Considérant que l'article 10 de la loi du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 a institué une contribution exceptionnelle, d'un taux de 4 %, exigible au 1er octobre 2012, due par toute personne, à l'exception de l'Etat, propriétaire au 4 juillet 2012 de volumes de produits pétroliers mentionnés au tableau B du 1 de l'article 265 du code des douanes, placés sous l'un des régimes prévus aux articles 158 A et 165 du même code et situés sur le territoire de la France métropolitaine ; que par une délibération du 18 septembre 2012, le CPSSP a décidé de rembourser le montant de cette contribution correspondant aux stocks détenus par la SAGESS et aux stocks mis à sa disposition par des opérateurs et d'assurer le financement de ce remboursement en mettant à la charge de ses usagers, en plus de la redevance d'équilibre, deux redevances exceptionnelles ; que les requérantes demandent l'annulation pour excès de pouvoir de cette délibération en tant qu'elle a décidé de prélever une redevance exceptionnelle afin de rembourser cette contribution exceptionnelle aux opérateurs privés mettant des stocks pétroliers à la disposition du comité ;

Sur la compétence de la juridiction administrative :

3. Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions citées au point 1 qu'en raison de la mission de service public confiée au CPSSP et des prérogatives de puissance publique dont il dispose pour l'exercer, les décisions qu'il est amené à prendre dans la sphère de ses attributions constituent des actes administratifs dont la légalité relève de la compétence de la juridiction administrative ; que la délibération attaquée est au nombre des décisions réglementaires d'une autorité à compétence nationale que le Conseil d'Etat est compétent pour connaître en premier et dernier ressort en vertu du 2° de l'article R. 311-1 du code de justice administrative ;

Sur la légalité de la décision attaquée :

4. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte du dernier alinéa de l'article L. 642-6 du code de l'énergie que la rémunération que reçoit le CPSSP pour les services qu'il rend aux opérateurs pétroliers est déterminée par son conseil d'administration et correspond, pour chaque redevable, aux coûts de constitution et de conservation pendant un an des stocks stratégiques qu'il prend en charge ; que le b de l'article 7 du décret du 29 janvier 1993 portant création du CPSSP précise que le conseil d'administration du comité fixe les règles selon lesquelles est déterminée cette rémunération, laquelle doit être regardée comme correspondant à l'ensemble des coûts de constitution et de conservation des stocks stratégiques assurées par le CPSSP dans le cadre de sa mission de service public ; qu'elle comprend ainsi les coûts inhérents aux mises à disposition de produits pétroliers par des opérateurs privés déterminées par contrat, conformément au b de l'article 9 du décret du 29 janvier 1993 ; que l'annexe II du règlement intérieur du comité relatif aux règles d'établissement de ces contrats détaille, en son point 4, les modalités de détermination de la rémunération de ces mises à disposition, laquelle comprend, outre la rémunération de l'immobilisation financière des produits stockés et celle de l'entretien de la qualité du stock, la rémunération des frais et charges de stockage et d'exploitation ; que ces dispositions permettent la prise en compte, dans le calcul de cette rémunération, d'un impôt tel que la contribution exceptionnelle prévue par l'article 10 de la loi de finances rectificative pour 2012, dès lors qu'une telle imposition constitue une charge de stockage et d'exploitation, alors même que cette contribution est due à raison de la propriété de volumes de produits pétroliers ; que, par suite, le CPSSP était compétent pour décider, par la délibération attaquée, de rembourser la contribution exceptionnelle aux opérateurs pétroliers mettant une partie de leurs stocks à sa disposition et de financer ce remboursement par le prélèvement d'une redevance exceptionnelle ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

6. Considérant, en troisième lieu, que si, par la délibération attaquée, le CPSSP a décidé de rembourser aux opérateurs la contribution exceptionnelle qu'ils supportent, en application de l'article 10 de la loi de finances rectificative pour 2012, à raison des stocks qu'ils mettent à sa disposition, cette délibération n'a ni pour objet ni pour effet de modifier le redevable de cette contribution ; que les requérantes ne sont, par suite, pas fondées à soutenir qu'elle méconnaîtrait l'article 10 de la loi de finances rectificative pour 2012 ;

7. Considérant, en quatrième lieu, que si les requérantes font valoir que la délibération attaquée soumet à un traitement différent les opérateurs pétroliers selon qu'ils mettent ou non une partie de leurs stocks à la disposition du CPSSP, les opérateurs qui procèdent à de telles mises à disposition et permettent de ce fait au comité d'assurer sa mission de service public de constitution et de conservation des stocks stratégiques pétroliers se trouvent dans une situation différente de celle des autres opérateurs pétroliers, en rapport avec cette mission de service public, de nature à justifier une différence de traitement ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que la délibération attaquée méconnaîtrait le principe d'égalité devant les charges publiques n'est pas fondé ;

8. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes du 1 de l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " Sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions " ; qu'aux termes de l'article 108 du même traité : " 1. La Commission procède avec les Etats membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dans ces Etats. (...) / 2. Si (...) la Commission constate qu'une aide accordée par un Etat ou au moyen de ressources d'Etat n'est pas compatible avec le marché intérieur aux termes de l'article 107 (...) elle décide que l'Etat intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu'elle détermine (...) / 3. La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché intérieur, aux termes de l'article 107, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'Etat membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale (...) " ;

9. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, s'il ressortit à la compétence exclusive de la Commission européenne de décider, sous le contrôle de la Cour de justice de l'Union européenne, si une aide de la nature de celles mentionnées à l'article 107 est ou non, compte tenu des dérogations prévues par le traité, compatible avec le marché intérieur, il incombe, en revanche, aux juridictions nationales de sanctionner, le cas échéant, l'invalidité de dispositions de droit national qui auraient institué ou modifié une telle aide en méconnaissance de l'obligation qu'impose aux Etats membres le paragraphe 3 de l'article 108 du traité, d'en notifier le projet à la Commission, préalablement à toute mise à exécution ; que l'exercice de ce contrôle implique, notamment, de rechercher si les dispositions dont l'application est contestée instituent un régime d'aide, ou si une taxe fait partie intégrante d'une telle aide ;

10. Considérant, toutefois, que la mesure litigieuse ne peut être regardée comme constitutive d'une aide qui fausse ou qui menace de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions au sens du 1 de l'article 107 précité, dès lors que la redevance exceptionnelle collectée par le CPSSP auprès de ses usagers afin de financer le remboursement aux opérateurs privés mettant à sa disposition une partie de leurs stocks pétroliers de la contribution exceptionnelle prévue par l'article 10 de la loi de finances rectificative pour 2012 a pour objet d'assurer la neutralité de cette contribution au regard de l'obligation de constitution de stocks de produits pétroliers prévue par les dispositions de l'article L. 642-2 du code de l'énergie en répartissant son coût sur l'ensemble des opérateurs qui y sont tenus ; que contrairement à ce que soutiennent les requérantes, cette mesure n'avait dès lors pas à faire l'objet d'une notification préalable à la Commission européenne en application du paragraphe 3 de l'article 108 du traité ; qu'il résulte de ce qui précède que la délibération attaquée n'a ni pour objet ni pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché au sens de l'article L. 420-1 du code de commerce et de l'article 101 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation de la délibération du 18 septembre 2012 en tant qu'elle a décidé de rembourser la contribution exceptionnelle prévue à l'article 10 de la loi de finances rectificative pour 2012 aux opérateurs privés mettant des stocks pétroliers à la disposition du CPSSP et de prélever une redevance exceptionnelle pour financer ce remboursement ;

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du CPSSP, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de chacune des requérantes la somme de 600 euros à verser au CPSSP à ce même titre ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de l'union des importateurs indépendants pétroliers, de la société Distridyn, de la société Petrovex, de la SCA Pétrole et Dérivés et de la société Siplec est rejetée.

Article 2 : L'union des importateurs indépendants pétroliers, la société Distridyn, la société Petrovex, la SCA Pétrole et Dérivés et la société Siplec verseront chacune au CPSSP la somme de 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'union des importateurs indépendants pétroliers, premier requérant dénommé, et au comité professionnel des stocks stratégiques pétroliers. Les autres requérants seront informés de la présente décision par la SCP Alain Monod et Bertrand Colin, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui les représente devant le Conseil d'Etat.

Copie en sera adressée pour information à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.


Synthèse
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 363945
Date de la décision : 16/07/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 16 jui. 2014, n° 363945
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bastien Lignereux
Rapporteur public ?: M. Frédéric Aladjidi
Avocat(s) : SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET ; SCP MONOD, COLIN, STOCLET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:363945.20140716
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