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29/07/2014 | FRANCE | N°382318

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 29 juillet 2014, 382318


Vu la requête, enregistrée le 7 juillet 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la société SAS Laboratoires Jolly-Jatel, représentée par ses représentants légaux, dont le siège social est situé 28, avenue Carnot, à Saint-Germain-en-Laye (78100) ; la société requérante demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté de la ministre des affaires sociales et de la santé du 23 juin 2014, portant radiation de s

pécialités pharmaceutiques de la liste mentionnée au premier alinéa de l'artic...

Vu la requête, enregistrée le 7 juillet 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la société SAS Laboratoires Jolly-Jatel, représentée par ses représentants légaux, dont le siège social est situé 28, avenue Carnot, à Saint-Germain-en-Laye (78100) ; la société requérante demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté de la ministre des affaires sociales et de la santé du 23 juin 2014, portant radiation de spécialités pharmaceutiques de la liste mentionnée au premier alinéa de l'article L. 162-17 du code de la sécurité sociale, en ce qu'il porte radiation à compter du 1er août 2014 de la spécialité pharmaceutique des Laboratoires Jolly-Jatel, Rhinotrophyl, solution pour pulvérisation nasale, au motif que ce médicament présente un service médical rendu insuffisant pour le maintien de son inscription sur ladite liste ;

2°) d'ordonner l'insertion, sur le site internet du ministère des affaires sociales et de la santé et au journal officiel, d'une mention indiquant que l'exécution de l'arrêt du 23 juin 2014 est suspendue en tant qu'il radie la spécialité Rhinotrophyl de la liste des médicaments remboursables aux assurés sociaux ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- la condition d'urgence est remplie dès lors que la décision litigieuse porte une atteinte grave et immédiate, d'une part, aux intérêts de santé publique, dès lors qu'elle entraîne un report de prescription de Rhinotrophyl sur les corticoïdes, et de solidarité nationale, en ce que ce report de prescription aurait un effet manifestement contraire aux effets attendus du déremboursement et, d'autre part, à leurs intérêts financiers et commerciaux ;

- il existe plusieurs doutes sérieux sur la légalité de l'arrêté du 23 juin 2014 portant radiation de spécialités pharmaceutiques de la liste mentionnée au premier alinéa de l'article L. 162-17 du code de la sécurité sociale ;

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé en ce qu'il ne comporte pas l'exposé de motifs fondés sur des critères objectifs ;

- le ministre a méconnu sa compétence en s'estimant lié par l'avis du 8 janvier 2014 de la commission de la transparence ;

- l'avis rendu par la commission de la transparence sur lequel se fonde l'arrêté litigieux est irrégulier dès lors que la participation de quatre de ses membres aux réunions de la commission caractérise l'existence d'un conflit d'intérêt ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation du service médical rendu par la spécialité Rhinotrophyl alors que cette spécialité a sa place dans la stratégie thérapeutique du traitement du rhume banal et de la rhinopharyngite ;

- l'absence de réévaluation du Rhinotrophyl conjointement avec l'ensemble des spécialités de la classe pharmaco-thérapeutique méconnaît l'article R. 163-6, IV du code de la sécurité sociale ;

- le déremboursement du Rhinotrophyl place le laboratoire concurrent en situation de position dominante et méconnaît les articles L. 420-4 et L. 420-2 du code de commerce ;

Vu l'arrêté dont la suspension de l'exécution est demandée ;

Vu la copie de la requête à fin d'annulation de cet arrêté ;

Vu les observations, enregistrées le 18 juillet 2014, présentées par la Haute autorité de santé ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 juillet 2014, présenté par le ministre des affaires sociales et de la santé, qui conclut au rejet de la requête ;

elle soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et qu'aucun des moyens soulevés n'est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté ;

Vu les observations complémentaires, enregistrées le 23 juillet 2014, présentées par la Haute autorité de santé ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 24 juillet 2014, présenté pour la société SAS Laboratoires Jolly-Jatel, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale, notamment ses articles R. 163-14, R.161-85 et R. 163-6, IV ;

Vu le code de commerce, notamment ses articles L. 420-4 et L. 420-2 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la société SAS Laboratoires Jolly-Jatel, d'autre part, le ministre des affaires sociales et de la santé ainsi que la Haute Autorité de santé ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 25 juillet 2014 à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Ricard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la SAS Laboratoires Jolly-Jatel ;

- les représentants de la SAS Laboratoires Jolly-Jatel ;

- les représentants du ministre des affaires sociales et de la santé ;

- les représentants de la Haute Autorité de santé ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;

1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;

2. Considérant qu'en vertu de l'article L. 162-17 du code de la sécurité sociale, les médicaments dispensés en officine ne peuvent être pris en charge ou donner lieu à remboursement par les caisses d'assurance maladie que s'ils figurent sur une liste établie dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ; que les dispositions de l'article R. 163-3 et du I de l'article R. 163-7 du même code prévoient leur radiation de cette liste, par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et de la santé pris après avis de la commission de la Haute autorité de santé prévue à l'article R. 163-15 de ce code, dite " commission de la transparence ", lorsque leur service médical rendu est insuffisant ;

3. Considérant que, par arrêté du 23 juin 2014, le ministre des affaires sociales et de la santé a radié de la liste des médicaments remboursables aux assurés sociaux à compter du 1er août 2014 la spécialité Rhinotrophyl, commercialisée par la SAS Laboratoires Jolly-Jatel au motif que le service médical rendu par cette spécialité était insuffisant ;

4. Considérant, en premier lieu, que la société Jolly-Jatel soutient que quatre des dix-sept membres de la commission de transparence ayant pris part aux délibérations concernant la spécialité Rhinotrophyl présentaient des liens avec des laboratoires commercialisant des spécialités concurrentes, les plaçant dans une situation de conflit d'intérêts indirect ; que si les spécialités en cause n'appartiennent pas à la même classe pharmaco-thérapeutique que celle du Rhinotrophyl, il est constant que ces spécialités, qui sont toutes des préparations nasales à visée décongestionnante, présentent, pour les consommateurs, des caractéristiques proches susceptibles de les placer dans une situation de concurrence ; que, toutefois, il ressort de l'instruction, que les liens d'intérêts en cause, qui ne présentaient une certaine intensité que pour deux des quatre membres concernés, se caractérisaient par des interventions rémunérées remontant à octobre 2010 pour l'un et par une participation rémunérée à une journée d'étude en avril 2011 pour l'autre ; que, compte tenu de leur caractère ponctuel et de leur ancienneté lorsque la commission a adopté ses avis définitifs, le 8 janvier 2014 et le 23 avril 2014, il ne ressort pas des pièces du dossier, en l'état de l'instruction, que les intéressés se trouvaient en situation de conflit d'intérêts indirect ;

5. Considérant, en second lieu, que la société Jolly-Jatel soutient que le ministre se serait cru à tort lié par l'avis de la commission de transparence et que l'arrêté attaqué serait insuffisamment motivé ; qu'elle soutient que l'arrêté contesté serait entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation du service médical rendu par la spécialité et qu'il méconnaîtrait les dispositions du IV de l'article R. 163-6 de code la sécurité sociale ainsi que celles de l'article L. 420-4 du code de commerce ; que, toutefois, aucun de ces moyens n'est de nature, en l'état de l'instruction, à faire sérieusement douter de la légalité de l'arrêté contesté ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, que la société requérante n'est pas fondée à demander la suspension de l'arrêté du 23 juin 2014 ; qu'ainsi sa requête doit être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de la SAS Laboratoires Jolly-Jatel est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la SAS Laboratoires Jolly-Jatel, à la ministre des affaires sociales et de la santé et à la Haute Autorité de santé.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 382318
Date de la décision : 29/07/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 29 jui. 2014, n° 382318
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : RICARD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:382318.20140729
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