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27/08/2014 | FRANCE | N°370725

France | France, Conseil d'État, 1ère sous-section jugeant seule, 27 août 2014, 370725


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner l'Etat, d'une part, à lui rembourser des prescriptions médicales et des frais de cure et, d'autre part, à lui verser une somme de 171 300 euros, augmentée des intérêts légaux, en réparation des souffrances physiques et morales, du préjudice esthétique, des troubles dans les conditions d'existence et du préjudice économique résultant de l'accident de service dont elle a été victime le 26 juin 1981. Par un jugement n° 0706052 du 7 ju

illet 2011, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Par un arr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner l'Etat, d'une part, à lui rembourser des prescriptions médicales et des frais de cure et, d'autre part, à lui verser une somme de 171 300 euros, augmentée des intérêts légaux, en réparation des souffrances physiques et morales, du préjudice esthétique, des troubles dans les conditions d'existence et du préjudice économique résultant de l'accident de service dont elle a été victime le 26 juin 1981. Par un jugement n° 0706052 du 7 juillet 2011, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 11DA01514 du 4 avril 2013, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé contre le jugement du tribunal administratif de Lille par Mme B....

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 30 juillet 2013, 25 octobre 2013 et 19 mars 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt n° 11DA01514 de la cour administrative d'appel de Douai du 4 avril 2013 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à son avocat, la SCP de Chaisemartin, Courjon, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Julia Beurton, auditeur,

- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de MmeB....

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B..., victime le 26 juin 1981 d'un grave accident de trajet, a engagé devant le juge judiciaire une action en responsabilité contre le tiers responsable de l'accident. Par un arrêt du 4 novembre 1986, devenu définitif, la cour d'appel de Douai a condamné le tiers responsable à verser, d'une part, à l'Etat la somme de 1 792 325,26 francs correspondant à la créance de ce dernier au titre des prestations en nature et en espèces et du capital constitutif de la pension de retraite prématurée et de la pension d'invalidité servies à Mme B...et, d'autre part, à celle-ci les sommes de 96 431,89 francs au titre du préjudice corporel soumis à recours et de 170 829,70 francs au titre du préjudice personnel. Mme B...a ultérieurement sollicité du juge judiciaire une indemnisation complémentaire du fait de l'aggravation de certains de ses préjudices. Par un courrier du 1er décembre 2005, elle a également sollicité du directeur des services fiscaux du Pas-de-Calais une indemnité de 171 300 euros, augmentée des intérêts légaux, en réparation du préjudice économique résultant de sa mise à la retraite anticipée, dont elle estimait qu'il n'avait pas été réparé par l'arrêt de la cour d'appel de Douai du 4 novembre 1986. A la suite du rejet de cette demande, confirmé sur recours hiérarchique, elle a saisi le tribunal administratif de Lille d'une demande tendant notamment à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 171 300 euros au titre de la réparation de son préjudice économique, ainsi que de l'aggravation des souffrances physiques et morales, du préjudice esthétique et des troubles dans ses conditions d'existence. Par un arrêt du 4 avril 2013, contre lequel Mme B...se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Douai a confirmé le jugement du 7 juillet 2011 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Sur la fin de non-recevoir opposée en défense par le ministre de l'économie et des finances :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 821-1 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai de recours en cassation est de deux mois ". En vertu de l'article 39 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, l'introduction d'une demande d'aide juridictionnelle à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat a pour effet d'interrompre le délai de pourvoi en cassation.

3. Il ressort des pièces du dossier que MmeB..., après avoir reçu notification de l'arrêt attaqué le 11 avril 2013, a formé le 17 avril suivant une demande d'aide juridictionnelle, qui lui a été accordée par une décision du 31 mai 2013 notifiée le 10 juin 2013. Par suite, son pourvoi, introduit le 30 juillet 2013, n'est pas tardif. Le ministre de l'économie et des finances n'est, dès lors, pas fondé à soutenir qu'il serait irrecevable pour ce motif.

Sur l'arrêt attaqué, en tant qu'il statue sur la réparation du préjudice économique :

4. Aux termes du I de l'article 1er de l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'Etat et de certaines autres personnes publiques : " Lorsque le décès, l'infirmité ou la maladie d'un agent de l'Etat est imputable à un tiers, l'Etat dispose de plein droit contre ce tiers, par subrogation aux droits de la victime ou de ses ayants droit, d'une action en remboursement de toutes les prestations versées ou maintenues à la victime ou à ses ayants droit à la suite du décès, de l'infirmité ou de la maladie ".

5. Il résulte des termes mêmes de l'arrêt de la cour d'appel de Douai du 4 novembre 1986 que Mme B...s'est vu allouer une indemnité de 1 123 654 francs en réparation du préjudice économique qu'elle a subi. La cour administrative d'appel de Douai n'a pas commis d'erreur de droit et ne s'est pas méprise sur la portée de cet arrêt du 4 novembre 1986 en jugeant qu'elle avait ainsi obtenu réparation du préjudice économique subi, alors même que la cour d'appel a inclus cette somme dans le préjudice corporel soumis à recours subrogatoire de l'Etat, sur lequel elle a imputé la créance de celui-ci, de telle sorte qu'elle a condamné le tiers responsable à verser à la requérante la somme de 96 431,89 francs au titre du solde lui revenant sur le montant du préjudice soumis à recours.

Sur l'arrêt attaqué, en tant qu'il statue sur le préjudice esthétique et le préjudice d'agrément :

6. Contrairement à ce qu'affirme la requérante, il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel de Douai n'a pas jugé que ses préjudices esthétique et d'agrément avaient été suffisamment et définitivement réparés par l'arrêt de la cour d'appel de Douai du 4 novembre 1986 mais s'est bornée à relever qu'elle n'établissait pas le caractère insuffisant de l'appréciation portée par le juge judiciaire. Par suite, les moyens tirés de ce que la cour aurait commis une erreur de droit et dénaturé les pièces du dossier en jugeant que ces chefs de préjudice auraient été suffisamment réparés par l'arrêt de la cour d'appel de Douai du 4 novembre 1986 statuant de façon définitive, alors que son état n'était pas, à cette date, consolidé, ne peuvent qu'être écartés.

Sur l'arrêt attaqué, en tant qu'il statue sur les souffrances physiques :

7. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, et notamment du rapport du médecin expert agréé du 30 juin 2005 et du certificat médical du médecin généraliste qui l'a examinée le 21 août 2006, d'une part, que les chutes dont a été victime Mme B... les 31 janvier et 11 décembre 2005 résultent de malaises liés aux séquelles de la triple fracture de l'axis dont elle a été victime lors de son accident de trajet et, d'autre part, que les complications des fractures subies lors de ces chutes sont liées à une ostéoporose très évoluée, résultant des poly-médicamentations reçues depuis l'accident. Si, par un arrêt du 14 mars 2011, revêtu de l'autorité relative de chose jugée, la cour d'appel d'Amiens, au vu d'ailleurs d'un nouveau rapport d'expertise, a jugé que les traumatismes secondaires à la chute du 31 janvier 2005 étaient sans lien direct, certain et exclusif avec les séquelles de l'accident du 26 juin 1981, cette appréciation, contrairement à ce que soutient le ministre, ne liait pas la cour administrative d'appel, en l'absence d'identité de cause juridique entre les deux litiges, fondés l'un sur la responsabilité délictuelle du tiers responsable et l'autre sur la responsabilité sans faute de l'Etat. En jugeant, au vu du dossier dont elle disposait, que les traumatismes secondaires consécutifs aux deux chutes de janvier et décembre 2005 ne présentaient pas un lien direct et certain avec l'accident de trajet de 1981, la cour a inexactement qualifié les faits de l'espèce.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque en tant seulement qu'il statue sur les souffrances physiques. Le moyen tiré de l'inexacte qualification juridique des faits par la cour suffisant à entraîner l'annulation, dans cette mesure, de l'arrêt, il n'est pas nécessaire d'examiner l'autre moyen soulevé par la requérante au titre du même chef de préjudice.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

9. Mme B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP de Chaisemartin, Courjon, son avocat, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à cette SCP.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 4 avril 2013 est annulé en tant qu'il statue sur les souffrances physiques subies par MmeB....

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Douai.

Article 3 : L'Etat versera à la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de MmeB..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B...et au ministre des finances et des comptes publics.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 27 aoû. 2014, n° 370725
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Julia Beurton
Rapporteur public ?: M. Alexandre Lallet
Avocat(s) : SCP DE CHAISEMARTIN, COURJON

Origine de la décision
Formation : 1ère sous-section jugeant seule
Date de la décision : 27/08/2014
Date de l'import : 23/03/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 370725
Numéro NOR : CETATEXT000029413482 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2014-08-27;370725 ?
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