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19/09/2014 | FRANCE | N°382639

France | France, Conseil d'État, 8ème ssjs, 19 septembre 2014, 382639


Vu les mémoires, enregistrés le 15 juillet 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par la communauté de communes Massif du Vercors, dont le siège est 19, chemin de la Croix Margot à Villard-de-Lans (38250), en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; elle demande au Conseil d'Etat, à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 2014-180 du 18 février 2014, modifié par le décret n° 2014-351 du 19 mars 2014, portant délimitation des cantons dans le département de l'Isère, de renv

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Vu les mémoires, enregistrés le 15 juillet 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par la communauté de communes Massif du Vercors, dont le siège est 19, chemin de la Croix Margot à Villard-de-Lans (38250), en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; elle demande au Conseil d'Etat, à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 2014-180 du 18 février 2014, modifié par le décret n° 2014-351 du 19 mars 2014, portant délimitation des cantons dans le département de l'Isère, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 191-1 du code électoral ainsi que des articles L. 3113-1 et L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 61-1 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu le code électoral ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 ;

Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2013-667 DC du 16 mai 2013 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Karin Ciavaldini, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;

1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

Sur l'article L. 191-1 du code électoral :

2. Considérant que l'article L. 191-1 du code électoral, inséré dans ce code par l'article 4 de la loi du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral, prévoit la réduction de moitié du nombre de cantons dans lesquels seront élus les conseillers départementaux par rapport au nombre de cantons existant au 1er janvier 2013 ;

3. Considérant que le Conseil constitutionnel, dans les motifs et le dispositif de sa décision n° 2013-667 DC du 16 mai 2013, a déclaré conforme à la Constitution l'article 4 de la loi du 17 mai 2013 ; que, depuis cette décision, il n'est intervenu aucun changement de circonstances qui serait de nature à justifier que la conformité à la Constitution de ces dispositions soit à nouveau examinée par le Conseil constitutionnel ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de ce que l'article L. 191-1 du code électoral porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution ne peut qu'être écarté, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée à son encontre ;

Sur l'article L. 3113-1 du code général des collectivités territoriales :

4. Considérant que l'article L. 3113-1 du code général des collectivités territoriales détermine les règles selon lesquelles sont décidés les créations et suppressions des arrondissements, les modifications des limites territoriales des arrondissements et les transferts des chefs-lieux d'arrondissement ; que ces dispositions ne sont pas applicables à un litige portant sur la délimitation de cantons ; que, par suite, le moyen, articulé à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir formé contre un décret portant délimitation de cantons, tiré de ce que les dispositions de l'article L. 3113-1 portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution ne peut qu'être écarté, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;

Sur l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction résultant de la loi du 17 mai 2013 : " I.- Les modifications des limites territoriales des cantons, les créations et suppressions de cantons et le transfert du siège de leur chef-lieu sont décidés par décret en Conseil d'Etat après consultation du conseil général qui se prononce dans un délai de six semaines à compter de sa saisine. A l'expiration de ce délai, son avis est réputé rendu. / II. - La qualité de chef-lieu de canton est maintenue aux communes qui la perdent dans le cadre d'une modification des limites territoriales des cantons, prévue au I, jusqu'au prochain renouvellement général des conseils généraux. / III. La modification des limites territoriales des cantons effectuée en application du I est conforme aux règles suivantes : / a) Le territoire de chaque canton est défini sur des bases essentiellement démographiques ; / b) Le territoire de chaque canton est continu ; / c) Est entièrement comprise dans le même canton toute commune de moins de 3 500 habitants. / IV. Il n'est apporté aux règles énoncées au III que des exceptions de portée limitée, spécialement justifiées, au cas par cas, par des considérations géographiques ou par d'autres impératifs d'intérêt général " ;

6. Considérant que ces dispositions sont issues de l'article 46 de la loi du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral, lequel a modifié l'article L. 3113-2 en numérotant et complétant le paragraphe regroupant les dispositions qui figurent désormais au I, en numérotant et en réécrivant son second alinéa devenu II et en ajoutant un III et un IV ;

En ce qui concerne les II, III et IV de cet article :

7. Considérant que le Conseil constitutionnel, dans les motifs et le dispositif de sa décision du 16 mai 2013 mentionnée au point 3, a déclaré conformes à la Constitution les dispositions promulguées de l'article 46 de la loi du 17 mai 2013 ; que, depuis cette décision, aucun changement de circonstances de nature à justifier que la conformité de ces dispositions à la Constitution soit à nouveau examinée par le Conseil constitutionnel n'est intervenu ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de ce que les dispositions des II, III et IV de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution ne peut qu'être écarté, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée à leur encontre ;

En ce qui concerne le I de cet article :

8. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des termes mêmes de la Constitution, et notamment de ses articles 37, 38, 39 et 61-1 tels qu'interprétés par le Conseil constitutionnel, que le Conseil d'Etat est simultanément chargé par la Constitution de l'exercice de fonctions administratives et placé au sommet de l'un des deux ordres de juridiction qu'elle reconnaît ; que ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet de porter les avis rendus par les formations administratives du Conseil d'Etat à la connaissance de ses membres siégeant au contentieux ; qu'au demeurant, ainsi qu'il résulte des dispositions de l'article R. 122-21-1 du code de justice administrative, les membres du Conseil d'Etat qui ont participé à un avis rendu sur un projet d'acte soumis par le Gouvernement ne participent pas au jugement des recours mettant en cause ce même acte ; qu'enfin, en vertu de l'article R. 122-21-2 du même code, lorsque le Conseil d'Etat est saisi d'un recours contre un acte pris après avis d'une de ses formations consultatives, il est loisible au requérant de demander la liste des membres ayant pris part à la délibération de cet avis ;

9. Considérant, en deuxième lieu, que la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte, par elle-même, un droit ou une liberté que la Constitution garantit ; que, si la communauté de communes soutient que le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence portant sur la fixation du régime électoral des assemblées locales et les conditions d'exercice des mandats électoraux et fonctions électives des assemblées territoriales en prévoyant que la modification des cantons est décidée par décret en Conseil d'Etat, ce renvoi au pouvoir réglementaire est, en tout état de cause, suffisamment encadré par les conditions fixées aux III et IV précités de l'article L. 3113-2 ;

10. Considérant, en troisième lieu, que la circonstance que le législateur ait défini des règles différentes pour les arrondissements et cantons, en attribuant, par l'article L. 3113-1 du code général des collectivités territoriales, compétence au préfet pour fixer les limites des premiers, alors que le I de l'article L. 3113-2 du même code prévoit que les modifications des limites territoriales des seconds ainsi que leur création et suppression sont décidées par décret en Conseil d'Etat, ne révèle, par elle-même, en tout état de cause, aucune atteinte au principe de continuité du service public, dès lors que les arrondissements, qui sont des circonscriptions administratives de l'Etat, présentent une nature distincte des cantons, qui constituent des circonscriptions électorales ;

11. Considérant, enfin, que la méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi ne peut, en elle-même, être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les questions prioritaires de constitutionnalité invoquées à l'encontre du I de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales, qui ne sont pas nouvelles, ne présentent, en tout état de cause, pas un caractère sérieux ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions de ce I portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution ne peut qu'être écarté, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité invoquées à son encontre ;

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées par la communauté de communes Massif du Vercors.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la communauté de communes Massif du Vercors et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 19 sep. 2014, n° 382639
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Karin Ciavaldini
Rapporteur public ?: M. Benoît Bohnert

Origine de la décision
Formation : 8ème ssjs
Date de la décision : 19/09/2014
Date de l'import : 17/12/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 382639
Numéro NOR : CETATEXT000029476945 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2014-09-19;382639 ?
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