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22/09/2014 | FRANCE | N°377900

France | France, Conseil d'État, 3ème sous-section jugeant seule, 22 septembre 2014, 377900


Vu la procédure suivante :

1° Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés le 17 avril et 21 juillet 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat sous le n° 377900, la commune de Saint-Just-près-Brioude, demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2014-162 du 17 février 2014 portant délimitation des cantons dans le département de la Haute-Loire et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés

le 17 avril et 18 août 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat so...

Vu la procédure suivante :

1° Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés le 17 avril et 21 juillet 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat sous le n° 377900, la commune de Saint-Just-près-Brioude, demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2014-162 du 17 février 2014 portant délimitation des cantons dans le département de la Haute-Loire et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés le 17 avril et 18 août 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat sous le n° 377901, la commune de Javaugues, demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2014-162 du 17 février 2014 portant délimitation des cantons dans le département de la Haute-Loire et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la Constitution ;

- le code électoral ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Agnès Martinel, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Vincent, Ohl, avocat de la commune de Saint-Just-près-Brioude et à la SCP Vincent, Ohl, avocat de la commune de Javaugues ;

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes des communes de Saint-Just-près-Brioude et de Javaugues tendent à l'annulation pour excès de pouvoir du même décret et sont rédigées en termes semblables. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une même décision.

2. Aux termes de l'article L. 191-1 du code électoral, résultant de la loi du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires et modifiant le calendrier électoral : " Le nombre de cantons dans lesquels seront élus les conseillers départementaux est égal, pour chaque département, à la moitié du nombre de cantons existant au 1er janvier 2013, arrondi à l'unité impaire supérieure si ce nombre n'est pas entier impair. / Le nombre de cantons dans chaque département comptant plus de 500 000 habitants ne peut être inférieur à dix-sept. Il ne peut être inférieur à treize dans chaque département comptant entre 150 000 et 500 000 habitants ". Aux termes de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de la même loi, applicable à la date du décret attaqué : " I. - Les modifications des limites territoriales des cantons, les créations et suppressions de cantons et le transfert du siège de leur chef-lieu sont décidés par décret en Conseil d'Etat après consultation du conseil général qui se prononce dans un délai de six semaines à compter de sa saisine. A l'expiration de ce délai, son avis est réputé rendu. / (...) III. - La modification des limites territoriales des cantons effectuée en application du I est conforme aux règles suivantes : / a) Le territoire de chaque canton est défini sur des bases essentiellement démographiques ; / b) Le territoire de chaque canton est continu ; / c) Est entièrement comprise dans le même canton toute commune de moins de 3 500 habitants ; / IV. - Il n'est apporté aux règles énoncées au III que des exceptions de portée limitée, spécialement justifiées, au cas par cas, par des considérations géographiques ou par d'autres impératifs d'intérêt général ".

3. Compte tenu de la réduction du nombre des cantons résultant de l'application de l'article L. 191-1 du code électoral, le décret attaqué a, sur le fondement de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales, procédé à une nouvelle délimitation des cantons du département de la Haute-Loire.

4. En premier lieu, aux termes de l'article 22 de la Constitution : " Les actes du Premier ministre sont contresignés, le cas échéant, par les ministres chargés de leur exécution ". S'agissant d'un acte réglementaire, les ministres chargés de son exécution sont ceux qui ont compétence pour signer ou contresigner les mesures réglementaires ou individuelles que comporte nécessairement son exécution. Le décret attaqué n'appelle aucune mesure d'exécution que le ministre délégué à la décentralisation ou le ministre de l'égalité des territoires et du logement serait compétent pour signer ou contresigner. Il n'avait donc pas à être contresigné par ces ministres.

5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que, contrairement aux allégations des communes requérantes, le décret attaqué a été pris le Conseil d'Etat entendu. Il ressort notamment de la copie de la minute de la section de l'intérieur du Conseil d'Etat, produite par le ministre de l'intérieur en annexe de son mémoire en défense, que le texte publié ne contient pas de disposition qui différerait du texte adopté par la section de l'intérieur.

6. En troisième lieu, d'une part, ni les dispositions de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales, ni aucun autre texte non plus qu'aucun principe n'imposent au pouvoir réglementaire de prendre comme critères de délimitation des circonscriptions électorales l'absence de disparité de superficie entre cantons. D'autre part, pour mettre en oeuvre les critères définis au III de l'article L. 3113-2 de ce même code, le décret attaqué a procédé à la délimitation des dix-neuf nouveaux cantons du département de la Haute-Loire en se fondant sur une population moyenne et en rapprochant la population de chaque canton de cette moyenne. Si les communes requérantes soutiennent que le décret conduirait à accroître tant les disparités démographiques par rapport à la population moyenne du département que les disparités entre les territoires ruraux et urbains, en particulier pour ce qui concerne le canton du Pays de Lafayette, elles n'assortissent en tout état de cause pas leurs allégations de précisions permettant d'en apprécier le bien fondé.

7. En quatrième lieu, ni l'article L. 3113-2 précité, ni aucun autre texte non plus qu'aucun principe n'imposaient au Premier ministre de prévoir que les limites des cantons, qui sont des circonscriptions électorales, coïncident avec les périmètres des établissements publics de coopération intercommunale ou avec les limites des " bassins de vie " définis par l'Institut national de la statistique et des études économiques. Il s'en suit que les communes requérantes ne sauraient utilement soutenir que la délimitation du canton du Pays de Lafayette ne correspondrait pas à celle des établissements publics de coopération intercommunale ou des " bassins de vie ".

8. En cinquième lieu, les communes requérantes soutiennent que le décret attaqué est entaché d'erreur manifeste d'appréciation en ce qu'il fixe à Mazeyrat-d'Allier le siège du bureau centralisateur du canton du Pays de Lafayette. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la commune de Mazeyrat-d'Allier est la plus peuplée du canton et les requérantes n'apportent, en tout état de cause, pas d'éléments suffisants pour établir que la désignation de cette commune comme siège du bureau centralisateur du canton serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

9. En sixième lieu, les communes requérantes critiquent le choix opéré par le décret attaqué de les rattacher au canton du Pays de Lafayette. Elles ne contestent pas sérieusement que la délimitation de ce canton respecte les critères définis par l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales et n'apportent pas d'éléments suffisants pour établir qu'elle reposerait sur une erreur manifeste d'appréciation ni, en tout état de cause, qu'elle procèderait d'un détournement de pouvoir.

10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'intérieur à l'encontre de la commune de Javaugues, que les communes de Saint-Just-près-Brioude et de Javaugues ne sont pas fondées à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret attaqué. Leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les requêtes des communes de Saint-Just-près-Brioude et de Javaugues sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée aux communes de Saint-Just-près-Brioude et de Javaugues, au Premier ministre et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 3ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 377900
Date de la décision : 22/09/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 22 sep. 2014, n° 377900
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Agnès Martinel
Rapporteur public ?: M. Vincent Daumas
Avocat(s) : SCP VINCENT, OHL

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:377900.20140922
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