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08/10/2014 | FRANCE | N°375254

France | France, Conseil d'État, 7ème / 2ème ssr, 08 octobre 2014, 375254


Vu le pourvoi, enregistré le 6 février 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre de l'intérieur ; le ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 12PA00885 du 20 décembre 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son recours tendant à l'annulation du jugement nos 1111566/3-3, 1109915/3-3 du 13 décembre 2011 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a annulé la décision du 24 mai 2011 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immi

gration rejetant le recours hiérarchique de la société Compagnie intern...

Vu le pourvoi, enregistré le 6 février 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre de l'intérieur ; le ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 12PA00885 du 20 décembre 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son recours tendant à l'annulation du jugement nos 1111566/3-3, 1109915/3-3 du 13 décembre 2011 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a annulé la décision du 24 mai 2011 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration rejetant le recours hiérarchique de la société Compagnie internationale de galvanoplastie (CIGAL) dirigé contre la décision du 17 février 2011 par laquelle le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris a refusé d'accorder une autorisation de travail au bénéfice de Mme A...;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Maurice relatif au séjour et à la migration circulaire de professionnels, signé à Paris le 23 septembre 2008 ;

Vu code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Stéphane Bouchard, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article 2.1.2 de l'accord du 23 septembre 2008 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Maurice relatif au séjour et à la migration circulaire de professionnels : " Une autorisation provisoire de séjour d'une durée de validité de six mois est délivrée au ressortissant mauricien qui, ayant achevé avec succès, dans un établissement d'enseignement supérieur français habilité au plan national ou dans un établissement d'enseignement supérieur mauricien lié à un établissement d'enseignement supérieur français par une convention de délivrance de diplôme en partenariat international, un cycle de formation conduisant à un diplôme au moins équivalent au master ou à la licence professionnelle, souhaite compléter sa formation par une expérience professionnelle en France dans la perspective de son retour à Maurice. / Pendant la durée de cette autorisation, son titulaire est autorisé à chercher et, le cas échéant, à exercer un emploi en relation avec sa formation et assorti d'une rémunération au moins égale à une fois et demie la rémunération mensuelle minimale en vigueur en France. / A l'issue de la période de six mois mentionnée au premier alinéa, si l'intéressé est pourvu d'un emploi ou est titulaire d'une promesse d'embauche satisfaisant aux conditions énoncées ci-dessus, il est autorisé à séjourner en France pour l'exercice de son activité professionnelle, sans que soit prise en considération la situation de l'emploi. / (...) " ; que, par ailleurs, aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux ressortissants mauriciens : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : / 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail, qui a remplacé l'article L. 341-2 du même code : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / (...) 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail " ; qu'aux termes de l'article R. 5221-20 du même code : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11 le préfet prend en compte les éléments d'appréciations suivants : / 1° La situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée (...) " ;

2. Considérant qu'il résulte de la combinaison des stipulations et dispositions citées ci-dessus qu'un ressortissant mauricien titulaire de l'autorisation provisoire de séjour prévue par l'article 2.1.2. de l'accord du 23 septembre 2008 peut, sous couvert de ce titre, rechercher un emploi salarié répondant à certaines conditions et commencer à l'exercer ; qu'il ne peut toutefois, au terme de la validité de son autorisation provisoire, poursuivre l'exercice de cette activité salariée que sous le couvert du titre de séjour mentionné au 1° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que l'octroi de ce titre de séjour est subordonné à la délivrance, sur demande de l'employeur, d'une autorisation de travail par l'autorité administrative ; que cette dernière ne peut cependant, dans une telle circonstance, fonder sa décision sur la situation de l'emploi dans la profession et la zone géographique concernées ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 17 février 2011, le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris a rejeté la demande d'autorisation de travail présentée par la société Compagnie internationale de galvanoplastie (CIGAL) pour l'emploi de MmeA..., ressortissante mauricienne, en invoquant la situation de l'emploi en Ile-de-France dans la profession que devait exercer l'intéressée ; que le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a, le 24 mai 2011, rejeté le recours hiérarchique présenté par la société CIGAL contre ce refus d'autorisation de travail ; qu'il se pourvoit en cassation contre l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Paris a confirmé l'annulation de cette dernière décision par le tribunal administratif de Paris ;

4. Considérant que, pour annuler la décision qui lui était déférée par la voie de l'appel, la cour administrative d'appel de Paris a jugé que, Mme A...remplissant les conditions d'octroi de l'autorisation provisoire de séjour prévue par l'article 2.1.2 de l'accord franco-mauricien du 23 septembre 2008 cité ci-dessus, l'autorisation de travail qui lui était nécessaire pour obtenir une carte de séjour en qualité de salariée revêtait un caractère superfétatoire et ne pouvait, par suite, être compétemment refusée par l'autorité administrative ;

5. Considérant que si les stipulations de l'article 2.1.2 de l'accord franco-mauricien du 23 septembre 2008 prévoient que l'autorisation de travail nécessaire à l'obtention d'une carte de séjour en qualité de salarié ne peut, lorsque l'étranger est titulaire de l'autorisation provisoire de séjour prévue par ces stipulations, être refusée pour un motif tiré de la situation de l'emploi, elles n'ont pas pour effet de dispenser l'étranger qui demande une telle carte de séjour de l'obtention de cette autorisation de travail ; qu'en se fondant sur le caractère superfétatoire de cette autorisation, la cour administrative d'appel a entaché son arrêt d'erreur de droit ; que le ministre de l'intérieur est, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de son pourvoi, fondé à en demander l'annulation ;

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A...a, à l'expiration de sa carte de séjour en qualité d'étudiante, demandé la délivrance d'une carte de séjour en qualité de salariée sur le fondement du 1° du L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en faisant valoir le contrat obtenu auprès de la société CIGAL ; que cette demande a été formulée alors que l'intéressée n'avait jamais possédé ni même sollicité l'autorisation provisoire de séjour prévue par l'article 2.1.2 de l'accord franco-mauricien du 23 septembre 2008 ; que, dans ces conditions, et alors même que Mme A...aurait rempli les conditions d'octroi de cette autorisation provisoire, la situation de l'emploi était opposable à son employeur par application des règles de droit commun prévues par l'article R. 5221-20 du code du travail ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, pour annuler la décision en litige, le tribunal administratif s'est fondé sur la circonstance que le ministre devait examiner le recours hiérarchique contre le refus d'autorisation de travail sans opposer la situation de l'emploi ;

9. Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société CIGAL devant le tribunal administratif de Paris ;

10. Considérant, d'une part, que la signataire de la décision attaquée disposait, en vertu d'une décision du directeur de l'immigration du 1er octobre 2010 publiée le 3 octobre 2010, d'une délégation de signature régulière l'autorisant à signer ce type de décisions individuelles ; que la société CIGAL n'est, par suite, pas fondée à soutenir que cette décision serait entachée d'incompétence ;

11. Considérant, d'autre part, que si le refus d'autorisation de travail opposé par le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris mentionne de manière erronée que l'emploi d'assistante de direction juridique proposé par la société CIGAL devait s'exercer " dans un cabinet d'avocat " alors qu'il devait s'exercer dans le service juridique d'une société industrielle, cette circonstance est sans incidence sur l'examen de la situation de l'emploi auquel le préfet a procédé pour la profession en question ; que la société CIGAL n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que le refus d'autorisation de travail opposé par le préfet est, pour ce motif, entaché d'inexactitude matérielle et d'erreur manifeste d'appréciation et que le ministre aurait dû, par suite, le rapporter ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 24 mai 2011 et à mis à sa charge la somme de 1 000 euros à verser à la société CIGAL au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 20 décembre 2013 est annulé.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 13 décembre 2011 est annulé en tant qu'il annule la décision du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration du 24 mai 2011 et qu'il met à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à la société Compagnie internationale de galvanoplastie.

Article 3 : Les conclusions de la société Compagnie internationale de galvanoplastie présentées devant le tribunal administratif de Paris et tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration du 24 mai 2011 ainsi qu'à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur, à la société Compagnie internationale de galvanoplastie et à Mme B...A....


Synthèse
Formation : 7ème / 2ème ssr
Numéro d'arrêt : 375254
Date de la décision : 08/10/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ÉTRANGERS - SÉJOUR DES ÉTRANGERS - TEXTES APPLICABLES - CONVENTIONS INTERNATIONALES - ACCORD DU 23 SEPTEMBRE 2008 ENTRE LE GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ET LE GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE DE MAURICE RELATIF AU SÉJOUR ET À LA MIGRATION CIRCULAIRE DE PROFESSIONNELS - AUTORISATION PROVISOIRE DE SÉJOUR APRÈS DES ÉTUDES SUPÉRIEURES PRÉVUE PAR L'ARTICLE 2 - 1 - 2 DE L'ACCORD - CONDITIONS DE LA POURSUITE DU SÉJOUR POUR EXERCER UNE ACTIVITÉ PROFESSIONNELLE - INCLUSION - DÉTENTION DU TITRE DE SÉJOUR MENTIONNÉ AU 1° DE L'ARTICLE L - 310-10 DU CESEDA - NÉCESSITÉ D'UNE AUTORISATION DE TRAVAIL.

335-01-01-02 Les stipulations de l'article 2.1.2. de l'accord du 23 septembre 2008 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Maurice relatif au séjour et à la migration circulaire de professionnels prévoient une autorisation provisoire de séjour pour les ressortissants mauriciens qui, ayant achevé avec succès des études supérieures dans certaines conditions, souhaitent compléter leur formation par une expérience professionnelle en France dans la perspective de leur retour à Maurice. La convention prévoit, en outre, qu'à l'issue de la période de six mois mentionnée au premier alinéa, si l'intéressé est pourvu d'un emploi ou est titulaire d'une promesse d'embauche satisfaisant aux conditions énoncées ci-dessus, il est autorisé à prolonger son séjour en France pour l'exercice de son activité professionnelle, sans que soit prise en considération la situation de l'emploi.... ,,Au terme de la validité de cette autorisation provisoire de séjour, son titulaire ne peut toutefois poursuivre l'exercice d'une activité salariée que sous le couvert du titre de séjour mentionné au 1° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA). L'octroi de ce titre de séjour demeure subordonné à la délivrance, sur demande de l'employeur, d'une autorisation de travail par l'autorité administrative bien que cette dernière ne puisse, dans une telle circonstance, fonder sa décision sur la situation de l'emploi dans la profession et la zone géographique concernées.,,,N.B. : l'article L. 311-11 du CESEDA comporte un dispositif proche de celui des stipulations de l'article 2.1.2. de l'accord du 23 septembre 2008.

ÉTRANGERS - EMPLOI DES ÉTRANGERS - MESURES INDIVIDUELLES - TITRE DE TRAVAIL - ACCORD DU 23 SEPTEMBRE 2008 ENTRE LE GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ET LE GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE DE MAURICE RELATIF AU SÉJOUR ET À LA MIGRATION CIRCULAIRE DE PROFESSIONNELS - AUTORISATION PROVISOIRE DE SÉJOUR APRÈS DES ÉTUDES SUPÉRIEURES PRÉVUE PAR L'ARTICLE 2 - 1 - 2 DE L'ACCORD - CONDITIONS DE LA POURSUITE DU SÉJOUR POUR EXERCER UNE ACTIVITÉ PROFESSIONNELLE - INCLUSION - DÉTENTION DU TITRE DE SÉJOUR MENTIONNÉ AU 1° DE L'ARTICLE L - 310-10 DU CESEDA - NÉCESSITÉ D'UNE AUTORISATION DE TRAVAIL.

335-06-02-01 Les stipulations de l'article 2.1.2. de l'accord du 23 septembre 2008 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Maurice relatif au séjour et à la migration circulaire de professionnels prévoient une autorisation provisoire de séjour pour les ressortissants mauriciens qui, ayant achevé avec succès des études supérieures dans certaines conditions, souhaitent compléter leur formation par une expérience professionnelle en France dans la perspective de leur retour à Maurice. La convention prévoit, en outre, qu'à l'issue de la période de six mois mentionnée au premier alinéa, si l'intéressé est pourvu d'un emploi ou est titulaire d'une promesse d'embauche satisfaisant aux conditions énoncées ci-dessus, il est autorisé à prolonger son séjour en France pour l'exercice de son activité professionnelle, sans que soit prise en considération la situation de l'emploi.... ,,Au terme de la validité de cette autorisation provisoire de séjour, son titulaire ne peut toutefois poursuivre l'exercice d'une activité salariée que sous le couvert du titre de séjour mentionné au 1° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA). L'octroi de ce titre de séjour demeure subordonné à la délivrance, sur demande de l'employeur, d'une autorisation de travail par l'autorité administrative bien que cette dernière ne puisse, dans une telle circonstance, fonder sa décision sur la situation de l'emploi dans la profession et la zone géographique concernées.,,,N.B. : l'article L. 311-11 du CESEDA comporte un dispositif proche de celui des stipulations de l'article 2.1.2. de l'accord du 23 septembre 2008.


Publications
Proposition de citation : CE, 08 oct. 2014, n° 375254
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Stéphane Bouchard
Rapporteur public ?: M. Bertrand Dacosta

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:375254.20141008
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