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20/10/2014 | FRANCE | N°365447

France | France, Conseil d'État, 3ème / 8ème ssr, 20 octobre 2014, 365447


Vu la requête, enregistrée le 23 janvier 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour l'association " Œuvre d'assistance aux bêtes d'abattoirs ", dont le siège est 10, place Léon Blum, à Paris (75011), représentée par son président ; l'association demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet de sa demande tendant à ce qu'il soit mis fin à la publicité et à la commercialisation des steaks hachés de la marque " Tendre France " certifiés " halal " et comportant la mention " agriculture biologiqu

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2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet d...

Vu la requête, enregistrée le 23 janvier 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour l'association " Œuvre d'assistance aux bêtes d'abattoirs ", dont le siège est 10, place Léon Blum, à Paris (75011), représentée par son président ; l'association demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet de sa demande tendant à ce qu'il soit mis fin à la publicité et à la commercialisation des steaks hachés de la marque " Tendre France " certifiés " halal " et comportant la mention " agriculture biologique " ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet de sa demande tendant à ce que le pouvoir réglementaire interdise l'attribution de la certification " agriculture biologique " à des produits de viande bovine issue d'animaux abattus sans étourdissement ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'agriculture ou à l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO), en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de mettre fin à la publicité et à la commercialisation des steaks hachés de la marque " Tendre France " certifiés " halal " et portant la mention " agriculture biologique " ;

4°) d'enjoindre à l'INAO ou au ministre de l'agriculture d'adopter un règlement portant incompatibilité entre la mention " agriculture biologique " et la viande bovine issue d'animaux abattus sans étourdissement ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat et de l'INAO la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 3 octobre 2014, présentée par le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt ;

Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu le règlement (CE) n° 834/2007 du Conseil du 28 juin 2007 ;

Vu le règlement (CE) n° 889/2008 de la Commission du 5 septembre 2008 ;

Vu le code rural et de la pêche maritime ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Guillaume Odinet, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de l'association " Œuvre d'assistance aux bêtes d'abattoirs " et à la SCP Didier, Pinet, avocat de l'Institut national de l'origine et de la qualité ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation du refus du pouvoir réglementaire d'interdire l'usage de la mention " agriculture biologique " par les produits de viande bovine issue d'animaux abattus sans étourdissement :

1. Considérant que le règlement (CE) n° 834/2007 du Conseil du 28 juin 2007 relatif à la production biologique et à l'étiquetage des produits biologiques et abrogeant le règlement (CEE) n° 2092/91 fixe les règles concernant tous les stades de la production, de la préparation et de la distribution des produits biologiques et les contrôles y afférents, ainsi que les règles relatives à l'utilisation, dans l'étiquetage et dans la publicité, d'indications se référant à la production biologique ; que l'article 11 de ce règlement énonce les règles générales applicables à la production agricole biologique ; que son article 14 fixe les règles applicables à la production animale ; qu'en vertu de son article 38, la Commission est chargée d'édicter les mesures d'application du règlement, notamment les modalités relatives aux règles de production ; qu'aux termes du deuxième alinéa de son article 42 : " (...) Lorsque des modalités de production ne sont pas prévues pour certaines espèces animales, (...) les règles en matière d'étiquetage (...) ainsi que les règles en matière de contrôle s'appliquent. Jusqu'à l'adoption de modalités de production, les règles nationales ou, à défaut, les normes privées approuvées ou reconnues par les Etats membres s'appliquent " ;

2. Considérant que, par le règlement (CE) n° 889/2008 du 5 septembre 2008 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 834/2007 du Conseil, la Commission a notamment fixé les règles de production détaillées applicables aux bovins ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 641-13 du code rural et de la pêche maritime : " Peuvent bénéficier de la mention "agriculture biologique" les produits agricoles, transformés ou non, qui satisfont aux exigences de la réglementation communautaire relative à la production biologique et à l'étiquetage des produits biologiques ou, le cas échéant, aux conditions définies par les cahiers des charges homologués par arrêté du ou des ministres intéressés sur proposition de l'Institut national de l'origine et de la qualité " ;

4. Considérant que la réglementation de l'Union européenne a défini de manière exhaustive, sans renvoyer à l'adoption de textes d'application par les Etats membres et sans que de tels textes soient rendus nécessaires pour sa pleine efficacité, les règles relatives à la production agricole biologique de bovins ; que, dès lors, le pouvoir réglementaire n'était pas compétent pour édicter des dispositions nationales la réitérant, la précisant ou la complétant ; que les conclusions de l'association requérante tendant à l'annulation du refus du pouvoir réglementaire d'interdire l'usage de la mention " agriculture biologique " pour les produits de viande bovine issue d'animaux abattus sans étourdissement préalable ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ; qu'il en va de même, par voie de conséquence, de ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'autorité compétente d'adopter un tel règlement ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation du refus de l'autorité compétente de mettre fin à la publicité et à la commercialisation des steaks hachés de la marque " Tendre France " certifiés " halal " et portant la mention " agriculture biologique " :

5. Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles 2 et 27 du règlement (CE) n° 834/2007 du Conseil du 28 juin 2007, il appartient aux Etats membres de désigner une autorité centrale compétente pour l'organisation des contrôles, laquelle peut déléguer des tâches de contrôle à un ou plusieurs organismes de contrôles privés procédant aux inspections et à la certification ; qu'aux termes du premier alinéa du 1 de l'article 30 de ce règlement, intitulé " Mesures à prendre en cas d'infractions et d'irrégularités " : " Lorsqu'une irrégularité est constatée en ce qui concerne le respect des exigences fixées dans le présent règlement, l'autorité ou l'organisme de contrôle veille à ce qu'aucune référence au mode de production biologique ne figure sur l'étiquetage et dans la publicité relatifs à l'ensemble du lot ou de la production concerné par cette irrégularité, pour autant que cette mesure soit proportionnée à l'exigence ayant fait l'objet de l'infraction ainsi qu'à la nature et aux circonstances particulières des activités concernées " ;

6. Considérant que l'article L. 642-27 du code rural et de la pêche maritime prévoit que les opérations de contrôle du respect des règles applicables aux signes d'identification de la qualité et de l'origine, au nombre desquels figure la mention " agriculture biologique ", sont effectuées par des organismes tiers agréés, pour le compte ou sous l'autorité de l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO) ; qu'en vertu de l'article L. 642-28 du même code, les organismes certificateurs ont notamment pour mission d'assurer la certification des produits bénéficiant du signe " agriculture biologique " ; que l'article L. 642-30 du code prévoit que l'organisme certificateur décide l'octroi, le maintien et l'extension de la certification, prend les mesures sanctionnant les manquements au cahier des charges et peut prononcer la suspension ou le retrait de la certification ;

7. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que les organismes certificateurs assurent, sous le contrôle de l'INAO, une mission d'intérêt général pour laquelle ils sont investis de prérogatives de puissance publique ; qu'ils sont ainsi chargés d'une mission de service public, qui présente un caractère administratif ; que les décisions qu'ils prennent dans l'exercice des prérogatives de puissance publique dont ils sont dotés ont le caractère d'actes administratifs susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ;

8. Considérant que l'association requérante doit être regardée comme demandant l'annulation du refus de l'organisme certificateur, auquel le ministre et l'INAO devaient transmettre ses demandes en vertu de l'article 20 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, de prendre les mesures prévues par l'article 30 du règlement (CE) n° 834/2007 ; que les décisions prises par les organismes certificateurs sur la base de ces dispositions sont au nombre de celles relevant de l'exercice de leurs prérogatives de puissance publique et constituent, par suite, des décisions administratives ; que les conclusions présentées par l'association requérante ne sont toutefois pas au nombre de celles que le Conseil d'Etat est compétent pour connaître en premier et dernier ressort en vertu de l'article R. 311-1 du code de justice administrative ; qu'elles ne présentent pas non plus, contrairement à ce que soutient l'association requérante, un lien de connexité, au sens de l'article R. 341-1 du même code, avec ses conclusions tendant à l'annulation du refus du pouvoir réglementaire d'interdire l'usage de la mention " agriculture biologique " par les produits de viande bovine issue d'animaux abattus sans étourdissement préalable ; que l'article R. 312-10 du code de justice administrative prévoit que les litiges régissant les activités professionnelles " relèvent de la compétence du tribunal administratif dans le ressort duquel se trouve soit l'établissement ou l'exploitation dont l'activité est à l'origine du litige, soit le lieu d'exercice de la profession " ; qu'eu égard aux règles de compétences ainsi fixées, il y a lieu d'attribuer le jugement du surplus de la requête au tribunal administratif de Montreuil, dans le ressort duquel est situé le siège de la société Bionoor, qui produit les steaks hachés de la marque " Tendre France " ;

D E C I D E :

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Article 1er : Les conclusions de la requête de l'association " Œuvre d'assistance aux bêtes d'abattoirs " tendant à l'annulation du refus du pouvoir réglementaire d'interdire l'usage de la mention " agriculture biologique " par les produits de viande bovine issue d'animaux abattus sans étourdissement et les conclusions de la requête tendant à ce qu'il soit enjoint au pouvoir réglementaire d'interdire l'usage de la mention " agriculture biologique " par les produits de viande bovine issue d'animaux abattus sans étourdissement sont rejetées.

Article 2 : Le jugement du surplus de la requête de l'association " Œuvre d'assistance aux bêtes d'abattoirs " est attribué au tribunal administratif de Montreuil.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association " Œuvre d'assistance aux bêtes d'abattoirs ", à l'Institut national de l'origine et de la qualité et au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.


Synthèse
Formation : 3ème / 8ème ssr
Numéro d'arrêt : 365447
Date de la décision : 20/10/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

AGRICULTURE ET FORÊTS - PRODUITS AGRICOLES - CERTIFICATION AGRICULTURE BIOLOGIQUE - ORGANISMES CERTIFICATEURS - PERSONNES MORALES CHARGÉES D'UNE MISSION DE SERVICE PUBLIC - ACTES PRIS DANS L'EXERCICE DE LEURS PRÉROGATIVES DE PUISSANCE PUBLIQUE - ACTES ADMINISTRATIFS.

03-05-11 Les organismes certificateurs, qui octroient la certification des produits bénéficiant du signe agriculture biologique , assurent, sous le contrôle de l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO), une mission d'intérêt général pour laquelle ils sont investis de prérogatives de puissance publique. Ils sont ainsi chargés d'une mission de service public, qui présente un caractère administratif. Les décisions qu'ils prennent dans l'exercice des prérogatives de puissance publique dont ils sont dotés ont le caractère d'actes administratifs susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.

COMPÉTENCE - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPÉTENCE DÉTERMINÉE PAR UN CRITÈRE JURISPRUDENTIEL - ACTES - ACTES ADMINISTRATIFS - ACTES DES ORGANISMES CERTIFICATEURS ATTRIBUANT LA CERTIFICATION AGRICULTURE BIOLOGIQUE - PERSONNES MORALES CHARGÉES D'UNE MISSION DE SERVICE PUBLIC - ACTES PRIS DANS L'EXERCICE DE LEURS PRÉROGATIVES DE PUISSANCE PUBLIQUE - ACTES ADMINISTRATIFS.

17-03-02-005-01 Les organismes certificateurs, qui octroient la certification des produits bénéficiant du signe agriculture biologique , assurent, sous le contrôle de l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO), une mission d'intérêt général pour laquelle ils sont investis de prérogatives de puissance publique. Ils sont ainsi chargés d'une mission de service public, qui présente un caractère administratif. Les décisions qu'ils prennent dans l'exercice des prérogatives de puissance publique dont ils sont dotés ont le caractère d'actes administratifs susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.

COMPÉTENCE - COMPÉTENCE À L'INTÉRIEUR DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE - COMPÉTENCE EN PREMIER RESSORT DES TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS - COMPÉTENCE TERRITORIALE - ACTES DES ORGANISMES CERTIFICATEURS ATTRIBUANT LA CERTIFICATION AGRICULTURE BIOLOGIQUE DANS L'EXERCICE DE LEURS PRÉROGATIVES DE PUISSANCE PUBLIQUE - COMPÉTENCE EN PREMIER RESSORT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF - APPLICATION DE L'ARTICLE R - 312-10 DU CJA.

17-05-01-02 Demande d'annulation pour excès de pouvoir du refus d'un organisme certificateur de prendre les mesures appropriées en cas de méconnaissance du règlement (CE) n° 834/2007 du Conseil du 28 juin 2007 relatif à la production biologique et à l'étiquetage des produits biologiques. Les tribunaux administratifs sont compétents pour connaître en premier ressort de ces conclusions. Leur compétence territoriale est régie par l'article R. 312-10 du code de justice administrative (CJA), en vertu duquel est compétent le tribunal administratif dans le ressort duquel se trouve l'établissement ou l'exploitation dont l'activité est à l'origine du litige.


Publications
Proposition de citation : CE, 20 oct. 2014, n° 365447
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Guillaume Odinet
Rapporteur public ?: M. Vincent Daumas
Avocat(s) : SCP MONOD, COLIN, STOCLET ; SCP DIDIER, PINET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:365447.20141020
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