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20/10/2014 | FRANCE | N°367234

France | France, Conseil d'État, 3ème / 8ème ssr, 20 octobre 2014, 367234


Vu le pourvoi, enregistré le 27 mars 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre délégué, chargé du budget ; le ministre délégué, chargé du budget demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 12LY00100 du 29 janvier 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, faisant droit à la requête de la SCI Saint-Etienne et de ses associés, M. et Mme B...A..., a, premièrement, annulé le jugement n° 0605508 du 23 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande de décharge partielle du p

rélèvement libératoire auquel la SCI a été assujettie au titre de l'année 20...

Vu le pourvoi, enregistré le 27 mars 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre délégué, chargé du budget ; le ministre délégué, chargé du budget demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 12LY00100 du 29 janvier 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, faisant droit à la requête de la SCI Saint-Etienne et de ses associés, M. et Mme B...A..., a, premièrement, annulé le jugement n° 0605508 du 23 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande de décharge partielle du prélèvement libératoire auquel la SCI a été assujettie au titre de l'année 2006 à raison de la plus-value de cession d'un immeuble, deuxièmement, ramené de 33,1/3% à 16 % le taux du prélèvement libératoire sur la plus-value ainsi réalisée et, troisièmement, déchargé la SCI du prélèvement libératoire auquel elle a été assujettie à concurrence de la somme correspondant à cette réduction du taux ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la SCI Saint-Etienne et de M. et Mme A... ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu la convention du 9 septembre 1966 entre la France et la Suisse en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ;

Vu le code général des impôts ;

Vu la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christophe Pourreau, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Le Prado, avocat de la SCI Saint-Etienne et de M. et Mme A...;

1. Considérant qu'en vertu de l'article 56 du traité instituant la Communauté européenne alors en vigueur, devenu l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, les restrictions aux mouvements de capitaux entre les Etats membres et les pays tiers sont interdites ; que, toutefois, aux termes de l'article 57 du même traité, devenu l'article 64 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " L'article 56 ne porte pas atteinte à l'application, aux pays tiers, des restrictions existant le 31 décembre 1993 en vertu du droit national (...) en ce qui concerne les mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers lorsqu'ils impliquent des investissements directs, y compris les investissements immobiliers (...) ", et, aux termes de l'article 58 du même traité, devenu l'article 65 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " L'article 56 ne porte pas atteinte au droit qu'ont les Etats membres : / a) d'appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis ; / b) de prendre toutes les mesures indispensables pour faire échec aux infractions à leurs lois et règlements, notamment en matière fiscale ", sous réserve que ces dispositions et mesures ne constituent " ni un moyen de discrimination arbitraire, ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux " ;

2. Considérant qu'aux termes du 1 du I de l'article 244 bis A du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur lors de l'année d'imposition en litige : " (...) les sociétés (...) qui relèvent des articles 8 à 8 ter dont le siège social est situé en France (...), au prorata (...) des parts détenu[e]s par des associés (...) qui ne sont pas domiciliés en France (...), sont soumis[es] à un prélèvement d'un tiers sur les plus-values résultant de la cession d'immeubles (...). / Par dérogation au premier alinéa, (...) les associés personnes physiques de sociétés (...) dont les bénéfices sont imposés au nom des associés (...), résidents d'un Etat membre de la Communauté européenne, ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale qui contient une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale, sont soumis à un prélèvement de 16% " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'une société civile immobilière, qui relève de l'article 8 du code général des impôts, est soumise, sur les plus-values de cession d'immeubles situés en France, à un prélèvement libératoire de l'impôt sur le revenu dû par ses associés, au taux de 16 % pour la part des droits détenus par des associés résidents de France, d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un Etat partie à l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale comportant une clause d'assistance administrative et au taux d'un tiers pour la part des droits détenus par des associés résidents d'un pays tiers autre qu'un Etat partie à l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une telle convention fiscale ; qu'en réduisant le taux de rentabilité d'un investissement immobilier en France, ces dispositions sont de nature à dissuader les investisseurs résidents de certains pays tiers d'investir en France et, par suite, constituent une restriction aux mouvements de capitaux en provenance ou à destination de ces pays, en principe interdite par l'article 56 du traité instituant la Communauté européenne ;

4. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des stipulations précitées de l'article 57 du traité instituant la Communauté européenne, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, notamment dans ses arrêts des 18 décembre 2007 et 5 mai 2011, rendus dans les affaires C-101/05, Skatteverket et C-348/09, Prunus, que des Etats membres peuvent appliquer des dispositions de droit national restreignant les mouvements de capitaux en provenance ou à destination de pays tiers si ces dispositions ou des dispositions identiques dans leur substance aux dispositions en cause ou qui n'en diffèrent qu'en tant qu'elles comportaient des obstacles supplémentaires à la libre circulation des capitaux existent de façon ininterrompue depuis le 31 décembre 1993 et si elles se rapportent à des investissements directs ;

5. Considérant qu'avant le 31 décembre 2004, les plus-values de cession d'un bien immobilier situé en France réalisées par des sociétés civiles immobilières étaient soumises à un prélèvement de 16 %, quel que soit le pays de résidence de leurs associés, tandis que les plus-values afférentes à la cession d'un même bien réalisées par des personnes physiques résidentes d'un pays tiers à l'Union européenne étaient soumises à un prélèvement d'un tiers ; que c'est pour remédier à la différence de traitement entre contribuables non résidents, selon qu'ils détenaient un bien immobilier en France directement ou par l'intermédiaire d'une société civile immobilière, que, par l'article 50 de la loi du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004, le législateur a notamment étendu le champ d'application du prélèvement d'un tiers aux plus-values de cession d'un bien immobilier situé en France réalisées par des sociétés civiles immobilières, au prorata des droits détenus par des associés qui ne sont pas résidents de France, d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un Etat partie à l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale comportant une clause d'assistance administrative ; qu'ainsi, la différence de traitement exposée au point 3 n'a pas existé en droit national de façon ininterrompue depuis le 31 décembre 1993 ; que, par suite, en jugeant qu'en l'espèce, les conditions d'application de l'article 57 du traité instituant la Communauté européenne n'étaient pas réunies, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit ;

6. Considérant, en second lieu, qu'il résulte des stipulations précitées de l'article 58 du traité instituant la Communauté européenne que des dispositions fiscales restreignant les mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers peuvent être jugées compatibles avec les stipulations du traité instituant la Communauté européenne relatives à la libre circulation des capitaux si la différence de traitement qu'elles instaurent soit concerne des contribuables qui se trouvent dans des situations objectivement différentes, soit répond à une raison impérieuse d'intérêt général et n'excède pas ce qui est nécessaire pour que l'objectif poursuivi par ces dispositions soit atteint ; qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, et notamment des arrêts des 14 décembre 2006 et 10 mai 2012 rendus dans les affaires C-170/05, Denkavit et C-338/11, Santander Asset Management, que, pour déterminer si des contribuables se trouvent dans des situations différentes en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis, leurs situations doivent être comparées en tenant compte du critère de distinction pertinent de la disposition fiscale en cause ;

7. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 3, l'article 244 bis A du code général des impôts fait dépendre le taux du prélèvement libératoire sur les plus-values de cession d'immeubles détenus par des sociétés civiles immobilières du lieu de résidence de leurs associés ; que, dès lors, pour déterminer si ces dispositions sont compatibles avec les stipulations du traité instituant la Communauté européenne relatives à la libre circulation des capitaux, le critère de distinction pertinent est le lieu de résidence des associés ; qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour juger que les dispositions précitées de l'article 244 bis A du code général des impôts n'entrent pas dans le champ du a de l'article 58 du traité instituant la Communauté européenne, la cour administrative d'appel a comparé la situation d'une société civile immobilière dont les associés sont résidents de France, d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un Etat partie à l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale comportant une clause d'assistance administrative et celle d'une société civile immobilière dont les associés sont résidents d'un pays tiers autre qu'un Etat partie à l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une telle convention, tel que la Suisse ; qu'elle a ainsi tenu compte dans son analyse du critère de distinction pertinent que constitue le lieu de résidence des associés ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la cour administrative d'appel aurait commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de ce critère dans son analyse de la compatibilité des dispositions de l'article 244 bis A du code général des impôts avec le a de l'article 58 du traité instituant la Communauté européenne doit être écarté ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre délégué, chargé du budget n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme globale de 3 000 euros, à verser à la SCI Saint-Etienne et à M. et Mme A..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi du ministre délégué, chargé du budget est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à la SCI Saint-Etienne et à M. et Mme A... une somme globale de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société civile immobilière Saint-Etienne, à M. et Mme B... A...et au ministre des finances et des comptes publics.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES ET UNION EUROPÉENNE - RÈGLES APPLICABLES - LIBERTÉS DE CIRCULATION - LIBRE CIRCULATION DES CAPITAUX - LIBERTÉ DE CIRCULATION DES CAPITAUX ENTRE LES ETATS MEMBRES ET ENTRE LES ETATS MEMBRES ET LES PAYS TIERS - PRÉLÈVEMENT SUR LES PLUS-VALUES DE CESSIONS D'IMMEUBLES RÉALISÉES PAR LES SOCIÉTÉS RELEVANT DES ARTICLES 8 À 8 TER DU CGI - 1) APPLICATION D'UN TAUX PLUS ÉLEVÉ AUX PLUS-VALUES CORRESPONDANT À DES DROITS D'ASSOCIÉS RÉSIDANT DANS CERTAINS PAYS TIERS - RESTRICTION AUX MOUVEMENTS DE CAPITAUX - 2) CLAUSE DE GEL (ARTICLE 57 § 1 DU TCE) - INAPPLICABILITÉ - 3) CLAUSE DE SAUVEGARDE DU A DE L'ARTICLE 58 DU TCE - COMPARAISON EN FONCTION DU LIEU DE RÉSIDENCE DES ASSOCIÉS.

15-05-01-03 1) Distinction, pour l'application d'un prélèvement libératoire de l'impôt sur le revenu dû au titre des plus-values de cessions d'immeubles réalisées par les sociétés relevant des articles 8 à 8 ter du code général des impôts (CGI), entre les droits détenus, d'une part, par des associés résidents de France, d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un Etat partie à l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale comportant une clause d'assistance administrative (taux de 16%) et, d'autre part, les associés résidents d'un pays tiers autre qu'un Etat partie à l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une telle convention fiscale (taux d'un tiers). En réduisant le taux de rentabilité d'un investissement immobilier en France, ces dispositions sont de nature à dissuader les investisseurs résidents de certains pays tiers d'investir en France et, par suite, constituent une restriction aux mouvements de capitaux en provenance ou à destination de ces pays, en principe interdite par l'article 56 du traité instituant la Communauté européenne (TCE).... ,,2) Clause de sauvegarde de l'article 57 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 64 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE, clause de gel au 31 décembre 1993). En l'espèce, avant le 31 décembre 2004, les plus-values de cession d'un bien immobilier situé en France réalisées par des sociétés civiles immobilières étaient soumises à un prélèvement de 16 %, quel que soit le pays de résidence de leurs associés, tandis que les plus-values afférentes à la cession d'un même bien réalisées par des personnes physiques résidentes d'un pays tiers à l'Union européenne étaient soumises à un prélèvement d'un tiers. C'est pour remédier à la différence de traitement entre contribuables non résidents, selon qu'ils détenaient un bien immobilier en France directement ou par l'intermédiaire d'une société civile immobilière, que, par l'article 50 de la loi du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004, le législateur a notamment étendu le champ d'application du prélèvement d'un tiers aux plus-values de cession d'un bien immobilier situé en France réalisées par des sociétés civiles immobilières, au prorata des droits détenus par des associés qui ne sont pas résidents de France, d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un Etat partie à l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale comportant une clause d'assistance administrative. La différence de traitement n'a donc pas existé en droit national de façon ininterrompue depuis le 31 décembre 1993 et la clause de gel ne peut s'appliquer.... ,,3) Application de la clause de sauvegarde du a de l'article 58 du TCE (art. 65 TFUE, situations différentes ou raison impérieuse d'intérêt général). Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, et notamment des arrêts des 14 décembre 2006 et 10 mai 2012 rendus dans les affaires C-170/05, Denkavit et C-338/11, Santander Asset Management, que, pour déterminer si des contribuables se trouvent dans des situations différentes en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis, leurs situations doivent être comparées en tenant compte du critère de distinction pertinent de la disposition fiscale en cause. En l'espèce, les dispositions critiquées font dépendre le taux du prélèvement libératoire sur les plus-values de cession d'immeubles détenus par des sociétés civiles immobilières du lieu de résidence de leurs associés. Par suite, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en comparant, pour juger que ce dispositif fiscal n'entre pas dans le champ du a de l'article 58, des sociétés civiles immobilières en fonction du lieu de résidence de leurs associés.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES - PLUS-VALUES DES PARTICULIERS - PLUS-VALUES IMMOBILIÈRES - PRÉLÈVEMENT SUR LES PLUS-VALUES DE CESSIONS D'IMMEUBLES RÉALISÉES PAR LES SOCIÉTÉS RELEVANT DES ARTICLES 8 À 8 TER DU CGI - LIBERTÉ DE CIRCULATION DES CAPITAUX ENTRE LES ETATS MEMBRES ET ENTRE LES ETATS MEMBRES ET LES PAYS TIERS - 1) APPLICATION D'UN TAUX PLUS ÉLEVÉ AUX PLUS-VALUES CORRESPONDANT À DES DROITS D'ASSOCIÉS RÉSIDANT DANS UN PAYS TIERS - RESTRICTION AUX MOUVEMENTS DE CAPITAUX - 2) CLAUSE DE GEL (ARTICLE 57 § 1 DU TCE) - INAPPLICABILITÉ - 3) CLAUSE DE SAUVEGARDE DU A DE L'ARTICLE 58 DU TCE - COMPARAISON EN FONCTION DU LIEU DE RÉSIDENCE DES ASSOCIÉS.

19-04-02-08-02 1) Distinction, pour l'application d'un prélèvement libératoire de l'impôt sur le revenu dû au titre des plus-values de cessions d'immeubles réalisées par les sociétés relevant des articles 8 à 8 ter du code général des impôts (CGI), entre les droits détenus, d'une part, par des associés résidents de France, d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un Etat partie à l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale comportant une clause d'assistance administrative (taux de 16%) et, d'autre part, les associés résidents d'un pays tiers autre qu'un Etat partie à l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une telle convention fiscale (taux d'un tiers). En réduisant le taux de rentabilité d'un investissement immobilier en France, ces dispositions sont de nature à dissuader les investisseurs résidents de certains pays tiers d'investir en France et, par suite, constituent une restriction aux mouvements de capitaux en provenance ou à destination de ces pays, en principe interdite par l'article 56 du traité instituant la Communauté européenne (TCE).... ,,2) Clause de sauvegarde de l'article 57 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 64 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE, clause de gel au 31 décembre 1993). En l'espèce, avant le 31 décembre 2004, les plus-values de cession d'un bien immobilier situé en France réalisées par des sociétés civiles immobilières étaient soumises à un prélèvement de 16 %, quel que soit le pays de résidence de leurs associés, tandis que les plus-values afférentes à la cession d'un même bien réalisées par des personnes physiques résidentes d'un pays tiers à l'Union européenne étaient soumises à un prélèvement d'un tiers. C'est pour remédier à la différence de traitement entre contribuables non résidents, selon qu'ils détenaient un bien immobilier en France directement ou par l'intermédiaire d'une société civile immobilière, que, par l'article 50 de la loi du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004, le législateur a notamment étendu le champ d'application du prélèvement d'un tiers aux plus-values de cession d'un bien immobilier situé en France réalisées par des sociétés civiles immobilières, au prorata des droits détenus par des associés qui ne sont pas résidents de France, d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un Etat partie à l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale comportant une clause d'assistance administrative. La différence de traitement n'a donc pas existé en droit national de façon ininterrompue depuis le 31 décembre 1993 et la clause de gel ne peut s'appliquer.... ,,3) Application de la clause de sauvegarde du a de l'article 58 du TCE (art. 65 TFUE, situations différentes ou raison impérieuse d'intérêt général). Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, et notamment des arrêts des 14 décembre 2006 et 10 mai 2012 rendus dans les affaires C-170/05, Denkavit et C-338/11, Santander Asset Management, que, pour déterminer si des contribuables se trouvent dans des situations différentes en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis, leurs situations doivent être comparées en tenant compte du critère de distinction pertinent de la disposition fiscale en cause. En l'espèce, les dispositions critiquées font dépendre le taux du prélèvement libératoire sur les plus-values de cession d'immeubles détenus par des sociétés civiles immobilières du lieu de résidence de leurs associés. Par suite, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en comparant, pour juger que ce dispositif fiscal n'entre pas dans le champ du a de l'article 58, des sociétés civiles immobilières en fonction du lieu de résidence de leurs associés.


Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 20 oct. 2014, n° 367234
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Christophe Pourreau
Rapporteur public ?: M. Vincent Daumas
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Formation : 3ème / 8ème ssr
Date de la décision : 20/10/2014
Date de l'import : 23/03/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 367234
Numéro NOR : CETATEXT000029614374 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2014-10-20;367234 ?
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