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20/10/2014 | FRANCE | N°367433

France | France, Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 20 octobre 2014, 367433


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le 23 juillet 2010, la société SCPR a demandé au tribunal administratif de Poitiers de la décharger des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 avril 2009, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1001910 du 9 février 2012, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande de la société.

Par un arrêt n° 12BX00360 du 12 mars 2013, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel

formé par la société contre le jugement du tribunal administratif.

Procédure devant l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le 23 juillet 2010, la société SCPR a demandé au tribunal administratif de Poitiers de la décharger des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 avril 2009, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1001910 du 9 février 2012, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande de la société.

Par un arrêt n° 12BX00360 du 12 mars 2013, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par la société contre le jugement du tribunal administratif.

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 5 avril et 8 juillet 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société SCPR demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 12 mars 2013 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'arrêt rendu le 27 mars 2014 par la Cour de justice de l'Union européenne dans l'affaire C-151/13 ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christophe Pourreau, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de la société SCPR ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société SCPR exploite un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes dans lequel sont rendues des prestations d'hébergement et de restauration, des prestations liées à la dépendance et des prestations de soins ; qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2006 au 30 avril 2009, l'administration a, d'une part, remis en cause l'application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée à la fourniture de protections absorbantes et aux prestations de blanchisserie des effets personnels des résidents de l'établissement et, d'autre part, réduit la fraction déductible de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé le prix de certains biens et services utilisés par l'établissement ; que la société SCPR se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 12 mars 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 9 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée résultant de ces chefs de redressement ainsi que des pénalités correspondantes ;

Sur la taxe sur la valeur ajoutée collectée :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 279 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 5,5 % en ce qui concerne : / a. Les prestations relatives : / (...) A la fourniture de logement et de nourriture dans les maisons de retraite et les établissements accueillant des personnes handicapées. Ce taux s'applique également aux prestations exclusivement liées, d'une part, à l'état de dépendance des personnes âgées et, d'autre part, aux besoins d'aide des personnes handicapées, hébergées dans ces établissements et qui sont dans l'incapacité d'accomplir les gestes essentiels de la vie quotidienne " ; qu'il résulte de ces dispositions que des prestations, autres que la fourniture de logement et de nourriture, à des résidents d'un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes ne sont éligibles au taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée que si ces prestations sont effectivement rendues à des personnes dépendantes, c'est-à-dire des personnes qui sont dans l'incapacité d'accomplir certains gestes essentiels de la vie quotidienne, et sont exclusivement liées à l'état de dépendance de ces personnes ;

3. Considérant qu'en vertu des dispositions des articles L. 232-2 et R. 232-3 du code de l'action sociale et des familles, le degré de perte d'autonomie des personnes âgées, notamment des résidents d'un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, dans l'accomplissement des actes de la vie quotidienne est évalué par référence à une grille nationale - la grille AGGIR (Autonomie, Gérontologie, Groupe Iso-Ressources) - qui définit six niveaux de dépendance allant des situations les plus lourdes (GIR 1) aux situations les moins lourdes (GIR 5) ; que le GIR 6 est composé de personnes qui sont indépendantes pour l'accomplissement des actes discriminants de la vie courante ; que, par suite, en jugeant que les prestations de blanchisserie des effets personnels et les prestations d'aide à l'hygiène corporelle, incluant la fourniture de protections absorbantes, à des personnes âgées relevant du GIR 6 sont imposables au taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit ;

4. Considérant que, lorsqu'un redevable rend des prestations passibles de la taxe sur la valeur ajoutée selon des taux différents, mais tient une comptabilité qui ne permet pas de distinguer entre ces différentes catégories de prestations, il est passible de la taxe au taux le plus élevé sur la totalité des prestations ; que la cour administrative d'appel a relevé que, pendant la période vérifiée, la société SCPR n'a procédé à aucune ventilation en comptabilité entre les prestations de blanchisserie des effets personnels et d'aide à l'hygiène corporelle selon qu'elles étaient imposables au taux normal ou au taux réduit ; qu'en déduisant de ces constatations que c'est à bon droit que l'administration a imposé l'ensemble de ces prestations au taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit ;

Sur la taxe sur la valeur ajoutée déductible :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 261 du code général des impôts : " Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée (...) / 4. / (...) 1° ter les soins dispensés par les établissements privés d'hébergement pour personnes âgées mentionnés au 6° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, pris en charge par un forfait annuel global de soins en application de l'article L. 174-7 du code de la sécurité sociale " ; qu'aux termes du 1 du I de l'article 271 du même code : " La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. (...) " ; qu'aux termes de l'article 273 du même code : " 1. Des décrets en Conseil d'Etat déterminent les conditions d'application de l'article 271. / Ils fixent notamment : / (...) - les modalités suivant lesquelles la déduction de la taxe ayant grevé les biens ou services qui ne sont pas utilisés exclusivement pour la réalisation d'opérations imposables doit être limitée ou réduite. (...) " ; qu'aux termes de l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur jusqu'au 1er janvier 2008 : " 1. Les redevables qui, dans le cadre de leurs activités situées dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée, ne réalisent pas exclusivement des opérations ouvrant droit à déduction sont autorisés à déduire une fraction de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les biens constituant des immobilisations utilisées pour effectuer ces activités. / Cette fraction est égale au montant de la taxe déductible (...) multiplié par le rapport existant entre : / a) Au numérateur, le montant total annuel du chiffre d'affaires (...) afférent aux opérations ouvrant droit à déduction y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations ; / b) Au dénominateur, le montant total annuel du chiffre d'affaires (...) afférent aux opérations figurant au numérateur ainsi qu'aux opérations qui n'ouvrent pas droit à déduction, et de l'ensemble des subventions, y compris celles qui ne sont pas directement liées au prix de ces opérations. (...) " ; qu'aux termes de l'article 213 de la même annexe, dans sa rédaction en vigueur jusqu'au 1er janvier 2008 : " Lorsqu'un assujetti a des secteurs d'activités qui ne sont pas soumis à des dispositions identiques au regard de la taxe sur la valeur ajoutée, ces secteurs font l'objet de comptes distincts pour l'application du droit à déduction. (...) " ; qu'aux termes de l'article 219 de la même annexe, dans sa rédaction en vigueur jusqu'au 1er janvier 2008 : " Les assujettis qui ne réalisent pas exclusivement des opérations ouvrant droit à déduction sont autorisés à déduire la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé ces mêmes biens et services dans les limites ci-après : / (...) c. Lorsque leur utilisation aboutit concurremment à la réalisation d'opérations dont les unes ouvrent droit à déduction et les autres n'ouvrent pas droit à déduction, une fraction de la taxe qui les a grevés est déductible. Cette fraction est déterminée dans les conditions prévues aux articles 212 à 214 " ; qu'aux termes de l'article 205 de la même annexe, dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er janvier 2008 : " La taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu'un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction " ; qu'aux termes de l'article 206 de la même annexe, dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er janvier 2008 : " I. - Le coefficient de déduction mentionné à l'article 205 est égal au produit des coefficients d'assujettissement, de taxation et d'admission. / (...) III. (...) / 3. Lorsque le bien ou le service est utilisé concurremment pour la réalisation d'opérations imposables ouvrant droit à déduction et d'opérations imposables n'ouvrant pas droit à déduction, le coefficient de taxation est calculé selon les modalités suivantes : / 1° Ce coefficient est égal au rapport entre : / a. Au numérateur, le montant total annuel du chiffre d'affaires afférent aux opérations ouvrant droit à déduction, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations ; / b. Et, au dénominateur, le montant total annuel du chiffre d'affaires afférent aux opérations imposables, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations. (...) " ; qu'enfin, aux termes de l'article 209 de la même annexe, dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er janvier 2008 : " I. - Les opérations situées hors du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée et les opérations imposables doivent être comptabilisées dans des comptes distincts pour l'application du droit à déduction. / Il en va de même pour les secteurs d'activité qui ne sont pas soumis à des dispositions identiques au regard de la taxe sur la valeur ajoutée. (...) " ;

6. Considérant, en premier lieu, que la cour administrative d'appel a énoncé qu'il résulte de l'instruction que les prestations d'hébergement et de restauration, les prestations liées à la dépendance et les prestations de soins rendues par l'établissement exploité par la société requérante consistent en des opérations effectuées de manière complémentaire par l'établissement et que des biens et services sont utilisés concurremment pour la réalisation de ces différentes opérations ; qu'en déduisant de ces énonciations, d'une part, que ces différentes prestations ne peuvent pas constituer des secteurs distincts pour les besoins de la taxe sur la valeur ajoutée et, d'autre part, que, dès lors qu'à la différence des autres prestations, les prestations de soins sont exonérées de la taxe en application du 1° ter du 4 de l'article 261 du code général des impôts, la société requérante n'est autorisée à déduire qu'une fraction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé le prix des biens et services utilisés concurremment pour ces différentes prestations, la cour administrative d'appel, qui a suffisamment motivé son arrêt sur ce point, n'a méconnu ni les articles 271 et 273 de ce code, ni l'article 219 de son annexe II, dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2008, ni l'article 205 de la même annexe, dans sa rédaction postérieure à cette date ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des dispositions citées au point 5 que, pour la détermination de la fraction de la taxe déductible ou du coefficient de déduction des redevables qui ne réalisent pas exclusivement des opérations ouvrant droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, doivent figurer au dénominateur les subventions directement liées au prix d'opérations exonérées de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'ont le caractère de subventions directement liées au prix les subventions qui constituent la contrepartie totale ou partielle d'une opération de livraison de biens ou de prestation de services et qui sont versées par un tiers au vendeur ou au prestataire ;

8. Considérant qu'en vertu de l'article L. 174-7 du code de la sécurité sociale, les dépenses afférentes aux soins médicaux dispensés dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes sont supportées par les régimes d'assurance maladie ou au titre de l'aide sociale, éventuellement suivant des formules forfaitaires ; qu'en vertu de l'article L. 313-12 du code de l'action sociale et des familles, un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes ayant conclu une convention avec le président du conseil général et l'autorité compétente de l'Etat perçoit une dotation globale ou un forfait annuel global de soins qui tient compte de la capacité de l'établissement, du degré de dépendance moyen de ses résidents ainsi que d'un tarif afférent aux soins recouvrant le coût des prestations médicales et paramédicales rendues aux résidents ; qu'ainsi que l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt rendu le 27 mars 2014 dans l'affaire C-151/13, SARL Le Rayon d'Or, le forfait annuel global de soins constitue la contrepartie des prestations de soins effectuées à titre onéreux par les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes au profit de leurs résidents ; qu'il a ainsi le caractère d'une subvention directement liée au prix des prestations de soins, exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée, rendues par un tel établissement ; que, par suite, en jugeant que ce forfait doit figurer au dénominateur pour le calcul du coefficient de taxation des biens et services utilisés concurremment pour des prestations d'hébergement et de restauration, des prestations liées à la dépendance et des prestations de soins, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit ;

9. Considérant, en troisième lieu, que le moyen tiré de ce que la cour administrative d'appel aurait omis de rechercher si le forfait annuel global de soins était imposable à la taxe sur la valeur ajoutée, alors que l'instruction 3 A-7-06 du 16 juin 2006 subordonne la prise en compte de subventions pour le calcul de la fraction de taxe déductible au respect de cette condition, manque en fait ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société SCPR n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ; que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par suite, être rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la société SCPR est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société SCPR et au ministre des finances et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 3ème et 8ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 367433
Date de la décision : 20/10/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 20 oct. 2014, n° 367433
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Christophe Pourreau
Rapporteur public ?: M. Vincent Daumas
Avocat(s) : SCP MONOD, COLIN, STOCLET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:367433.20141020
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