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22/10/2014 | FRANCE | N°364635

France | France, Conseil d'État, 5ème / 4ème ssr, 22 octobre 2014, 364635


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 décembre 2012 et 19 mars 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. A...B..., demeurant... ; M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 12BX00838 du 18 octobre 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté son appel contre le jugement n° 1002806 du 31 janvier 2012 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision 48SI du 15 décembre 2009 du ministre de l'intérieur invalidant s

on permis de conduire probatoire pour solde de points nul ;

2°) régla...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 décembre 2012 et 19 mars 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. A...B..., demeurant... ; M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 12BX00838 du 18 octobre 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté son appel contre le jugement n° 1002806 du 31 janvier 2012 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision 48SI du 15 décembre 2009 du ministre de l'intérieur invalidant son permis de conduire probatoire pour solde de points nul ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code de la route, modifié notamment par les lois n° 2003-495 du 12 juin 2003 et n° 2007-297 du 5 mars 2007 ;

Vu l'arrêté du 29 juin 1992 fixant les supports techniques de la communication par le ministère public au ministre de l'intérieur des informations prévues à l'article L. 30 (4°, 5°, 6° et 7°) du code de la route ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. B...;

1. Considérant que, par une décision du 15 décembre 2009, le ministre de l'intérieur a constaté la perte de validité du permis de conduire de M.B..., délivré le 12 avril 2007, en raison de la perte, consécutive à trois infractions au code de la route commises entre le 3 décembre 2008 et le 21 janvier 2009, des six points dont il était initialement doté ; que, par un jugement du 31 janvier 2012, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de l'intéressé tendant à l'annulation de cette décision ; que M. B...se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 18 octobre 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté son appel contre ce jugement ;

Sur la régularité de l'arrêt attaqué :

2. Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient M. B..., la cour n'a pas omis de répondre au moyen invoqué devant elle, tiré de ce qu'il appartenait à l'administration d'apporter la preuve de l'émission des titres exécutoires des amendes forfaitaires majorées consécutives aux infractions à l'origine des retraits de points opérés sur son permis de conduire ;

3. Considérant, en second lieu, qu'il résulte des dispositions de l'article L. 223-1 du code de la route que le nombre de points du permis de conduire est réduit de plein droit lorsque la réalité d'une infraction entraînant retrait de points est établie par le paiement de l'amende forfaitaire ou l'émission du titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée, l'exécution d'une composition pénale ou une condamnation pénale devenue définitive, et que le permis perd sa validité lorsque le nombre de points est nul ; qu'aucune disposition n'impartit un délai au ministre de l'intérieur, pour notifier à l'intéressé, dès lors que l'infraction est établie, le retrait de points qu'elle entraîne et, le cas échéant, la perte de validité de son permis ; que les dispositions de l'article 9 du code de procédure pénale, fixant à un an le délai de prescription de l'action publique en matière de contraventions, ne peuvent pas être invoquées utilement à l'appui d'un recours contre ces mesures administratives ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que les retraits de points et la décision litigieuse étaient intervenus alors que les infractions étaient prescrites était inopérant ; que, par suite, en s'abstenant d'y répondre, la cour n'a pas entaché son arrêt d'une irrégularité de nature à en justifier l'annulation ;

Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué :

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 223-1 du code de la route relatives à l'établissement de la réalité de l'infraction :

4. Considérant que l'article L. 225-1 du code de la route fixe la liste des informations qui, sous l'autorité et le contrôle du ministre de l'intérieur, sont enregistrées au sein du système national des permis de conduire ; que sont notamment mentionnées au 5° de cet article les procès-verbaux des infractions entraînant retrait de points et ayant donné lieu au paiement d'une amende forfaitaire en vertu de l'article 529 du code de procédure pénale ou à l'émission du titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée prévu à l'article 529-2 de ce code ; qu'en vertu de l'arrêté du 29 juin 1992 fixant les supports techniques de la communication par le ministère public au ministère de l'intérieur des informations prévues à l'article L. 30 (4°, 5°, 6° et 7°) du code de la route, les informations mentionnées au 6° de l'article L. 30, devenu le 5° de l'article L. 225-1 de ce code, sont communiquées par l'officier du ministère public par support ou liaison informatique ; qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que le mode d'enregistrement et de contrôle des informations relatives aux infractions au code de la route conduit à considérer que la réalité de l'infraction est établie dans les conditions prévues à l'article L. 223-1 de ce code dès lors qu'est inscrite, dans le système national des permis de conduire, la mention du paiement de l'amende forfaitaire ou de l'émission du titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée, sauf si l'intéressé justifie avoir présenté une requête en exonération dans les quarante-cinq jours de la constatation de l'infraction ou de l'envoi de l'avis de contravention ou formé, dans le délai prévu à l'article 530 du code de procédure pénale, une réclamation ayant entraîné l'annulation du titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée ;

5. Considérant que le ministre de l'intérieur a versé au dossier des juges du fond le relevé d'information intégral relatif à la situation de M. B..., extrait du système national du permis de conduire ; qu'eu égard aux mentions de ce document et en l'absence de tout élément avancé par l'intéressé de nature à mettre en doute leur exactitude, c'est par une exacte application des dispositions de l'article L. 223-1 que la cour a jugé que l'émission des titres exécutoires établissait la réalité des infractions commises les 3 décembre 2008 et 21 janvier 2009 ; que son arrêt n'est donc pas, sur ce point, entaché de l'erreur de droit qu'invoque le requérant ;

En ce qui concerne la méconnaissance des dispositions de l'article R. 223-4 du code de la route :

6. Considérant qu'aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 223-6 du code de la route : " Le titulaire du permis de conduire qui a commis une infraction ayant donné lieu à retrait de points peut obtenir une récupération de points s'il suit un stage de sensibilisation à la sécurité routière. Lorsque le titulaire du permis de conduire a commis une infraction ayant donné lieu à un retrait de points égal ou supérieur au quart du nombre maximal de points et qu'il se trouve dans la période du délai probatoire défini à l'article L. 223-1, il doit se soumettre à cette formation spécifique qui se substitue à l'amende sanctionnant l'infraction " ; que l'article R. 223-4 prévoit que : " I. - Lorsque le conducteur titulaire du permis de conduire a commis, pendant le délai probatoire défini à l'article L. 223-1, une infraction ayant donné lieu au retrait d'au moins trois points, la notification du retrait de points lui est adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Cette lettre l'informe de l'obligation de se soumettre à la formation spécifique mentionnée au troisième alinéa de l'article L. 223-6 dans un délai de quatre mois. / II. - Le fait de ne pas se soumettre à la formation spécifique mentionnée au I dans le délai de quatre mois est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la 4e classe (...) " ;

7. Considérant qu'en prévoyant que le titulaire d'un permis probatoire faisant l'objet d'un retrait de trois points ou plus est informé de l'obligation de suivre un stage de sensibilisation à la sécurité routière, le pouvoir réglementaire n'a pas entendu faire dépendre de cette information la légalité du retrait de points en cause ni celle de la décision constatant la perte de validité du permis, lorsque ce retrait se combine avec des retraits consécutifs à d'autres infractions ; que ce motif, qui n'appelle l'appréciation d'aucune circonstance de fait, doit être substitué à ceux par lesquels l'arrêt de la cour administrative d'appel, dont il justifie légalement, sur ce point, le dispositif, a écarté le moyen tiré par M. B...d'une violation des dispositions de l'article R. 223-4 du code de la route ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 223-1 du code de la route relatives aux points affectés à un permis de conduire probatoire :

8. Considérant que, dans sa rédaction issue de la loi du 12 juin 2003, le deuxième alinéa de l'article L. 223-1 du code de la route prévoyait que le permis de conduire, affecté, lors de sa délivrance, de la moitié du nombre maximal de points, était, en l'absence d'infraction ayant donné lieu à un retrait de points pendant un délai probatoire fixé, selon les cas, à trois ans ou deux ans, affecté, à l'issue de ce délai, du nombre maximal de points ; que, dans sa rédaction issue du IV de l'article 23 de la loi du 5 mars 2007, le même alinéa prévoit qu'au terme de chaque année du délai probatoire, en l'absence d'infraction ayant donné lieu à un retrait de points depuis le début de ce délai, le nombre de points est majoré du sixième du nombre maximal si le délai est de trois ans et du quart du nombre maximal si le délai est de deux ans ;

9. Considérant que le législateur, qui a fixé au 31 décembre 2007, par le V du même article 23, l'entrée en vigueur de cette nouvelle règle, ne lui a pas donné d'effet rétroactif et ne peut, dès lors, être regardé comme ayant entendu remettre en cause des situations juridiquement constituées avant cette date ; qu'il en résulte que la rédaction du deuxième alinéa de l'article L. 223-1 du code de la route issue de la loi du 5 mars 2007 n'est applicable qu'aux permis de conduire probatoires obtenus à compter du 31 décembre 2007 ; qu'ainsi, après avoir constaté que M. B... avait obtenu son permis de conduire le 12 avril 2007, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant qu'il ne pouvait se prévaloir des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 223-1 du code de la route issu de la loi du 5 mars 2007 pour soutenir que le nombre de points de ce permis avait été augmenté de deux le 12 avril 2008 et n'était, de ce fait, pas nul à la date de la décision litigieuse ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il résulte par ailleurs de ces dernières dispositions que, si une personne publique qui n'a pas eu recours au ministère d'avocat peut néanmoins demander au juge l'application de cet article au titre des frais spécifiques exposés par elle à l'occasion de l'instance, elle ne saurait se borner à faire état d'un surcroît de travail de ses services ; que les éléments avancés par le ministre de l'intérieur, qui énonce que ce type de recours représente une charge importante pour ses services, sans faire état précisément d'autres frais que l'Etat aurait exposés pour défendre à l'instance, ne sont pas de nature à justifier qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de M.B... ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. B...est rejeté.

Article 2 : Les conclusions présentées par le ministre de l'intérieur au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 5ème / 4ème ssr
Numéro d'arrêt : 364635
Date de la décision : 22/10/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-04-01-04-025 POLICE. POLICE GÉNÉRALE. CIRCULATION ET STATIONNEMENT. PERMIS DE CONDUIRE. - RETRAIT DE POINT OU INVALIDATION DU PERMIS POUR SOLDE DE POINTS NUL - 1) ABSENCE DE DÉLAI DE NOTIFICATION DÈS LORS QUE L'INFRACTION EST ÉTABLIE - 2) MANQUEMENT À L'OBLIGATION D'INFORMER L'INTÉRESSÉ DE L'OBLIGATION DE SUIVRE UN STAGE DE SENSIBILISATION À LA SÉCURITÉ ROUTIÈRE - ABSENCE D'INCIDENCE SUR LA LÉGALITÉ DU RETRAIT DE POINT OU SUR L'INVALIDITÉ DU PERMIS POUR SOLDE DE POINTS NUL [RJ1].

49-04-01-04-025 1) Il résulte des dispositions de l'article L. 223-1 du code de la route que le nombre de points du permis de conduire est réduit de plein droit lorsque la réalité d'une infraction entraînant retrait de points est établie par le paiement de l'amende forfaitaire ou l'émission du titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée, l'exécution d'une composition pénale ou une condamnation pénale devenue définitive, et que le permis perd sa validité lorsque le nombre de points est nul. Aucune disposition n'impartit un délai au ministre de l'intérieur pour notifier à l'intéressé, dès lors que l'infraction est établie, le retrait de points qu'elle entraîne et, le cas échéant, la perte de validité de son permis.... ,,Les dispositions de l'article 9 du code de procédure pénale, fixant à un an le délai de prescription de l'action publique en matière de contraventions, ne peuvent pas être invoquées utilement à l'appui d'un recours contre ces mesures administratives.... ,,2) En prévoyant que le titulaire d'un permis probatoire faisant l'objet d'un retrait de trois points ou plus est informé de l'obligation de suivre un stage de sensibilisation à la sécurité routière, le pouvoir réglementaire n'a pas entendu faire dépendre de cette information la légalité du retrait de points en cause ni celle de la décision constatant la perte de validité du permis, lorsque ce retrait se combine avec des retraits consécutifs à d'autres infractions.


Références :

[RJ1]

Rappr., pour un manquement à l'obligation de notifier par lettre recommandée avec accusé de réception les retraits de trois points ou plus pendant la période probatoire CE, 31 mai 2013, M. Bizet, n° 366865, à mentionner aux Tables.


Publications
Proposition de citation : CE, 22 oct. 2014, n° 364635
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Dominique Langlais
Rapporteur public ?: M. Nicolas Polge
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:364635.20141022
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