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23/12/2014 | FRANCE | N°358340

France | France, Conseil d'État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 23 décembre 2014, 358340


Vu l'ordonnance n°12LY00754 du 29 mars 2012, enregistrée le 6 avril 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Lyon a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi présenté à cette cour par M. A...;

Vu le pourvoi, enregistré le 14 mars 2012 au greffe de la cour administrative d'appel de Lyon, et le mémoire, enregistré le 27 juillet 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. B...A..., demeurant ... ; M. A...d

emande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 1007766 d...

Vu l'ordonnance n°12LY00754 du 29 mars 2012, enregistrée le 6 avril 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Lyon a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi présenté à cette cour par M. A...;

Vu le pourvoi, enregistré le 14 mars 2012 au greffe de la cour administrative d'appel de Lyon, et le mémoire, enregistré le 27 juillet 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. B...A..., demeurant ... ; M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 1007766 du 24 janvier 2012 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de la décision implicite par laquelle le directeur de l'école nationale supérieure des mines de Saint-Etienne a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle, à la condamnation de l'école à lui verser la somme de 2 401,84 euros correspondant au remboursement de ses frais de justice et à ce qu'il soit enjoint à l'école de prendre en charge ses frais de justice ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'école nationale supérieure des mines de Saint-Etienne une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, notamment son article 5 ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, notamment ses articles 6 quinquiès et 11 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Florence Chaltiel-Terral, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Rémi Keller, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. A...et à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de l'école nationale supérieure des mines de Saint-Etienne ;

1. Considérant, d'une part, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. " ; qu'aux termes de l'article 11 de la même loi, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions, d'une protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent, conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales. / (...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (...) " ; que ces dispositions établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général ; que cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis ; que la mise en oeuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre ; qu'il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce ;

2. Considérant, d'autre part, qu'il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

3. Considérant que M.A..., enseignant-chercheur à l'école nationale supérieure des mines de Saint-Etienne, a été nommé en septembre 2007 chargé de mission au Brésil afin d'y représenter cette école au sein de l'institut Héliopolis de technologie et de gestion de l'innovation, créé en novembre 2006 en partenariat avec des institutions brésiliennes ; qu'il a sollicité le 24 juillet 2009 du directeur de l'école le bénéfice de la protection fonctionnelle en raison du harcèlement moral qu'il estimait subir de la part de son supérieur hiérarchique ; que, par le jugement attaqué du 24 janvier 2012, le tribunal administratif de Lyon a refusé d'annuler la décision implicite de rejet de cette demande ;

4. Considérant qu'il ressort des énonciations du jugement attaqué et des pièces du dossier soumis aux juges du fond que si le directeur de l'école a adressé, au cours des mois de septembre à décembre 2008, une série de courriels demandant à M. A...de faire le bilan de sa mission, ils tendaient à obtenir de l'intéressé des informations précises sur la mission dont M. A... avait la charge au nom de l'école et témoignaient des difficultés de communication entre le directeur et l'intéressé, sans pour autant se traduire par une dégradation de ses conditions de travail ; que s'il a été mis fin à ses fonctions de chargé de mission au Brésil le 19 décembre 2008, avec effet au 13 février 2009, l'intéressé a, à l'expiration d'un congé de maladie ordinaire, réintégré l'établissement de Saint-Etienne en tant qu'enseignant-chercheur en septembre 2009 et bénéficie, d'ailleurs, régulièrement depuis lors de missions à l'étranger au titre de l'école ; que, dans ces conditions, le tribunal administratif de Lyon, qui n'a pas commis d'erreur de droit en ce qui concerne la charge de la preuve, a exactement qualifié les faits, qu'il n'a pas dénaturés, en jugeant que les agissements en cause, au titre desquels M. A...demandait le bénéfice de la protection fonctionnelle, ne pouvaient être qualifiés de harcèlement moral ;

5. Considérant qu'après avoir relevé, par une appréciation exempte de dénaturation, que le requérant n'avait pas sollicité la communication des motifs de la décision implicite de rejet de sa demande de protection juridictionnelle, le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit en écartant pour ce motif le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 5 de la loi du 11 juillet 1979 ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Lyon ;

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'école nationale supérieure des mines de Saint-Etienne, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande présentée par cette dernière au titre de ces mêmes dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. A...est rejeté.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'école nationale supérieure des mines de Saint-Etienne au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et à l'école nationale supérieure des mines de Saint-Etienne.

Copie en sera adressée pour information au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - STATUTS - DROITS - OBLIGATIONS ET GARANTIES - GARANTIES ET AVANTAGES DIVERS - PROTECTION CONTRE LES ATTAQUES - HARCÈLEMENT MORAL - CONTESTATION D'UN REFUS DE PROTECTION FONCTIONNELLE PAR L'AGENT QUI SOUTIENT ÊTRE VICTIME D'UN HARCÈLEMENT MORAL - RÉGIME DE LA PREUVE [RJ1].

36-07-10-005 Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - CONTENTIEUX DE LA FONCTION PUBLIQUE - HARCÈLEMENT MORAL - CONTESTATION D'UN REFUS DE PROTECTION FONCTIONNELLE PAR L'AGENT QUI SOUTIENT ÊTRE VICTIME D'UN HARCÈLEMENT MORAL - RÉGIME DE LA PREUVE [RJ1].

36-13 Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

PROCÉDURE - INSTRUCTION - PREUVE - HARCÈLEMENT MORAL - CONTESTATION D'UN REFUS DE PROTECTION FONCTIONNELLE PAR L'AGENT QUI SOUTIENT ÊTRE VICTIME D'UN HARCÈLEMENT MORAL - RÉGIME DE LA PREUVE [RJ1].

54-04-04 Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.


Références :

[RJ1]

Cf CE, Section, 11 juillet 2011, Mme Montaut, n° 321225, p. 349.

Rappr., pour un contentieux de refus de la protection fonctionnelle, CE, 1er octobre 2014, M. Thomas-Picard, n° 366002, à mentionner aux tables.


Publications
Proposition de citation: CE, 23 déc. 2014, n° 358340
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Florence Chaltiel-Terral
Rapporteur public ?: M. Rémi Keller
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET

Origine de la décision
Formation : 4ème et 5ème sous-sections réunies
Date de la décision : 23/12/2014
Date de l'import : 23/03/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 358340
Numéro NOR : CETATEXT000029955354 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2014-12-23;358340 ?
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