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19/01/2015 | FRANCE | N°375373

France | France, Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 19 janvier 2015, 375373


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 février et 12 mai 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme B... A..., demeurant ...; Mme A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 13BX00946 du 19 novembre 2013 de la cour administrative d'appel de Bordeaux en tant que, après avoir annulé le jugement n° 1203068 du 21 mars 2013 du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il a rejeté sa demande d''annulation de l'arrêté du 11 mai 2012 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivre

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Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 février et 12 mai 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme B... A..., demeurant ...; Mme A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 13BX00946 du 19 novembre 2013 de la cour administrative d'appel de Bordeaux en tant que, après avoir annulé le jugement n° 1203068 du 21 mars 2013 du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il a rejeté sa demande d''annulation de l'arrêté du 11 mai 2012 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination, il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de cet arrêté et à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Haute-Garonne, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " ou " salarié " ou, subsidiairement, de procéder au réexamen de sa situation ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment son article 8 ;

Vu la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants des pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Natacha Chicot, auditeur,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Capron, avocat de Mme A...;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par arrêté du 11 mai 2012, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de délivrer à Mme A..., ressortissante ivoirienne, le titre de séjour qu'elle avait sollicité sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'une part, et lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire en fixant le pays de renvoi et en lui interdisant tout retour sur le territoire pendant une durée de trois ans, d'autre part ; que Mme A... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 19 novembre 2013 de la cour administrative d'appel de Bordeaux en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 11 mai 2012 et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet, sous astreinte, de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " ou " salarié " ou subsidiairement de procéder au réexamen de sa situation ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'étranger, dont le traitement de la demande nécessite la saisine de la commission du titre de séjour, doit pouvoir être entendu par cette commission et est pourvu à cette fin d'un récépissé valant autorisation provisoire de séjour s'il ne dispose pas d'une carte de séjour temporaire en cours de validité ; que, par suite, la cour administrative d'appel, après avoir relevé par une appréciation souveraine, exempte de dénaturation, que la requérante avait été entendue par la commission du titre de séjour et ne faisait pas état de ce qu'elle aurait été dans " l'impossibilité d'accomplir les démarches invoquées ", n'a pas commis d'erreur de droit ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en jugeant que le défaut de délivrance de ce récépissé n'était pas, à lui seul, de nature à affecter la légalité de l'arrêté préfectoral ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que si la requérante soutient que l'arrêt attaqué serait insuffisamment motivé en ce que la cour administrative d'appel aurait omis de répondre aux moyens tirés de ce que, d'une part, l'emploi de vendeuse qu'elle souhaitait occuper n'était pas subordonné à la possession d'un diplôme particulier et, d'autre part, qu'elle justifiait d'une expérience professionnelle pour cet emploi, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'il s'agissait de simples arguments développés à l'appui du moyen tiré de ce que la décision attaquée était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et non de moyens auxquels la cour aurait été tenue de répondre ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : / 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail. (...) / La carte porte la mention "salarié" lorsque l'activité est exercée pour une durée supérieure ou égale à douze mois. Elle porte la mention "travailleur temporaire" lorsque l'activité est exercée pour une durée déterminée inférieure à douze mois. Si la rupture du contrat de travail du fait de l'employeur intervient dans les trois mois précédant le renouvellement de la carte portant la mention "salarié", une nouvelle carte lui est délivrée pour une durée d'un an ; (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-14 du même code, dans sa rédaction, applicable à la date de l'arrêté attaqué, issue de l'article 27 de la loi du 16 juin 2011 : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir (...) " ;

5. Considérant que les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur version antérieure à la loi du 16 juin 2011, limitaient le champ de l'admission exceptionnelle à la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " aux cas dans lesquels cette admission était sollicitée pour exercer une activité professionnelle salariée dans un métier caractérisé par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national ; que l'article 27 de la loi du 16 juin 2011 a supprimé la condition relative à l'exercice d'une activité dans un métier connaissant de telles difficultés ; que si, contrairement à ce qu'imposait la suppression de cette condition, la cour administrative d'appel de Bordeaux a relevé que l'emploi dont se prévalait la requérante n'était pas caractérisé par des difficultés de recrutement, il résulte toutefois des termes mêmes de l'arrêt attaqué que ce motif présente un caractère surabondant ; que, dès lors, les moyens du pourvoi dirigés contre ce motif sont inopérants ;

6. Considérant, en quatrième lieu, que les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile laissent à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels que celui-ci fait valoir ; qu'il s'ensuit que la cour administrative d'appel pouvait sans commettre d'erreur de droit relever, pour juger que l'arrêté attaqué n'était pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, que l'emploi dont se prévalait la requérante était dépourvu de lien avec sa formation ;

7. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union " ; qu'aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) " ; qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union. (...) " ;

8. Considérant que le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne ; que, toutefois, dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour ; que le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ;

9. Considérant que lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'à l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande ; qu'il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles ; qu'il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux ; que le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour ; qu'en jugeant ainsi que la seule circonstance que la requérante n'avait pas été invitée à formuler des observations avant l'édiction de l'obligation de quitter le territoire n'était pas de nature à permettre de la regarder comme ayant été privée de son droit à être entendue, notamment énoncé au paragraphe 2 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le pourvoi de la requérante ne peut qu'être rejeté ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de Mme A...est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme B...A...et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 7ème et 2ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 375373
Date de la décision : 19/01/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-01 ÉTRANGERS. SÉJOUR DES ÉTRANGERS. REFUS DE SÉJOUR. QUESTIONS GÉNÉRALES. - CONTENTIEUX - MOYEN TIRÉ DU DÉFAUT DE DÉLIVRANCE DE L'AUTORISATION PROVISOIRE DE SÉJOUR PRÉVUE PAR L'ARTICLE L. 312-2 DU CESEDA - MOYEN INOPÉRANT CONTRE LE REFUS DE TITRE DE SÉJOUR [RJ1].

335-01-03-01 L'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) prévoit que l'étranger dont le traitement de la demande nécessite la saisine de la commission du titre de séjour doit pouvoir être entendu par cette commission et est pourvu à cette fin d'un récépissé valant autorisation provisoire de séjour s'il ne dispose pas d'une carte de séjour temporaire en cours de validité.... ,,Inopérance du moyen tiré d'un défaut de délivrance de l'autorisation provisoire de séjour contre le refus de titre, le juge devant seulement s'assurer que le demandeur a pu être entendu par la commission du titre de séjour.


Références :

[RJ1]

Comp., sur l'opérance du moyen tiré du défaut de délivrance du document d'information prévu par l'article R. 741-2 du CESEDA contre le refus d'admission provisoire au séjour du demandeur d'asile, CE, Section, 30 décembre 2013, Mme Okosun, n° 367615, p.342.


Publications
Proposition de citation : CE, 19 jan. 2015, n° 375373
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Natacha Chicot
Rapporteur public ?: M. Gilles Pellissier
Avocat(s) : SCP CAPRON

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:375373.20150119
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