Vu l'ordonnance du 7 octobre 2013, enregistrée le 16 octobre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président du tribunal administratif de Strasbourg a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par la SCP Nodee-Noël-Nodee-Lanzetta, dont le siège est 29, rue Mangin à Metz (57 000), agissant en qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la société SCIA Atlantique SARL ;
Vu la requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Strasbourg le 27 juillet 2011 et le mémoire complémentaire, enregistré le 6 décembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SCP Nodee-Noël-Nodee-Lanzetta ; la SCP demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision n° 2011-DC-0225 du 27 mai 2011 par laquelle l'Autorité de sûreté nucléaire a suspendu l'autorisation d'exercer une activité nucléaire à des fins non-médicales délivrée à la société SCIA Atlantique SARL ;
2°) de condamner l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), et en tout cas l'Etat, à lui verser une somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
3°) de mettre à la charge de l'Autorité de sûreté nucléaire, et en tout cas de l'Etat, une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu le code de la santé publique, modifié notamment par la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Mireille Le Corre, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Foussard, avocat de la SCP Nodee-Noël-Nodee-Lanzetta ;
1. Considérant qu'en vertu du premier alinéa de l'article L. 1333-4 du code de la santé publique, les activités définies à l'article L. 1333-1 du même code comportant un risque d'exposition des personnes aux rayonnements ionisants, dénommées activités nucléaires, sont soumises à un régime d'autorisation ou de déclaration relevant de l'Autorité de sûreté nucléaire ; qu'aux termes de l'article L. 1333-5 du même code : " La violation constatée, du fait du titulaire d'une autorisation prévue par l'article L. 1333-4 ou d'un de ses préposés, des dispositions du présent chapitre ainsi que des dispositions réglementaires prises pour leur application ou des prescriptions fixées par l'autorisation peut entraîner le retrait temporaire ou définitif de l'autorisation. / Le retrait est prononcé par décision motivée de l'Autorité de sûreté nucléaire et après l'expiration d'un délai d'un mois suivant la notification d'une mise en demeure à l'intéressé précisant les griefs formulés à son encontre. / En cas d'urgence tenant à la sécurité des personnes, la suspension d'une activité autorisée ou ayant fait l'objet d'une déclaration en application de l'article L. 1333-4 peut être ordonnée à titre conservatoire par l'Autorité de sûreté nucléaire. " ;
2. Considérant que la société SCIA Atlantique SARL, qui avait pour objet le contrôle non destructif, l'inspection et l'assistance technique de sites et installations industriels, a obtenu, le 29 janvier 2009, une autorisation de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) de détenir et d'utiliser des radionucléides en sources scellées et d'utiliser un appareil électrique émettant des rayons X ; qu'à la suite de deux inspections réalisées les 28 mars et 14 avril 2011, conduisant au constat de manquements aux dispositions du code de la santé publique et du code du travail, le collège de l'ASN a, par une décision du 27 mai 2011, prise en application de l'article L. 1333-5 du code de la santé publique cité ci-dessus, suspendu l'autorisation de la SCIA Atlantique SARL d'exercer une activité nucléaire ; que la SCP Nodee-Noël-Nodee-Lanzetta, agissant en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation de la SCIA Atlantique SARL, demande l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision et l'indemnisation du préjudice que cette société estime avoir subi du fait de l'illégalité de cette décision ;
Sur la légalité externe de la décision attaquée :
3. Considérant, en premier lieu, que les décisions de suspension prises en application du troisième alinéa de l'article L. 1333-5 du code de la santé publique constituent des mesures de police administrative qui doivent être motivées en application de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ; que la décision attaquée énumère de façon précise les manquements constatés lors des deux inspections réalisées les 28 mars et 14 avril 2011 et vise les dispositions dont elle fait application ; que, dès lors, le moyen tiré de ce qu'elle serait insuffisamment motivée doit être écarté ;
4. Considérant, en second lieu, qu'en vertu du premier alinéa de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, l'autorité administrative est tenue de recueillir les observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, les observations orales d'une personne intéressée par une décision relevant du champ de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 précitée ; que si l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 prévoit que cette obligation n'est pas applicable en cas d'urgence, l'existence d'une situation d'urgence de nature à rendre inapplicables les dispositions de son premier alinéa doit être appréciée concrètement, en fonction des circonstances de l'espèce ;
5. Considérant que, s'il résulte des dispositions de l'article L. 1333-5 du code de la santé publique citées au point 1 que les décisions de suspension qu'elles prévoient interviennent en cas d'urgence, il ressort des pièces du dossier que les manquements ayant conduit l'ASN à prendre la mesure de suspension attaquée le 27 mai 2011 ont été constatés lors des inspections des 28 mars et 14 avril 2011 ; que ce délai lui permettait, en l'espèce, de respecter une procédure contradictoire ; que l'ASN a informé la société, par des messages électroniques des 18 et 19 mai, du projet de décision de suspension et l'a invitée à produire ses observations avant la réunion du collège du 20 mai puis lui a demandé, à l'issue de cette réunion, de lui faire part de ses observations sur le projet de décision avant le 25 mai, par un message électronique et une télécopie du 24 mai, auxquels la société a répondu le 25 mai ; qu'est sans incidence sur la régularité de la procédure la circonstance que l'ASN a, par ailleurs, dans ses courriers notifiant les manquements constatés, accordé un délai à la société pour présenter ses observations ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure doit être écarté ; qu'il en va de même, en tout état de cause, du moyen tiré de la violation du principe des droits de la défense qui ne trouve pas à s'appliquer en matière de police administrative ;
Sur la légalité interne de la décision attaquée :
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'inspection réalisée le 28 mars 2011 a révélé plusieurs manquements, consistant en la réalisation de tirs radiographiques dans la casemate d'irradiation de l'établissement, l'utilisation d'un appareil émettant des rayons X sans l'autorisation requise et la manipulation de l'appareil de radiologie industrielle par des salariés ne disposant pas du certificat d'aptitude requis ; que la deuxième inspection, réalisée le 14 avril 2011, a révélé des manquements persistants et nouveaux, en particulier des irrégularités dans le suivi dosimétrique du personnel, la réalisation de chantiers de tirs radiographiques sans que soit définie une évaluation prévisionnelle dosimétrique et l'absence de déclaration d'un incident ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, la société ait intégralement remédié aux manquements constatés ; qu'en décidant, au vu de ces éléments, de faire usage des pouvoirs qu'elle tenait de l'article L. 1333-5 du code de la santé publique l'ASN n'a pas inexactement apprécié la gravité des dangers que pouvaient présenter ces manquements pour la sécurité des salariés et du public ; qu'aucun texte ni principe n'imposait de fixer a priori un terme à une mesure de caractère provisoire et conservatoire ; qu'en prononçant, compte tenu de la nature et de la gravité de ces manquements, la suspension de l'autorisation dont disposait la société pour l'ensemble de son activité nucléaire, l'ASN n'a pas, en dépit de ses conséquences économiques pour la société, adopté une mesure excessive et disproportionnée au regard des risques que présentait cette activité ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision qu'elle attaque ; que ses conclusions indemnitaires ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ; qu'il y a lieu de laisser les dépens à la charge de la requérante ; qu'enfin, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er: La requête de la SCP Nodee-Noël-Nodee-Lanzetta est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SCP Nodee-Noël-Nodee-Lanzetta et à l'Autorité de sûreté nucléaire.