La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/04/2015 | FRANCE | N°368397

France | France, Conseil d'État, 6ème / 1ère ssr, 17 avril 2015, 368397


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 mai et 12 août 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Porteret Beaulieu Industrie, dont le siège est 4, chemin du Fourneau à Bézouotte (21310), représentée par son président directeur général; la société Porteret Beaulieu Industrie demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 11LY02990 du 7 mars 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a, sur recours du ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logemen

t, d'une part, annulé le jugement n° 1000748 du 29 septembre 2011 par lequel ...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 mai et 12 août 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Porteret Beaulieu Industrie, dont le siège est 4, chemin du Fourneau à Bézouotte (21310), représentée par son président directeur général; la société Porteret Beaulieu Industrie demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 11LY02990 du 7 mars 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a, sur recours du ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, d'une part, annulé le jugement n° 1000748 du 29 septembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Dijon a annulé l'arrêté du 26 janvier 2010 par lequel le préfet de la Côte-d'Or a enjoint à la société requérante de procéder à des prélèvements complémentaires portant sur dix substances dans le cadre de l'exploitation d'une installation classée pour la protection de l'environnement, d'autre part, rejeté sa demande présentée devant le tribunal administratif ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Baptiste de Froment, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gaschignard, avocat de la société Porteret Beaulieu Industrie ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société SA Porteret Beaulieu Industrie exploite sur le territoire de la commune de Bezouotte (Côte-d'Or) une usine de fabrication de cartons, papier, joints, isolants thermiques, textiles, plaques et poudres filtrantes ; qu'elle bénéficie à cet effet, en vertu d'un arrêté préfectoral du 2 juillet 2004, d'une autorisation d'exploitation portant sur douze activités différentes relevant de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement ; que, par un jugement du 29 septembre 2011, le tribunal administratif de Dijon a annulé l'arrêté complémentaire du 26 janvier 2010 par lequel le préfet de la Côte-d'Or a enjoint à la société de contrôler la présence dans les eaux rejetées par son installation de dix substances, à raison d'une fois par mois pendant six mois ; que la société requérante se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 7 mars 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a, sur recours du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, annulé ce jugement et rejeté sa demande ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature et de l'environnement, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique " ; qu'aux termes de l'article L. 512-1 de ce code : " Sont soumises à autorisation préfectorale les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1. / (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 514-28 du même code: " Les dépenses correspondant à l'exécution des analyses, expertises ou contrôles nécessaires pour l'application du présent titre sont à la charge de l'exploitant. " ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 214-7 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au litige : " Les installations classées pour la protection de l'environnement définies à l'article L. 511-1 sont soumises aux dispositions des articles L. 211-1, L. 212-1 à L. 212-11, L. 214-8, L. 216-6 et L. 216-13, ainsi qu'aux mesures prises en application des décrets prévus au 1° du II de l'article L. 211-3. Les mesures individuelles et réglementaires prises en application du titre Ier du livre V fixent les règles applicables aux installations classées ayant un impact sur le milieu aquatique, notamment en ce qui concerne leurs rejets et prélèvements " ; qu'aux termes de l'article L. 211-1 du même code : " I. - Les dispositions des chapitres Ier à VII du présent titre ont pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ; cette gestion prend en compte les adaptations nécessaires au changement climatique et vise à assurer : / (...) / 2° La protection des eaux et la lutte contre toute pollution par déversements, écoulements, rejets, dépôts directs ou indirects de matières de toute nature et plus généralement par tout fait susceptible de provoquer ou d'accroître la dégradation des eaux en modifiant leurs caractéristiques physiques, chimiques, biologiques ou bactériologiques, qu'il s'agisse des eaux superficielles, souterraines ou des eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales ; / (...) " ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 512-28 du code de l'environnement : " L'arrêté d'autorisation et, le cas échéant, les arrêtés complémentaires fixent les prescriptions nécessaires à la protection des intérêts mentionnés aux articles L. 211-1, L. 220-1 et L. 511-1. / Ces prescriptions tiennent compte notamment, d'une part, de l'efficacité des meilleures techniques disponibles et de leur économie, d'autre part, de la qualité, de la vocation et de l'utilisation des milieux environnants ainsi que de la gestion équilibrée de la ressource en eau. " ; qu'aux termes de l'article R. 512-31 du même code : " Des arrêtés complémentaires peuvent être pris sur proposition de l'inspection des installations classées et après avis du conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques. Ils peuvent fixer toutes les prescriptions additionnelles que la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 rend nécessaires ou atténuer celles des prescriptions primitives dont le maintien n'est plus justifié. (...) " ; que l'article R. 211-11-1 du code prévoit l'élaboration d'un programme national d'action contre la pollution des milieux aquatiques par les substances qu'il énumère, qui fixe des objectifs de prévention, de réduction ou d'élimination de la pollution et détermine les mesures propres à assurer la surveillance et la maîtrise des rejets de ces substances ; que l'article R. 211-11-2 prévoit que, pour chaque substance mentionnée à l'article précédent, le ministre fixe par arrêté des normes de qualité dont le respect doit permettre que les milieux aquatiques ne soient pas affectés de façon perceptible ; qu'enfin, en vertu de l'article R. 211-1-3, les autorisations de déversement que comportent, le cas échéant, les autorisations délivrées en application des articles L. 512-1 et L. 512-7 doivent prendre en compte les objectifs du programme et les normes de qualité ainsi fixées ;

5. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que si les ouvrages et installations nécessaires à l'exploitation d'une installation classée pour la protection de l'environnement ayant un impact sur le milieu aquatique ne sont soumis qu'aux règles de procédure instituées par la législation propre à ces installations classées, ils doivent, en revanche, respecter les règles de fond prévues, notamment, par les dispositions du code de l'environnement relatives aux objectifs de qualité et de quantité des eaux, au nombre desquelles figurent les objectifs et normes de qualité du programme national d'action contre la pollution des milieux aquatiques par certaines substances dangereuses prévus par les articles R. 211-11-1 à R. 211-11-3 du code de l'environnement ; qu'ainsi, en jugeant que les objectifs et normes de qualité mentionnés par les dispositions des articles R. 211-11-1 à R. 211-11-3, pour le respect desquels a été pris l'arrêté litigieux, peuvent être pris en compte au titre des prescriptions initiales et complémentaires applicables aux installations classées pour la protection de l'environnement, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;

6. Considérant, en second lieu, qu'il résulte des mêmes dispositions que l'exploitant d'une installation classée ne peut se voir imposer que des prescriptions en rapport avec ses activités d'exploitant et avec les atteintes qu'elles sont susceptibles de porter aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement ; qu'en particulier, l'autorité compétente en matière d'installations classées ne peut pas exiger de l'exploitant d'une installation classée de contrôler la présence dans les eaux rejetées par son installation de substances qui ne peuvent, ni directement, ni indirectement par réaction chimique, être issues de cette installation ;

7- Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, notamment des écritures du ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, que les dix polluants qui ont fait l'objet de la surveillance prescrite par l'arrêté litigieux du 26 janvier 2010 sont des polluants identifiés comme caractéristiques de certaines activités de l'industrie papetière ; que, pour juger que le préfet pouvait légalement ordonner le contrôle, aux frais de la société Porteret Beaulieu Industrie, de la présence de ces dix substances dans les eaux rejetées par son exploitation, la cour a relevé que l'unique campagne de prélèvements réalisée par la société ne pouvait permettre de tenir pour établies ni " l'absence des dix substances dangereuses concernées " ni celle d'un " risque de recomposition de ces substances à la suite notamment de phénomènes chimiques " ; qu'elle a ainsi justifié le contrôle prescrit par le préfet par la nécessité de vérifier si l'usine exploitée par la société requérante rejetait les dix substances en cause ; que, contrairement à ce qui est soutenu, la cour n'a ainsi commis aucune erreur de droit ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Porteret Beaulieu Industrie n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ; que, par suite, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la société Porteret Beaulieu Industrie est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Porteret Beaulieu Industrie et à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

EAUX - INSTALLATIONS CLASSÉES POUR LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT - 1) RÈGLES DE FOND APPLICABLES - LIMITATION AUX SEULES DISPOSITIONS DE LA LÉGISLATION PROPRE AUX INSTALLATIONS CLASSÉES - ABSENCE - DISPOSITIONS DU CODE DE L'ENVIRONNEMENT RELATIVES AUX OBJECTIFS DE QUALITÉ ET DE QUANTITÉ DES EAUX - INCLUSION - 2) PRESCRIPTIONS SUSCEPTIBLES D'ÊTRE IMPOSÉES À L'EXPLOITANT - LIMITATION AUX SEULES PRESCRIPTIONS EN RAPPORT AVEC SES ACTIVITÉS ET AUX ATTEINTES QU'ELLES PEUVENT GÉNÉRER - EXISTENCE - CAS DE PRESCRIPTIONS IMPOSANT DE CONTRÔLER LA PRÉSENCE DE CERTAINES SUBSTANCES DANS LES EAUX REJETÉES.

27-06 1) Si les ouvrages et installations nécessaires à l'exploitation d'une installation classée pour la protection de l'environnement ayant un impact sur le milieu aquatique ne sont soumis qu'aux règles de procédure instituées par la législation propre à ces installations classées, ils doivent, en revanche, respecter les règles de fond prévues, notamment, par les dispositions du code de l'environnement relatives aux objectifs de qualité et de quantité des eaux, au nombre desquelles figurent les objectifs et normes de qualité du programme national d'action contre la pollution des milieux aquatiques par certaines substances dangereuses prévus par les articles R. 211-11-1 à R. 211-11-3 du code de l'environnement.,,,2) L'exploitant d'une installation classée ne peut se voir imposer que des prescriptions en rapport avec ses activités d'exploitant et avec les atteintes qu'elles sont susceptibles de porter aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement. En particulier, l'autorité compétente en matière d'installations classées ne peut pas exiger de l'exploitant d'une installation classée de contrôler la présence dans les eaux rejetées par son installation de substances qui ne peuvent, ni directement, ni indirectement par réaction chimique, être issues de cette installation.

NATURE ET ENVIRONNEMENT - INSTALLATIONS CLASSÉES POUR LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT - RÉGIME JURIDIQUE - POUVOIRS DU PRÉFET - INSTRUCTION DES DEMANDES D'AUTORISATION - 1) RÈGLES DE FOND APPLICABLES - LIMITATION AUX SEULES DISPOSITIONS DE LA LÉGISLATION PROPRE AUX INSTALLATIONS CLASSÉES - ABSENCE - DISPOSITIONS DU CODE DE L'ENVIRONNEMENT RELATIVES AUX OBJECTIFS DE QUALITÉ ET DE QUANTITÉ DES EAUX - INCLUSION - 2) PRESCRIPTIONS SUSCEPTIBLES D'ÊTRE IMPOSÉES À L'EXPLOITANT - LIMITATION AUX SEULES PRESCRIPTIONS EN RAPPORT AVEC SES ACTIVITÉS ET AUX ATTEINTES QU'ELLES PEUVENT GÉNÉRER - EXISTENCE - CAS DE PRESCRIPTIONS IMPOSANT DE CONTRÔLER LA PRÉSENCE DE CERTAINES SUBSTANCES DANS LES EAUX REJETÉES.

44-02-02-01-01 1) Si les ouvrages et installations nécessaires à l'exploitation d'une installation classée pour la protection de l'environnement ayant un impact sur le milieu aquatique ne sont soumis qu'aux règles de procédure instituées par la législation propre à ces installations classées, ils doivent, en revanche, respecter les règles de fond prévues, notamment, par les dispositions du code de l'environnement relatives aux objectifs de qualité et de quantité des eaux, au nombre desquelles figurent les objectifs et normes de qualité du programme national d'action contre la pollution des milieux aquatiques par certaines substances dangereuses prévus par les articles R. 211-11-1 à R. 211-11-3 du code de l'environnement.,,,2) L'exploitant d'une installation classée ne peut se voir imposer que des prescriptions en rapport avec ses activités d'exploitant et avec les atteintes qu'elles sont susceptibles de porter aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement. En particulier, l'autorité compétente en matière d'installations classées ne peut pas exiger de l'exploitant d'une installation classée de contrôler la présence dans les eaux rejetées par son installation de substances qui ne peuvent, ni directement, ni indirectement par réaction chimique, être issues de cette installation.


Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 17 avr. 2015, n° 368397
Mentionné aux tables du recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste de Froment
Rapporteur public ?: Mme Suzanne von Coester
Avocat(s) : SCP GASCHIGNARD

Origine de la décision
Formation : 6ème / 1ère ssr
Date de la décision : 17/04/2015
Date de l'import : 23/03/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 368397
Numéro NOR : CETATEXT000030509780 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2015-04-17;368397 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award