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27/07/2015 | FRANCE | N°366604

France | France, Conseil d'État, 10ème / 9ème ssr, 27 juillet 2015, 366604


Vu la procédure suivante :

La société SAS MEDIASERV a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 12 juillet 2011 par laquelle le chef du bureau des agréments et des rescrits de la direction générale des finances publiques, confirmant sa décision du 6 avril 2011, a refusé de lui communiquer les décisions d'agréments fiscaux supposés octroyés par l'administration fiscale aux sociétés World Satellite Guadeloupe Le Câble et Martinique Câble TV, ou à leur actionnaire la société Altice Blue one, ses principales concurrentes, au titre des années 2

008, 2009 ou 2012.

Par un jugement n°1115882/6-3 du 4 janvier 2013, le tri...

Vu la procédure suivante :

La société SAS MEDIASERV a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 12 juillet 2011 par laquelle le chef du bureau des agréments et des rescrits de la direction générale des finances publiques, confirmant sa décision du 6 avril 2011, a refusé de lui communiquer les décisions d'agréments fiscaux supposés octroyés par l'administration fiscale aux sociétés World Satellite Guadeloupe Le Câble et Martinique Câble TV, ou à leur actionnaire la société Altice Blue one, ses principales concurrentes, au titre des années 2008, 2009 ou 2012.

Par un jugement n°1115882/6-3 du 4 janvier 2013, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 5 mars et 5 juin 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société SAS MEDIASERV demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Isabelle Lemesle, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la SAS MEDIASERV ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 17 juillet 1978 sur la communication des documents administratifs : " (...) Sont considérés comme documents administratifs, au sens des chapitres Ier, III et IV du présent titre, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l'Etat, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission (...) " ; qu'aux termes de l'article 6 de la même loi, dans sa version issue de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011, applicable en l'espèce : " I.- Ne sont pas communicables : (...)/ 2° Les autres documents administratifs dont la consultation ou la communication porterait atteinte : / (...) h) Ou, sous réserve de l'article L. 124-4 du code de l'environnement, aux autres secrets protégés par la loi. ;/ II.- Ne sont communicables qu'à l'intéressé les documents administratifs : / - dont la communication porterait atteinte (...) au secret en matière commerciale et industrielle (...)/III.- Lorsque la demande porte sur un document comportant des mentions qui ne sont pas communicables en application du présent article mais qu'il est possible d'occulter ou de disjoindre, le document est communiqué au demandeur après occultation ou disjonction de ces mentions (...) " ; que l'article L. 103 du livre des procédures fiscales dispose, d'une part, que l'obligation du secret professionnel, telle qu'elle est définie aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal, s'applique à toutes les personnes appelées à l'occasion de leurs fonctions ou attributions à intervenir dans l'assiette, le contrôle, le recouvrement ou le contentieux des impôts, droits, taxes et redevances prévus au code général des impôts et, d'autre part, que le secret s'étend à toutes les informations recueillies à l'occasion de ces opérations ;

2. Considérant que l'article 217 undecies du code général des impôts dispose que les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés peuvent déduire de leurs résultats imposables une partie des investissements productifs qu'elles réalisent dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion pour l'exercice de certaines activités, telles que les transports, la navigation de plaisance, l'industrie automobile ou la rénovation de résidences de tourisme, dès lors qu'elles ont reçu l'agrément préalable du ministre chargé du budget, délivré sous certaines conditions, après avis du ministre chargé de l'outre-mer ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que cet agrément comporte des informations nominatives relatives à l'investissement projeté par la société en contrepartie de l'avantage fiscal consenti, telles que des informations détaillées d'ordre financier concernant les modalités de financement de l'investissement, qui n'apparaissent pas dans les documents annuels dont le dépôt au greffe du tribunal est rendu obligatoire par l'article L. 232-21 du code de commerce ;

3. Considérant que ces informations sont recueillies, dans le cadre de leur mission d'établissement de l'assiette de l'impôt, par les agents de la direction générale des finances publiques auxquels l'obligation du secret professionnel s'impose en application de l'article L. 103 du livre des procédures fiscales ; qu'en outre, la révélation de l'existence ou de l'absence d'une demande d'agrément ou d'une décision d'octroi ou de refus d'agrément est, par elle-même, de nature à divulguer des choix révélateurs des actions et des projets de l'entreprise concernée et à se heurter ainsi aux dispositions du II de l'article 6 de la loi du 17 juillet 1978 qui font obstacle à la communication de documents administratifs protégés par le secret en matière commerciale et industrielle, sauf aux personnes intéressées ;

4. Considérant qu'il résulte ce qui précède que le tribunal administratif de Paris n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant, sans rechercher s'ils étaient susceptibles de faire l'objet d'une communication partielle, que les agréments fiscaux dont la SAS MEDIASERV supposait l'octroi à trois de ses sociétés concurrentes au titre des années 2008, 2009 ou 2012, et dont elle demandait la communication, constituaient, à supposer leur existence établie, des documents administratifs protégés à la fois par le secret professionnel en matière fiscale et par le secret en matière commerciale et industrielle ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SAS MEDIASERV n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris du 4 janvier 2013, dont les visas ne sont pas entachés d'irrégularité ; que ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761 du code de justice administrative doivent, par suite être rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la SAS MEDIASERV est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SAS MEDIASERV et au ministre des finances et des comptes publics.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - DIVERS - ACCÈS AUX DOCUMENTS ADMINISTRATIFS - SECRET FISCAL (ART - L - 103 DU LPF) - INCLUSION - INFORMATIONS RECUEILLIES EN VUE DE LA DÉLIVRANCE D'UN AGRÉMENT SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE 217 UNDECIES DU CGI.

19-01-06-01 Les informations recueillies, en vue de la délivrance d'un agrément sur le fondement de l'article 217 undecies du code général des impôts (CGI) (possibilité pour les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés de déduire de leurs résultats imposables une partie des investissements productifs qu'elles réalisent dans les départements d'outre-mer pour l'exercice de certaines activités), dans le cadre de leur mission d'établissement de l'assiette de l'impôt, par les agents de la direction générale des finances publiques sont couvertes par le secret professionnel qui s'impose à eux en application de l'article L. 103 du livre des procédures fiscales (LPF).

DROITS CIVILS ET INDIVIDUELS - ACCÈS AUX DOCUMENTS ADMINISTRATIFS - SECRET FISCAL (ART - L - 103 DU LPF) - INCLUSION - INFORMATIONS RECUEILLIES EN VUE DE LA DÉLIVRANCE D'UN AGRÉMENT SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE 217 UNDECIES DU CGI.

26-06 Les informations recueillies, en vue de la délivrance d'un agrément sur le fondement de l'article 217 undecies du code général des impôts (CGI) (possibilité pour les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés de déduire de leurs résultats imposables une partie des investissements productifs qu'elles réalisent dans les départements d'outre-mer pour l'exercice de certaines activités), dans le cadre de leur mission d'établissement de l'assiette de l'impôt, par les agents de la direction générale des finances publiques sont couvertes par le secret professionnel qui s'impose à eux en application de l'article L. 103 du livre des procédures fiscales (LPF).


Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 27 jui. 2015, n° 366604
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Isabelle Lemesle
Rapporteur public ?: M. Edouard Crépey
Avocat(s) : SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET

Origine de la décision
Formation : 10ème / 9ème ssr
Date de la décision : 27/07/2015
Date de l'import : 23/03/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 366604
Numéro NOR : CETATEXT000030956518 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2015-07-27;366604 ?
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