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02/11/2015 | FRANCE | N°388721

France | France, Conseil d'État, 5ème / 4ème ssr, 02 novembre 2015, 388721


Vu la procédure suivante :

Par une décision du 26 novembre 2014, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de M. D...B...et a saisi le tribunal administratif de Cergy-Pontoise en application de l'article L. 52-15 du code électoral. Par un jugement n°1411430 du 19 février 2015, le tribunal administratif a déclaré l'intéressé inéligible à toutes les élections pour une durée de deux ans à compter de la date à laquelle le jugement deviendra définitif, l'a déclaré démissionnaire d'office de son mandat de

conseiller municipal et a proclamé élu conseiller municipal de la commune...

Vu la procédure suivante :

Par une décision du 26 novembre 2014, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de M. D...B...et a saisi le tribunal administratif de Cergy-Pontoise en application de l'article L. 52-15 du code électoral. Par un jugement n°1411430 du 19 février 2015, le tribunal administratif a déclaré l'intéressé inéligible à toutes les élections pour une durée de deux ans à compter de la date à laquelle le jugement deviendra définitif, l'a déclaré démissionnaire d'office de son mandat de conseiller municipal et a proclamé élu conseiller municipal de la commune de Sarcelles la candidate inscrite sur la même liste immédiatement après lui.

Par une requête enregistrée le 16 mars 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, M. D...B...demande au Conseil d'Etat d'annuler ce jugement, d'annuler la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques en tant qu'elle rejette son compte de campagne et de réformer cette décision en tant qu'elle fixe la somme devant faire l'objet d'une dévolution, en ramenant cette somme à 2.698,80 euros.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie Gautier-Melleray, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Laurence Marion, rapporteur public ;

1. Considérant que, par une décision du 26 novembre 2014, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de M. D... B..., candidat aux élections municipales qui se sont déroulées les 23 et 30 mars 2014 dans la commune de Sarcelles, au motif que ce compte n'était pas accompagné des pièces justificatives permettant d'attester de la réalité et de la régularité de plusieurs opérations de dépenses et de recettes ; que, par la même décision, la Commission nationale a fixé à 4 029 euros la somme devant faire l'objet de la dévolution prévue au dernier alinéa de l'article L. 52-6 du code électoral ; que, saisi par la Commission en application de l'article L. 52-15 du même code, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, par un jugement du 19 février 2015, a déclaré M. B...inéligible pour une durée de deux ans et démissionnaire d'office de son mandat de conseiller municipal et a proclamé élu la suivante de liste ; que le tribunal a rejeté comme irrecevables les conclusions de M. B... tendant à la réformation de la décision de la Commission en tant qu'elle fixe le montant de la somme devant faire l'objet d'une dévolution ; que l'intéressé fait appel de ce jugement ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 52-12 du code électoral : " Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 et qui a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés est tenu d'établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection, hors celles de la campagne officielle par lui-même ou pour son compte, au cours de la période mentionnée à l'article L. 52-4. La même obligation incombe au candidat ou au candidat tête de liste dès lors qu'il a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l'article L. 52-8 du présent code selon les modalités prévues à l'article 200 du code général des impôts (...) chaque candidat ou candidat tête de liste présent au premier tour dépose à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques son compte de campagne et ses annexes accompagné des justificatifs de ses recettes ainsi que des factures, devis et autres documents de nature à établir le montant des dépenses payées ou engagées par le candidat ou pour son compte " ; que l'article L. 52-15 du code électoral dispose : " La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne. Elle arrête le montant du remboursement forfaitaire prévu à l'article L. 52-11-1. (...) Lorsque la commission a constaté que le compte de campagne n'a pas été déposé dans le délai prescrit, si le compte a été rejeté ou si, le cas échéant après réformation, il fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales, la commission saisit le juge de l'élection. (...) " ; que le troisième alinéa de l'article L. 118-3 du code électoral dispose que le juge de l'élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, " prononce (...) l'inéligibilité du candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit en cas de volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales " ;

3. Considérant qu'aucune disposition législative ou règlementaire n'impose que le juge de l'élection sursoie à statuer sur la saisine de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques lorsque le candidat dont le compte a été rejeté a formé un recours gracieux devant cette autorité contre la décision rejetant son compte ; que M. B... n'est, par suite, pas fondé à soutenir que le tribunal aurait entaché son jugement d'irrégularité en statuant sur la saisine de la Commission alors que celle-ci ne s'était pas encore prononcée sur le recours gracieux qu'il avait formé devant elle ;

Sur le rejet du compte de campagne :

4. Considérant qu'il est constant que M. B...n'a pas contesté devant le tribunal les motifs pour lesquels la Commission a rejeté son compte, affirmant même dans ses écritures qu'il " (prenait) acte " de la décision de rejet du compte et " ne (pouvait) que regretter la négligence dont il (avait) fait preuve dans le suivi des opérations réalisées par le mandataire financier " ; qu'il n'est, par suite, pas fondé à soutenir que le tribunal aurait entaché son jugement d'insuffisance de motivation en omettant d'examiner les moyens qu'il aurait présentés contre le rejet de son compte ;

5. Considérant que M. B...conteste en revanche devant le Conseil d'Etat le rejet de son compte de campagne, en produisant certains justificatifs de ses dépenses et recettes ; que, toutefois, s'il fournit des photocopies de chèques pour justifier les 7 400 euros de dons de personnes physiques figurant sur son compte de campagne, l'un de ces chèques, d'un montant de 4 000 euros, est daté du 8 août 2014, date postérieure de plus de deux mois au dépôt du compte ; que les factures de l'imprimeur fournies ne permettent pas de distinguer les dépenses relevant de la campagne officielle des autres dépenses ; qu'enfin, M. B... ne justifie pas d'une somme de 1 621 euros correspondant à des dépenses qu'il a réglées directement ; que, d'ailleurs, ce règlement direct implique une méconnaissance des dispositions de l'article L. 52-4 du code électoral qui imposent de recourir à un mandataire pour toute dépense effectuée en vue de la campagne, sous réserve de la possibilité reconnue au candidat de régler directement de menues dépenses à la double condition que leur montant soit faible par rapport au total des dépenses du compte de campagne et négligeable au regard du plafond de dépenses autorisées fixé par l'article L. 52-11 du code électoral ; que dans ces conditions, c'est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de M. B...et a saisi le juge électoral ;

Sur l'inéligibilité :

6. Considérant que, pour déterminer si un manquement est d'une particulière gravité au sens des dispositions de l'article L. 118-3 citées ci-dessus, il incombe au juge de l'élection d'apprécier, d'une part, s'il s'agit d'un manquement caractérisé à une règle substantielle relative au financement des campagnes électorales, d'autre part, s'il présente un caractère délibéré ; [0]

7. Considérant que M. B...n'a fourni que des justificatifs parcellaires qui ne rendent compte que de moins de la moitié des dons reçus de personnes physiques et d'une partie des dépenses ; que s'il invoque son inexpérience et des négligences de son mandataire, il a, depuis la saisine du juge électoral, disposé du temps nécessaire pour réunir l'ensemble des justificatifs nécessaires ; qu'au surplus, ainsi qu'il a été dit au point 5, l'intéressé fait état devant le Conseil d'Etat de dépenses qui n'ont pas été inscrites à son compte de campagne, reconnaissant ainsi que celui-ci ne présentait pas un caractère exhaustif ; qu'au regard des circonstances de l'espèce, M. B... doit être regardé comme ayant commis un manquement d'une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales ; que, dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'a déclaré inéligible pour une durée de deux ans et, par suite, démissionnaire d'office de son mandat de conseiller municipal de la commune de Sarcelles et a, en application des dispositions de l'article L. 270 du code électoral, proclamé élue Mme C... A...;

Sur le montant de la dévolution :

8. Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 52-6 du code électoral : " Au terme de son mandat, le mandataire remet au candidat un bilan comptable de son activité. Lorsqu'un solde positif ne provenant pas de l'apport du candidat apparaît, il est dévolu, sur décision du candidat, soit à une association de financement d'un parti politique, soit à un ou plusieurs établissements reconnus d'utilité publique. (...) " ;

9. Considérant que, lorsque la Commission saisit le juge de l'élection à la suite d'une décision qui prononce le rejet du compte et détermine le montant devant faire l'objet d'une dévolution, le candidat est recevable, s'il s'y croit fondé, à contester devant ce juge le montant de la dévolution arrêté par la Commission et à demander que soit fixé un montant différent ; que cette possibilité lui est ouverte alors même qu'il ne conteste pas le rejet de son compte ; que, dans ces conditions, en rejetant les conclusions de M. B... tendant à une réduction du montant de la dévolution au motif que l'intéressé ne contestait pas le rejet de son compte, le tribunal administratif a sur ce point entaché son jugement d'irrégularité ; que, par suite, le jugement doit être annulé en tant qu'il oppose cette irrecevabilité ;

10. Considérant que le délai imparti au tribunal administratif par l'article R. 120 du code électoral pour statuer sur la saisine de la Commission nationale des comptes de campagnes et des financements politiques est expiré ; que, dès lors, il y a lieu pour le Conseil d'Etat de statuer immédiatement sur la décision de la Commission fixant le montant de la somme devant faire l'objet de la dévolution prévue à l'article L. 52-6 du code électoral ;

11. Considérant que le candidat ne saurait, pour obtenir une diminution du montant devant faire l'objet d'une dévolution en application des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 52-6, se prévaloir de dépenses qu'il a irrégulièrement faites et qu'il a omis de porter sur le compte de campagne qu'il a déposé dans les conditions fixées par l'article L. 52-12 ; que, dès lors, M. B... ne peut utilement faire valoir, afin d'obtenir la réformation de la décision de la Commission nationale en tant qu'elle constate l'existence sur son compte de campagne d'un solde positif de 4 029 euros devant faire l'objet d'une dévolution, que par suite d'erreurs certaines dépenses n'auraient pas été portées sur le compte ; qu'il suit de là que les conclusions dirigées contre la décision en tant qu'elle fixe le montant de la dévolution doivent être rejetées ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 19 février 2015 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions tendant à ce que la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques relative au compte de campagne de M. B...soit réformée en tant qu'elle fixe la somme devant faire l'objet d'une dévolution en application de l'article L. 52-6 du code électoral.

Article 2 : Les conclusions mentionnées à l'article 1er sont rejetées.

Article 3 : Le compte de campagne de M. B...a été rejeté à bon droit par la Commission nationale des comptes de campagnes et des financements politiques.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. B...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, à M. D...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Val-d'Oise et à Mme C...A....


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

ÉLECTIONS ET RÉFÉRENDUM - DISPOSITIONS GÉNÉRALES APPLICABLES AUX ÉLECTIONS - FINANCEMENT ET PLAFONNEMENT DES DÉPENSES ÉLECTORALES - COMPTE DE CAMPAGNE - JUGE DE L'ÉLECTION SAISI À LA SUITE DU REJET D'UN COMPTE DE CAMPAGNE - CANDIDAT NE CONTESTANT EN PREMIÈRE INSTANCE QUE L'INÉLIGIBILITÉ - RECEVABILITÉ À CONTESTER EN APPEL LE REJET DU COMPTE - EXISTENCE.

28-005-04-02 Le candidat qui n'a pas contesté devant le tribunal administratif le rejet de son compte de campagne, se bornant à soutenir qu'il n'y avait pas lieu de le déclarer inéligible, est recevable à contester en appel devant le Conseil d'Etat, après que le tribunal administratif l'a déclaré inéligible, le rejet de son compte de campagne.

ÉLECTIONS ET RÉFÉRENDUM - RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES - JUGE DE L'ÉLECTION SAISI À LA SUITE DU REJET D'UN COMPTE DE CAMPAGNE - CANDIDAT NE CONTESTANT EN PREMIÈRE INSTANCE QUE L'INÉLIGIBILITÉ - RECEVABILITÉ À CONTESTER EN APPEL LE REJET DU COMPTE - EXISTENCE.

28-08 Le candidat qui n'a pas contesté devant le tribunal administratif le rejet de son compte de campagne, se bornant à soutenir qu'il n'y avait pas lieu de le déclarer inéligible, est recevable à contester en appel devant le Conseil d'Etat, après que le tribunal administratif l'a déclaré inéligible, le rejet de son compte de campagne.


Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 02 nov. 2015, n° 388721
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Marie Gautier-Melleray
Rapporteur public ?: Mme Laurence Marion

Origine de la décision
Formation : 5ème / 4ème ssr
Date de la décision : 02/11/2015
Date de l'import : 28/04/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 388721
Numéro NOR : CETATEXT000031419332 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2015-11-02;388721 ?
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