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07/12/2015 | FRANCE | N°374857

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème ssr, 07 décembre 2015, 374857


Vu la procédure suivante :

La société anonyme Figesbal a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de lui accorder la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et activités métallurgiques ou minières auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2005, 2006 et 2007. Par un jugement n° 1000205 du 2 mars 2012, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie n'a que partiellement fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 12PA02909 du 18 octobre 2013, la cour administrative d'appel de Paris, sur appel de la so

ciété Figesbal, a réformé ce jugement, a déchargé la société de la fraction de ...

Vu la procédure suivante :

La société anonyme Figesbal a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de lui accorder la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et activités métallurgiques ou minières auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2005, 2006 et 2007. Par un jugement n° 1000205 du 2 mars 2012, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie n'a que partiellement fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 12PA02909 du 18 octobre 2013, la cour administrative d'appel de Paris, sur appel de la société Figesbal, a réformé ce jugement, a déchargé la société de la fraction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés et activités métallurgiques ou minières à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2005 résultant de la réduction des bases imposables à cet impôt d'une somme de 21 944 687 francs CFP et a rejeté le surplus des conclusions de sa requête.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 janvier et 15 avril 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Figesbal demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 4 de cet arrêt en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la Nouvelle-Calédonie la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 ;

- le code des impôts de la Nouvelle-Calédonie ;

- la loi du pays n° 2006-2 du 24 janvier 2006 ;

- la délibération n° 281 du 24 février 1988 du Congrès du Territoire de la Nouvelle-Calédonie, modifiée par la délibération n° 212/CP du 15 octobre 1997 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Mathieu Herondart, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de la société Figesbal et à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat du gouvernement de la Nouvelle Calédonie ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'une vérification de comptabilité, la société Figesbal, holding du groupe Ballande et qui a son siège en Nouvelle-Calédonie, a été assujettie par l'administration fiscale de cette collectivité à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et activités métallurgiques ou minières au titre des exercices clos en 2005, 2006 et 2007 ; qu'elle demande l'annulation de l'article 4 de l'arrêt du 18 octobre 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté le surplus des conclusions de sa requête dirigée contre le jugement du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie du 2 mars 2012 qui n'avait que partiellement fait droit à sa demande en décharge des impositions supplémentaires mises à sa charge ;

Sur le bien-fondé de l'arrêt en ce qui concerne les provisions pour indemnités de départ à la retraite :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 21 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie, dans sa rédaction en vigueur à la date des impositions en litige : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges à condition : - de se rattacher à la gestion normale de l'entreprise ou d'être exposées dans l'intérêt de l'exploitation ; / (...) Ces charges comprennent, notamment : / (...) e) Les provisions si elles répondent aux conditions fixées aux articles 27 et suivants. / (...) " ; qu'aux termes de l'article 27 du même code : " I. Les provisions sont admises en déduction du bénéfice imposable lorsqu'elles remplissent les conditions suivantes : / Elles doivent : / a) être destinées à faire face soit à une perte ou à la dépréciation d'un élément d'actif, soit à une charge qui, si elle était intervenue au cours de la période d'imposition, aurait normalement pu venir en déduction des bénéfices imposables de cette période ; / b) être probables et non pas simplement éventuelles ; / c) trouver leur source ou leur origine dans des faits intervenus au cours de la période d'imposition ; / d) être nettement précisées (...) " ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 19-3 de la délibération du 24 février 1988 du congrès du territoire de la Nouvelle-Calédonie relative au contrat de travail, alors applicable : " En cas de rupture du contrat de travail pour départ ou mise à la retraite, le salarié a droit sous réserve de dispositions conventionnelles ou contractuelles plus favorables : / - s'il quitte volontairement l'entreprise pour bénéficier du droit à la pension de vieillesse prévue par la réglementation territoriale, à une indemnité de départ en retraite égale à un dixième de mois par année de service chez l'employeur ; / - lorsque la mise à la retraite résulte d'une décision de l'employeur, à une indemnité de départ en retraite calculée comme suit (...) " ;

4. Considérant qu'en jugeant que ces dernières dispositions n'ouvrent droit à une indemnité de départ au salarié que lorsqu'il quitte volontairement l'entreprise pour bénéficier d'une pension de vieillesse ou qu'il est mis à la retraite en conséquence d'une décision de son employeur, mais pas en cas de rupture du contrat de travail pour un autre motif que le départ à la retraite, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ; qu'en estimant que, dès lors, les charges correspondant au versement à l'ensemble des salariés de la société Figesbal d'indemnités de départ à la retraite ne pouvaient être regardées comme probables et ne pouvaient justifier la constitution de provision, la cour a porté sur les faits une appréciation souveraine qui, en l'absence de dénaturation, n'est pas susceptible d'être discutée devant le juge de cassation ;

Sur le bien-fondé de l'arrêt en ce qui concerne la provision pour risque de non-recouvrement de créances :

5. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 21 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie que le bénéfice net est établi sous déduction des charges, comprenant notamment des provisions, se rattachant à la gestion normale de l'entreprise ou exposées dans l'intérêt de l'exploitation ; que ne peuvent donc être déduites du bénéfice net passible de l'impôt sur les sociétés et activités métallurgiques ou minières les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges étrangères à une gestion normale ; que c'est au regard du seul intérêt propre de l'entreprise que l'administration, à qui il n'appartient pas de se prononcer sur l'opportunité des choix arrêtés par une entreprise pour la gestion de son activité commerciale, doit apprécier si les prestations exercées par une société au profit de filiales implantées dans d'autres pays correspondent à des actes de gestion normale ;

6. Considérant que, pour juger que l'administration devait être regardée comme établissant que le fait pour la société Figesbal de continuer à rendre et à facturer des services à sa filiale Ballande Asia ne répondait pas à une gestion normale, la cour s'est fondée sur la circonstance que la société requérante avait constitué une provision pour dépréciation de la totalité des titres de cette société ; que, toutefois, les difficultés financières que peut rencontrer une filiale ne sauraient établir par elles-mêmes que les services administratifs et financiers qui lui sont rendus par sa société mère ne relèvent pas, de la part de celle-ci, d'une gestion normale ; que, par suite, la cour a commis une erreur de droit en jugeant que l'administration pouvait se fonder sur de tels motifs pour refuser la déduction, en 2005, d'une provision pour risque de non-recouvrement des créances détenues sur la société Ballande Asia ;

Sur le bien-fondé de l'arrêt en ce qui concerne la correction symétrique de l'actif net du bilan d'ouverture de l'exercice 2005 :

7. Considérant qu'aux termes du II de l'article 18 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt(...). L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiées " ; qu'en application de ces seules dispositions, lorsque les bénéfices imposables d'un contribuable ont été déterminés sur leur fondement, les erreurs ou omissions qui entachent les écritures comptables retracées au bilan de clôture d'un exercice ou d'une année d'imposition et entraînent une sous-estimation ou une surestimation de l'actif net de l'entreprise peuvent, à l'initiative du contribuable qui les a involontairement commises, ou à celle de l'administration exerçant son droit de reprise, être réparées dans ce bilan ; que les mêmes erreurs ou omissions, s'il est établi qu'elles se retrouvent dans les écritures de bilan d'autres exercices, doivent y être symétriquement corrigées, dès lors qu'elles ne revêtent pas, pour le contribuable qui les invoque, un caractère délibéré et alors même que tout ou partie de ces exercices seraient couverts par la prescription prévue à l'article 985 du code des impôts ;

8. Considérant, toutefois, qu'aux termes du VI de l'article 18 de ce même code, introduit par l'article 2 de la loi du pays du 24 janvier 2006 : " Pour l'application des dispositions du II, pour le calcul de la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de l'exercice, l'actif net d'ouverture du premier exercice non prescrit (...) ne peut être corrigé des omissions ou erreurs entraînant une sous-estimation ou surestimation de celui-ci " ; que, sur le fondement de ces dispositions, l'administration, qui a tiré les conséquences de la remise en cause des provisions constituées par la société en procédant, pour déterminer le montant des redressements, à la correction symétrique des bilans des exercices 2007 et 2006, a cependant refusé de corriger le bilan d'ouverture de l'exercice 2005, premier exercice non prescrit ;

9. Considérant que les dispositions du VI de l'article 18 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie sont relatives à la détermination de l'assiette de l'impôt ; que, par suite, la cour a commis une erreur de droit en se fondant sur la date de la notification de redressements et non sur le fait générateur des impositions litigieuses pour déterminer si ces dispositions étaient applicables ;

10. Considérant, toutefois, qu'aux termes de l'article 85 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie : " Lorsque le budget de la Nouvelle-Calédonie a été adopté, les lois du pays et les délibérations adoptées par le congrès en matière de contributions directes ou taxes assimilées entrent en vigueur le 1er janvier qui suit l'ouverture de la session budgétaire alors même qu'elles n'auraient pas pu être publiées avant cette date. / Les règles applicables aux impôts sur le revenu et à l'impôt sur le bénéfice des sociétés et des autres personnes morales sont celles qui sont en vigueur au dernier jour de la période au titre de laquelle l'impôt est dû " ; qu'eu égard à leur objet, ces dispositions doivent s'entendre comme impliquant qu'une fois promulguées, les lois du pays sont opposables à compter de leur adoption ; que l'article 2 de la loi du pays du 24 janvier 2006 a été adopté par le congrès de Nouvelle-Calédonie le 28 décembre 2005 et était donc applicable à la détermination des cotisations d'impôt sur les sociétés dues par la société Figesbal au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2005 ; que ce motif doit être substitué au motif retenu par l'arrêt attaqué, dont il justifie, sur ce point, le dispositif ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Figesbal est seulement fondée à demander l'annulation de l'article 4 de l'arrêt qu'elle attaque en tant qu'il s'est prononcé sur la remise en cause de la déduction du bénéfice imposable de l'exercice 2005 de la provision constituée au titre du risque de non-recouvrement de créances détenues sur la société Ballande Asia ;

12. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Nouvelle-Calédonie la somme de 2 000 euros à verser à la société Figesbal, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie à la présente instance ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 4 de l'arrêt du 18 octobre 2013 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé en tant qu'il s'est prononcé sur les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et activités métallurgiques ou minières résultant de la remise en cause de la déduction du bénéfice imposable de l'exercice 2005 de la provision constituée au titre du risque de non-recouvrement de créances détenues sur la société Ballande Asia.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Paris.

Article 3 : La Nouvelle-Calédonie versera à la société Figesbal la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi et les conclusions de la Nouvelle-Calédonie tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société anonyme Figesbal et au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème ssr
Numéro d'arrêt : 374857
Date de la décision : 07/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

OUTRE-MER - DROIT APPLICABLE - STATUTS - NOUVELLE-CALÉDONIE - LOIS DU PAYS FISCALES ADOPTÉES APRÈS ADOPTION DU BUDGET (ART - 85 DU STATUT) - 1) OPPOSABILITÉ À COMPTER DE LEUR ADOPTION [RJ1] - 2) APPLICATION À L'ESPÈCE.

46-01-02-01 1) Eu égard à leur objet, les dispositions de l'article 85 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 doivent s'entendre comme impliquant qu'une fois promulguées, les lois du pays adoptées par le congrès en matière de contributions directes ou taxes assimilées après adoption du budget sont opposables à compter de leur adoption.... ,,2) L'article 2 de la loi du pays n° 2006-2 du 24 janvier 2006 a été adopté par le congrès de Nouvelle-Calédonie le 28 décembre 2005 et était donc applicable à la détermination des cotisations d'impôt sur les sociétés dues au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2005.

OUTRE-MER - DROIT APPLICABLE - RÉGIME ÉCONOMIQUE ET FINANCIER - NOUVELLE-CALÉDONIE - LOIS DU PAYS FISCALES ADOPTÉES APRÈS ADOPTION DU BUDGET (ART - 85 DU STATUT) - 1) OPPOSABILITÉ À COMPTER DE LEUR ADOPTION [RJ1] - 2) APPLICATION À L'ESPÈCE.

46-01-06 1) Eu égard à leur objet, les dispositions de l'article 85 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 doivent s'entendre comme impliquant qu'une fois promulguées, les lois du pays adoptées par le congrès en matière de contributions directes ou taxes assimilées après adoption du budget sont opposables à compter de leur adoption.... ,,2) L'article 2 de la loi du pays n° 2006-2 du 24 janvier 2006 a été adopté par le congrès de Nouvelle-Calédonie le 28 décembre 2005 et était donc applicable à la détermination des cotisations d'impôt sur les sociétés dues au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2005.


Références :

[RJ1]

Rappr. CE, 15 mars 2006, Société Super Fare Nui, n° 288755, T. p. 967.


Publications
Proposition de citation : CE, 07 déc. 2015, n° 374857
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Mathieu Herondart
Rapporteur public ?: Mme Nathalie Escaut
Avocat(s) : SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET ; SCP JEAN-PHILIPPE CASTON

Origine de la décision
Date de l'import : 01/02/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:374857.20151207
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