Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 11 octobre 2010 par laquelle le ministre chargé de l'action sociale a refusé de l'admettre au bénéfice de l'aide médicale d'Etat en application du deuxième alinéa de l'article L. 251-1 du code de l'action sociale et des familles et d'enjoindre au ministre de faire droit à sa demande dans un délai d'un mois suivant la notification du jugement. Par un jugement n° 1021735 du 10 avril 2012, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 13PA00384 du 20 janvier 2014, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par Mme A...contre le jugement du tribunal administratif de Paris.
Procédure devant le Conseil d'Etat
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 6 juin 2014, 8 septembre 2014 et 31 mars 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 20 janvier 2014 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à son avocat, Me Le Prado, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Marie Sirinelli, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Le Prado, avocat de MmeA... ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 251-1 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction applicable à la date à compter de laquelle le bénéfice de l'aide médicale était sollicité : " Tout étranger résidant en France de manière ininterrompue depuis plus de trois mois, sans remplir la condition de régularité mentionnée à l'article L. 380-1 du code de la sécurité sociale et dont les ressources ne dépassent pas le plafond mentionné à l'article L. 861-1 de ce code a droit, pour lui-même et les personnes à sa charge au sens des articles L. 161-14 et L. 313-3 de ce code, à l'aide médicale de l'Etat. / En outre, toute personne qui, ne résidant pas en France, est présente sur le territoire français, et dont l'état de santé le justifie, peut, par décision individuelle prise par le ministre chargé de l'action sociale, bénéficier de l'aide médicale de l'Etat dans les conditions prévues par l'article L. 252-1. Dans ce cas, la prise en charge des dépenses mentionnées à l'article L. 251-2 peut être partielle (...) " ; que, par ailleurs, en vertu des articles L. 254-1 et L. 254-2 du même code, les étrangers résidant en France qui ne remplissent pas la condition de régularité du séjour mentionnée à l'article L. 380-1 du code de la sécurité sociale et qui ne sont pas bénéficiaires de l'aide médicale de l'Etat en vertu de l'article L. 251-1 bénéficient de la prise en charge des " soins urgents dont l'absence mettrait en jeu le pronostic vital ou pourrait conduire à une altération grave et durable de l'état de santé de la personne " ;
2. Considérant qu'il résulte de l'ensemble des textes cités ci-dessus que les dispositions du deuxième alinéa de l'article L 251-1 du code de l'action sociale et des familles doivent être interprétées comme permettant au ministre chargé de l'action sociale d'accorder le bénéfice de l'aide médicale de l'Etat à des personnes dont l'état de santé le justifie qui, ne résidant pas de manière ininterrompue sur le territoire national depuis plus de trois mois, ne bénéficient pas du droit prévu par les dispositions du premier alinéa du même article ; qu'à cette fin, le ministre dispose d'un large pouvoir pour apprécier, au regard de l'ensemble des circonstances de l'espèce, l'opportunité d'accorder une telle aide ;
3. Considérant que la cour administrative d'appel de Paris a relevé que Mme B...A..., ressortissante guinéenne, est entrée sur le territoire français en avril 2009 et a été admise en urgence, le 5 juin 2009, à l'hôpital européen de Paris - La Roseraie à Aubervilliers, où elle a subi une opération le 11 juin 2009 ; qu'après avoir jugé que l'intéressée devait être regardée, à cette date, comme résidant en France, la cour en a déduit qu'elle n'entrait pas dans les prévisions du deuxième alinéa de l'article L. 251-1 du code de l'action sociale et des familles ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point 2 ci-dessus qu'en jugeant qu'une personne ne peut relever des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 251-1 du code de l'action sociale et des familles au seul motif qu'elle réside en France à la date des soins dont elle sollicite la prise en charge, alors même qu'elle ne remplirait pas la condition de résidence ininterrompue de plus de trois mois pour prétendre au bénéfice du droit prévu par les dispositions du premier alinéa du même article, la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, Mme A...est fondée à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 20 janvier 2014 ;
5. Considérant que Mme A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Le Prado, avocat de MmeA..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me Le Prado ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 20 janvier 2014 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : L'Etat versera à Me Le Prado, avocat de MmeA..., une somme de 2 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme B...A...et à la ministre des affaires sociales et de la santé.