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27/05/2016 | FRANCE | N°394960

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 27 mai 2016, 394960


Vu la procédure suivante :

La fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) et la fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles (FDSEA) de la Somme ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 28 décembre 2012 du préfet de la région Nord-Pas-de-Calais, préfet coordonnateur de bassin Artois-Picardie, portant délimitation des zones vulnérables aux pollutions par les nitrates d'origine agricole dans le bassin Artois-Picardie. Par un jugement n° 1301221 du 18 juin 2015, le tribunal adminis

tratif de Lille a annulé cet arrêté.

Par un recours enregistré le 17 ...

Vu la procédure suivante :

La fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) et la fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles (FDSEA) de la Somme ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 28 décembre 2012 du préfet de la région Nord-Pas-de-Calais, préfet coordonnateur de bassin Artois-Picardie, portant délimitation des zones vulnérables aux pollutions par les nitrates d'origine agricole dans le bassin Artois-Picardie. Par un jugement n° 1301221 du 18 juin 2015, le tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté.

Par un recours enregistré le 17 septembre 2015 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a demandé qu'il soit sursis à exécution de ce jugement. Par une ordonnance n° 15DA01545 du 16 novembre 2015, le président de la première chambre de la cour a rejeté cette requête.

Par un pourvoi et un mémoire en réplique enregistrés les 1er décembre 2015 et 13 avril 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie demande au Conseil d'Etat d'annuler cette ordonnance et, réglant l'affaire au titre du sursis à exécution, de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Lille du 18 juin 2015.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention sur l'évaluation de l'impact sur l'environnement dans un contexte transfrontière signée à Espoo le 25 février 1991 ;

- la convention pour la protection du milieu marin de l'Atlantique du Nord-Est signée à Paris le 22 septembre 1992 dite convention OSPAR ;

- la directive n° 91/676/CEE du Conseil du 12 décembre 1991 ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Didier Ribes, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) et autre ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement " ;

2. Considérant que, par un jugement du 18 juin 2015, le tribunal administratif de Lille a annulé, à la demande de la fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) et de la fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles (FDSEA) de la Somme, l'arrêté du 28 décembre 2012 du préfet de la région Nord-Pas-de-Calais, préfet coordonnateur de bassin Artois-Picardie, portant délimitation des zones vulnérables aux pollutions par les nitrates d'origine agricole dans le bassin Artois-Picardie ; que, par l'ordonnance attaquée du 16 novembre 2015, le président de la première chambre de la cour administrative d'appel de Douai a rejeté la demande du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie tendant à ce qu'il soit sursis à exécution de ce jugement en application, notamment, de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, au motif qu'en se bornant à renvoyer au mémoire présenté dans sa demande au fond, il n'avait pas mis à même le juge du sursis à exécution d'apprécier le sérieux du moyen présenté ;

3. Considérant qu'il est loisible à un requérant de se référer à un document qu'il joint à sa requête, notamment un autre mémoire, dès lors que sa requête satisfait, par ailleurs, à l'obligation de motivation ; que le recours du ministre présenté devant la cour administrative d'appel de Douai était motivé, notamment au regard des conditions justifiant, selon le ministre, qu'il soit sursis à exécution du jugement litigieux sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative ; qu'il était loisible au ministre de se référer expressément, à l'appui de son recours tendant au sursis à exécution du jugement litigieux, aux moyens de son recours présenté devant la cour et tendant à l'annulation du jugement dont le sursis à exécution était demandé ; qu'il suit de là qu'en estimant que le recours du ministre à fin de sursis à exécution ne mettait pas le juge du sursis à exécution à même d'apprécier le sérieux du moyen présenté, au motif qu'il renvoyait à ses écritures d'appel, le président de la première chambre de la cour administrative d'appel de Douai a entaché son ordonnance d'une erreur de droit ; que son ordonnance doit, par suite, être annulée ;

4. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de sursis engagée par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ;

5. Considérant, d'une part, que le moyen tiré de ce que le tribunal administratif a exercé à tort un entier contrôle sur la fixation par le préfet du seuil de teneur en nitrates des eaux ayant subi ou risquant de subir une eutrophisation et a commis une erreur d'appréciation doit être regardé, en l'état de l'instruction, comme sérieux ;

6. Considérant, d'autre part, que si la FDSEA de la Somme et la FNSEA ont invoqué, au soutien de leur demande d'annulation de l'arrêté litigieux, des moyens tirés de ce que le préfet de la région Nord-Pas-de-Calais n'était pas compétent pour déterminer la valeur-seuil de classement au titre de la pollution des eaux marines, de ce qu'il n'est pas établi que l'ensemble des consultations requises par l'article R. 211-77 du code de l'environnement ont été faites et que le délai laissé à ces autorités consultatives était trop court, de ce que la procédure de participation du public n'a pas respecté les dispositions de l'article 7 de la Charte de l'environnement et des articles 6 et suivants de la convention d'Aarhus du 25 juin 1998, de ce que les autorités de Belgique, de la communauté française de Belgique, de la communauté flamande de Belgique, de la communauté de Bruxelles-capitale, des Pays-Bas, de la province du Brabant septentrional et de la province de Zélande auraient dû être consultées, en application des dispositions de la convention sur la protection et l'utilisation des cours d'eau transfrontaliers et des lacs intérieurs signée à Helsinki le 17 mars 1993 et de la directive 91/676/CEE, de ce que la circulaire du 22 décembre 2011 sur laquelle est fondé l'arrêté attaqué est entachée d'incompétence, de ce que les critères retenus pour le classement des communes en zones vulnérables sont entachés d'une erreur d'appréciation, s'agissant du périmètre examiné, de la prise en compte du critère percentile 90, de l'insuffisance du nombre de points de mesure et de l'homogénéisation effectuée des masses d'eau de l'Authie, de ce que la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elle n'a pas pris en compte les avis rendus par les instances consultées, de ce que l'arrêté attaqué porte une atteinte excessive au droit de propriété garanti par l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, de ce que la définition retenue par le préfet de l'eutrophisation marine n'est pas conforme à la directive nitrates, à la convention OSPAR, à la directive cadre sur l'eau et à la jurisprudence communautaire, de ce que le principe d'égalité a été méconnu en ce que la méthode de calcul de la valeur-seuil est différente d'un bassin à l'autre, de ce que les seuils retenus pour le classement des zones vulnérables méconnaissent les objectifs fixés par la directive 91/676/CEE et sont dépourvus de logique et de ce que le critère de la qualité des eaux souterraines ne pouvait être retenu pour le classement en zone vulnérable du secteur de l'Authie, de ce que les articles R. 211-75 et suivants du code de l'environnement sont entachés d'incompétence négative, de ce que la circulaire du 22 décembre 2011 constitue la seule base légale de l'arrêté litigieux, de ce que la consultation des autorités étrangères limitrophes s'imposait, en application de l'article 5 de la convention d'Espoo du 25 février 1991, de ce que la circulaire du 22 décembre 2011 est illégale en ce qu'elle a une portée impérative, aucun de ces moyens n'apparaît, en l'état de l'instruction, de nature à confirmer l'annulation de cet arrêté ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen soulevé par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie à l'encontre du jugement du tribunal administratif de Lille du 18 juin 2015 parait, en l'état de l'instruction, de nature à justifier, outre l'annulation de ce jugement, le rejet des conclusions à fin d'annulation qu'il avait accueillies ; que, par suite, il y a lieu d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement ;

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance du 16 novembre 2015 du président de la première chambre de la cour administrative d'appel de Douai est annulée.

Article 2 : Il est sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Lille du 18 juin 2015 jusqu'à ce que la cour administrative d'appel de Douai ait statué sur le recours du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, à la fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles et la fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles de la Somme.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 27 mai. 2016, n° 394960
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Didier Ribes
Rapporteur public ?: Mme Suzanne von Coester
Avocat(s) : SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN

Origine de la décision
Formation : 6ème chambre
Date de la décision : 27/05/2016
Date de l'import : 20/02/2018

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 394960
Numéro NOR : CETATEXT000032592459 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2016-05-27;394960 ?
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