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27/05/2016 | FRANCE | N°397842

France | France, Conseil d'État, 5ème - 4ème chambres réunies, 27 mai 2016, 397842


Vu la procédure suivante :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'ordonner au préfet de la Seine-Saint-Denis, en application de l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation, de lui attribuer un logement tenant compte de ses besoins et capacités dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 2 000 euros par mois de retard.

Par un jugement n° 1600565 du 10 mars 2016, le tribunal administratif de Montreuil, avant de statuer sur la demande de MmeA..., a décidé, par applic

ation des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice admin...

Vu la procédure suivante :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'ordonner au préfet de la Seine-Saint-Denis, en application de l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation, de lui attribuer un logement tenant compte de ses besoins et capacités dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 2 000 euros par mois de retard.

Par un jugement n° 1600565 du 10 mars 2016, le tribunal administratif de Montreuil, avant de statuer sur la demande de MmeA..., a décidé, par application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette affaire au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen les questions suivantes :

1°) Le 8e alinéa de l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation prévoyant le versement de l'astreinte au fonds d'accompagnement vers et dans le logement est-il compatible avec le droit au procès équitable garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales '

2°) Dans le cas où cette disposition législative ne serait pas compatible avec le droit ainsi garanti, y a-t-il lieu d'en écarter partiellement l'application et de condamner l'Etat à verser l'astreinte à la requérante ou de ne plus prononcer d'astreinte sur ce fondement législatif mais sur le fondement des dispositions générales de l'article L. 911-3 du code de justice administrative '

Le ministre du logement et de l'habitat durable a produit des observations, enregistrées le 6 avril 2016.

Mme A...a produit des observations, enregistrées le 19 avril 2016.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de justice administrative, notamment son article L. 113-1 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alain Seban, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;

- La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de MmeA... ;

REND L'AVIS SUIVANT

1. Aux termes de l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation : " I. - Le demandeur qui a été reconnu par la commission de médiation comme prioritaire et comme devant être logé d'urgence et qui n'a pas reçu, dans un délai fixé par décret, une offre de logement tenant compte de ses besoins et de ses capacités peut introduire un recours devant la juridiction administrative tendant à ce que soit ordonné son logement ou son relogement. / (...) / Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne, lorsqu'il constate que la demande a été reconnue comme prioritaire par la commission de médiation et doit être satisfaite d'urgence et que n'a pas été offert au demandeur un logement tenant compte de ses besoins et de ses capacités, ordonne le logement ou le relogement de celui-ci par l'Etat et peut assortir son injonction d'une astreinte. Le jugement prononçant l'astreinte mentionne que les sommes doivent être versées jusqu'au jugement de liquidation définitive. / Le montant de cette astreinte est déterminé en fonction du loyer moyen du type de logement considéré comme adapté aux besoins du demandeur par la commission de médiation. / Le produit de l'astreinte est versé au fonds national d'accompagnement vers et dans le logement, institué en application de l'article L. 300-2. / (...) II. - Le demandeur qui a été reconnu par la commission de médiation comme prioritaire et comme devant être accueilli dans une structure d'hébergement, un établissement ou logement de transition, un logement-foyer ou une résidence hôtelière à vocation sociale et qui n'a pas été accueilli, dans un délai fixé par décret, dans l'une de ces structures peut introduire un recours devant la juridiction administrative tendant à ce que soit ordonné son accueil dans une structure d'hébergement, un établissement ou logement de transition, un logement-foyer ou une résidence hôtelière à vocation sociale. / (...) / Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne, lorsqu'il constate que la demande a été reconnue prioritaire par la commission de médiation et que n'a pas été proposée au demandeur une place dans une structure d'hébergement, un établissement ou logement de transition, un logement-foyer ou une résidence hôtelière à vocation sociale, ordonne l'accueil dans l'une de ces structures et peut assortir son injonction d'une astreinte. Le jugement prononçant l'astreinte mentionne que les sommes doivent être versées jusqu'au jugement de liquidation définitive. / (...) ".

2. La voie de recours spécifique ouverte aux demandeurs par les dispositions de l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation, devant un juge doté d'un pouvoir d'injonction et d'astreinte de nature à surmonter les éventuels obstacles à l'exécution de ses décisions, présente un caractère effectif, au regard des exigences découlant de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il en va ainsi, alors même que l'astreinte éventuellement prononcée sur le fondement de l'article précité, compte tenu des critères qu'il énonce, est versée par l'Etat, non au requérant, mais au fonds d'accompagnement dans et vers le logement, créé par l'article L. 300-2 du code de la construction et de l'habitation et institué, depuis 2011, au sein d'un établissement public national autonome, la Caisse de garantie du logement locatif social.

Le présent avis sera notifié au tribunal administratif de Montreuil, à Mme B... A...et au ministre du Logement et de l'Habitat durable.

Il sera publié au Journal officiel de la République française.


Synthèse
Formation : 5ème - 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 397842
Date de la décision : 27/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

DROITS CIVILS ET INDIVIDUELS - CONVENTION EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME - DROITS GARANTIS PAR LA CONVENTION - DROIT À UN PROCÈS ÉQUITABLE (ART - 6) - VIOLATION - ABSENCE - RECOURS DEVANT LE JUGE DU DROIT AU LOGEMENT OPPOSABLE (ART - L - 441-2-3 DU CCH) [RJ1].

26-055-01-06-02 La voie de recours spécifique ouverte aux demandeurs par l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation (CCH), devant un juge doté d'un pouvoir d'injonction et d'astreinte de nature à surmonter les éventuels obstacles à l'exécution de ses décisions, présente un caractère effectif, au regard des exigences découlant de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (convention EDH). Il en va ainsi alors même que l'astreinte éventuellement prononcée sur le fondement de l'article précité, compte tenu des critères qu'il énonce, est versée par l'Etat, non au requérant, mais au fonds d'accompagnement dans et vers le logement, créé par l'article L. 300-2 du code de la construction et de l'habitation et institué, depuis 2011, au sein d'un établissement public national autonome, la Caisse de garantie du logement locatif social.

LOGEMENT - RECOURS DEVANT LE JUGE DU DALO (ART - L - 441-2-3 DU CCH) - MÉCONNAISSANCE DU DROIT D'ACCÉDER À UN TRIBUNAL DOTÉ DE POUVOIRS EFFECTIFS (ART - 6§1 DE LA CONV - EDH) - ABSENCE [RJ1].

38-07-01 La voie de recours spécifique ouverte aux demandeurs par l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation (CCH), devant un juge doté d'un pouvoir d'injonction et d'astreinte de nature à surmonter les éventuels obstacles à l'exécution de ses décisions, présente un caractère effectif, au regard des exigences découlant de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (convention EDH). Il en va ainsi alors même que l'astreinte éventuellement prononcée sur le fondement de l'article précité, compte tenu des critères qu'il énonce, est versée par l'Etat, non au requérant, mais au fonds d'accompagnement dans et vers le logement, créé par l'article L. 300-2 du code de la construction et de l'habitation et institué, depuis 2011, au sein d'un établissement public national autonome, la Caisse de garantie du logement locatif social.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, 2 juillet 2010, Maache, n° 332825, p. 232. Comp. Cour EDH, 9 avril 2015, n° 65829/12, Tchokontio Happi c. France.


Publications
Proposition de citation : CE, 27 mai. 2016, n° 397842
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Alain Seban
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:397842.20160527
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