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29/06/2016 | FRANCE | N°383244

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 29 juin 2016, 383244


Vu la procédure suivante :

La société Electricité de France (EDF) a demandé au tribunal administratif de Basse-Terre de condamner le département de la Guadeloupe à lui verser une indemnité de 687 062,66 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 juillet 2006, en réparation du préjudice lié au déplacement d'une ligne électrique d'une tension de 63 000 volts. Par un jugement n° 0600285 du 2 décembre 2011, le tribunal administratif de Basse-Terre a fait droit à cette demande.

Par un arrêt n° 12BX00537 du 27 mai 2014, la cour administrative d'app

el de Bordeaux a annulé ce jugement et rejeté la demande présentée par la société...

Vu la procédure suivante :

La société Electricité de France (EDF) a demandé au tribunal administratif de Basse-Terre de condamner le département de la Guadeloupe à lui verser une indemnité de 687 062,66 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 juillet 2006, en réparation du préjudice lié au déplacement d'une ligne électrique d'une tension de 63 000 volts. Par un jugement n° 0600285 du 2 décembre 2011, le tribunal administratif de Basse-Terre a fait droit à cette demande.

Par un arrêt n° 12BX00537 du 27 mai 2014, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé ce jugement et rejeté la demande présentée par la société EDF devant le tribunal comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 29 juillet et 29 octobre 2014 et le 12 janvier 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société EDF demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du département de la Guadeloupe ;

3°) de mettre à la charge du département de la Guadeloupe la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie ;

- le code de l'énergie ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie-Gabrielle Merloz, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Electricité de France (EDF) et à Me Haas, avocat du département de la Guadeloupe ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'en application de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie alors en vigueur, une convention conclue le 18 mars 1992 entre la société Electricité de France (EDF) et la société agricole de la Guadeloupe a institué, sur des parcelles dont était propriétaire cette dernière société, une servitude portant sur deux pylônes servant de support à une ligne électrique d'une tension de 63 000 volts ; que le département de la Guadeloupe s'est rendu acquéreur de la parcelle grevée de cette servitude en vue d'y construire un collège ; qu'à la suite de cette construction, peu avant l'ouverture du collège en septembre 2002, des travaux d'excavation ont été entrepris conduisant au descellement du pylône qui se situait désormais dans la cour du collège ; qu'après être intervenue en urgence pour mettre en place des mesures provisoires afin de stabiliser le pylône et garantir la sécurité dans le collège, la société EDF a procédé, à compter de la fin de l'année 2002, à des travaux de dérivation définitive de la ligne existante par un déplacement de ce pylône ; que ces travaux se sont achevés le 26 février 2005 ; que la société EDF se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 27 mai 2014 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé le jugement du 2 décembre 2011 du tribunal administratif de Basse-Terre condamnant le département de la Guadeloupe à lui rembourser le coût de ces travaux, soit 687 062, 66 euros, assortis des intérêts au taux légal, et rejeté sa demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

2. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 12 de la loi du 15 juin 1906, désormais codifiée aux articles L. 323-3 et suivants du code de l'énergie, que les concessionnaires de la distribution d'électricité ont le droit de " faire passer les conducteurs d'électricité au-dessus des propriétés privées " et d'établir " des supports pour conducteurs aériens, sur des terrains privés non bâtis " ; que si les juridictions judiciaires sont compétentes pour connaître des dommages qui sont les conséquences certaines, directes et immédiates des servitudes instituées par cette loi au profit des concessionnaires, tels que la dépréciation de l'immeuble, les troubles de jouissance et d'exploitation ou la gêne occasionnée par le passage des préposés à la surveillance et à l'entretien, en revanche les conséquences des dommages purement accidentels causés par les travaux de construction, de réparation ou d'entretien des ouvrages, ainsi que les dommages résultant de l'exécution de tels travaux publics ou de la présence d'ouvrages publics ressortissent à la compétence des juridictions administratives ;

3. Considérant, que pour juger que le litige ressortissait à la compétence du juge judiciaire, la cour administrative d'appel de Bordeaux a relevé que le dommage provoqué par le déplacement du pylône supportant la ligne électrique ne résultait pas du descellement accidentel de cet ouvrage mais avait pour origine la présence de ce dernier à proximité immédiate du bâtiment en construction, et en a déduit qu'il était une conséquence directe de la servitude instituée par la convention du 18 mars 1992 en application de la loi du 15 juin 1906 ; qu'en statuant ainsi, alors que ce dommage résultait de l'exécution de travaux publics entrepris pour la construction d'un collège, et qu'il ressortissait par suite à la compétence du juge administratif, la cour a commis une erreur de droit ;

4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, que la société EDF est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque;

5. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société EDF qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département de la Guadeloupe une somme à verser à la société EDF à ce même titre ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 27 mai 2014 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Article 3 : Les conclusions présentées par EDF et par le département de la Guadeloupe au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Electricité de France et au département de la Guadeloupe.


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 383244
Date de la décision : 29/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 29 jui. 2016, n° 383244
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Marie-Gabrielle Merloz
Rapporteur public ?: M. Romain Victor
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE ; HAAS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:383244.20160629
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