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29/06/2016 | FRANCE | N°387890

France | France, Conseil d'État, 1ère - 6ème chambres réunies, 29 juin 2016, 387890


Vu les procédures suivantes :

1° Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés sous le n° 387890 les 11 février et 12 novembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat Les Entreprises du médicament (LEEM) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2014-1703 du 30 décembre 2014 modifiant les règles relatives à l'élaboration de recommandations temporaires d'utilisation établies en application du I de l'article L. 5121-12-1 du code de la santé publique ;

2°) subsidiairement, de surseoir

à statuer et de renvoyer à la Cour de justice de l'Union européenne la question de sa...

Vu les procédures suivantes :

1° Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés sous le n° 387890 les 11 février et 12 novembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat Les Entreprises du médicament (LEEM) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2014-1703 du 30 décembre 2014 modifiant les règles relatives à l'élaboration de recommandations temporaires d'utilisation établies en application du I de l'article L. 5121-12-1 du code de la santé publique ;

2°) subsidiairement, de surseoir à statuer et de renvoyer à la Cour de justice de l'Union européenne la question de savoir si le paragraphe 1 de l'article 5 de la directive 2001/83/CE doit être interprété comme s'opposant à des dispositions nationales qui permettent l'adoption d'une recommandation temporaire d'utilisation autorisant qu'une spécialité pharmaceutique fasse l'objet d'une prescription non conforme à son autorisation de mise sur le marché à la seule condition de l'absence de spécialité de même principe actif, de même dosage et de même forme pharmaceutique disposant d'une autorisation de mise sur le marché dans l'indication ou les conditions d'utilisation considérées, sans exiger la démonstration des besoins spéciaux auxquelles celle-ci pourrait répondre, si les conditions mentionnées par cet article seraient satisfaites en présence d'une alternative médicamenteuse à la spécialité faisant l'objet de la recommandation, qui serait autorisée et disponible sur le marché national mais dont le principe actif, le dosage ou la forme pharmaceutique différerait et si des considérations financières peuvent participer des circonstances susceptibles de justifier l'application de la dérogation prévue au paragraphe 1 de l'article 5 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Par une requête et deux mémoires en réplique, enregistrés sous le n° 388228 les 23 février 2015, 8 février 2016 et 11 mai 2016, la société Roche SAS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même décret ;

2°) subsidiairement, de surseoir à statuer et de renvoyer à la Cour de justice de l'Union européenne la question de savoir si les dispositions de l'article 5, paragraphe 1, de la directive 2001/83/CE, lues à la lumière de l'article 16 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, permettent d'étendre l'usage d'un médicament dans une indication thérapeutique différente de celle prévue par son autorisation de mise sur le marché, alors que l'autorisation de mise sur le marché d'autres médicaments couvre cette indication, sans que soit démontré ou vérifié un bénéfice thérapeutique individuel supplémentaire ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

3° Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés sous le n° 388353 les 27 février et 11 décembre 2015, les sociétés Novartis Europharm Limited et Novartis Pharma demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même décret ;

2°) subsidiairement, de surseoir à statuer et d'interroger la Cour de justice de l'Union européenne, à titre préjudiciel, sur l'interprétation des articles 5, paragraphe 1, et 6 de la directive 2001/83/CE ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat à chacune d'elles la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la directive 2001/83/CE du 6 novembre 2001 ;

- le règlement (CE) n° 726/2004 du 31 mars 2004 ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011 ;

- la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 ;

- la loi n° 2014-892 du 8 août 2014 ;

- le décret n° 2012-742 du 9 mai 2012 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Yannick Faure, auditeur,

- les conclusions de M. Jean Lessi, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Roche SAS ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 9 juin 2016, présentée par les sociétés Novartis Europharm Limited et Novartis Pharma ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 10 juin 2016, présentée par la société Roche SAS ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 5121-12-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi du 8 août 2014 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 : " I. - Une spécialité pharmaceutique peut faire l'objet d'une prescription non conforme à son autorisation de mise sur le marché en l'absence de spécialité de même principe actif, de même dosage et de même forme pharmaceutique disposant d'une autorisation de mise sur le marché ou d'une autorisation temporaire d'utilisation dans l'indication ou les conditions d'utilisation considérées, sous réserve qu'une recommandation temporaire d'utilisation établie par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé sécurise l'utilisation de cette spécialité dans cette indication ou ces conditions d'utilisation et que le prescripteur juge indispensable le recours à cette spécialité pour améliorer ou stabiliser l'état clinique de son patient. / En l'absence de recommandation temporaire d'utilisation dans l'indication ou les conditions d'utilisation considérées, une spécialité pharmaceutique ne peut faire l'objet d'une prescription non conforme à son autorisation de mise sur le marché qu'en l'absence d'alternative médicamenteuse appropriée disposant d'une autorisation de mise sur le marché ou d'une autorisation temporaire d'utilisation et sous réserve que le prescripteur juge indispensable, au regard des données acquises de la science, le recours à cette spécialité pour améliorer ou stabiliser l'état clinique de son patient. / II. - Les recommandations temporaires d'utilisation mentionnées au I sont établies pour une durée maximale de trois ans, renouvelable. Elles sont mises à la disposition des prescripteurs par le titulaire de l'autorisation de mise sur le marché ou par l'entreprise qui assure l'exploitation de la spécialité concernée. / III. - Le prescripteur informe le patient que la prescription de la spécialité pharmaceutique n'est pas conforme à son autorisation de mise sur le marché (...) / Il motive sa prescription dans le dossier médical du patient. / IV. - (...) / Les recommandations temporaires d'utilisation sont élaborées dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat (...) / Ces recommandations sont assorties d'un protocole de suivi des patients, qui précise les conditions de recueil des informations concernant l'efficacité, les effets indésirables et les conditions réelles d'utilisation de la spécialité par le titulaire de l'autorisation de mise sur le marché ou l'entreprise qui l'exploite. Le protocole peut comporter l'engagement, par le titulaire de l'autorisation, de déposer dans un délai déterminé une demande de modification de cette autorisation " ;

2. Considérant que, par un décret du 30 décembre 2014, pris à la suite de la modification de l'article L. 5121-12-1 du code de la santé publique par la loi du 8 août 2014, le Premier ministre a modifié les règles relatives à l'élaboration des recommandations temporaires d'utilisation de spécialités pharmaceutiques, établies sur le fondement du premier alinéa du I de cet article, pour, notamment, préciser l'objet de ces recommandations et le contenu des protocoles dont elles sont assorties ; que, par trois requêtes qu'il y a lieu de joindre, le syndicat Les Entreprises du médicament, la société Roche SAS et les sociétés Novartis Europharm Limited et Novartis Pharma demandent l'annulation pour excès de pouvoir de ce décret ;

Sur la consultation du Conseil d'Etat :

3. Considérant que lorsque, comme en l'espèce, un décret doit être pris en Conseil d'Etat, le texte retenu par le Gouvernement ne peut être différent à la fois du projet qu'il a soumis au Conseil d'Etat et du texte adopté par ce dernier ; qu'il ressort des pièces produites par le ministre des affaires sociales et de la santé que le décret attaqué ne contient aucune disposition différant à la fois de celles qui figuraient dans le projet du Gouvernement et de celles qui ont été adoptées par la section sociale du Conseil d'Etat ; que, dès lors, la société Roche n'est pas fondée à soutenir que les règles qui gouvernent l'examen par le Conseil d'Etat des projets de décret auraient été méconnues ;

Sur le respect de la directive du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain et du règlement du 31 mars 2004 établissant des procédures communautaires pour l'autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une Agence européenne des médicaments :

4. Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 6 de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001, dans sa rédaction issue du règlement (CE) n° 1394/2007 du 13 novembre 2007 : " Aucun médicament ne peut être mis sur le marché d'un État membre sans qu'une autorisation de mise sur le marché n'ait été délivrée par l'autorité compétente de cet État membre, conformément à la présente directive, ou qu'une autorisation n'ait été délivrée conformément aux dispositions du règlement (CE) n° 726/2004 (...) / Lorsqu'un médicament a obtenu une première autorisation de mise sur le marché conformément au premier alinéa, tout dosage, forme pharmaceutique, voie d'administration et présentation supplémentaires, ainsi que toute modification et extension, doivent également obtenir une autorisation conformément au premier alinéa ou être inclus dans l'autorisation de mise sur le marché initiale (...) " ; que l'article 8 de cette directive prévoit l'introduction d'une demande d'autorisation de mise sur le marché, comportant notamment la mention des indications thérapeutiques, de la posologie, de la forme pharmaceutique, du mode et de la voie d'administration du médicament ; qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 5 de la même directive, dans sa rédaction issue de la directive 2004/27/CE du 31 mars 2004 : " Un État membre peut, conformément à la législation en vigueur et en vue de répondre à des besoins spéciaux, exclure des dispositions de la présente directive les médicaments fournis pour répondre à une commande loyale et non sollicitée, élaborés conformément aux spécifications d'un professionnel de santé agréé et destinés à ses malades particuliers sous sa responsabilité personnelle directe " ;

5. Considérant qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment de son arrêt Commission européenne c/ République de Pologne du 29 mars 2012 (C-185/10), que le paragraphe 1 de l'article 5 de cette directive constitue une disposition dérogatoire, d'interprétation stricte, applicable dans les seuls cas exceptionnels où le médecin, à l'issue de l'examen du patient et pour répondre aux besoins spéciaux de ce dernier, estime devoir lui prescrire un médicament qui ne dispose pas d'une autorisation de mise sur le marché valable dans l'Union européenne et dont il n'existe pas d'équivalent autorisé sur le marché national ou disponible sur ce marché ; que ce paragraphe ne saurait être invoqué lorsque des médicaments ayant les mêmes substances actives, le même dosage et la même forme que ceux que le médecin estime devoir prescrire pour son patient sont déjà autorisés et disponibles sur le marché national ; que des considérations financières ne sauraient, à elles seules, conduire à reconnaître l'existence de besoins spéciaux susceptibles de justifier l'application de la dérogation prévue à ce paragraphe ; que, par son arrêt Novartis Pharma GmbH c/ Apozyt GmbH du 11 avril 2013 (C-535/11), la Cour de justice a également envisagé l'application de ce même paragraphe à la mise à disposition d'un médicament autorisé pour des indications thérapeutiques ne figurant pas dans l'autorisation de mise sur le marché, lorsqu'elle intervient conformément aux spécifications d'un praticien et sous sa responsabilité personnelle directe ; qu'en particulier, en présence de deux spécialités dont les principes actifs sont différents, un médecin peut, pour une pathologie donnée et en se fondant uniquement sur des considérations thérapeutiques propres à son patient, y compris en prenant en compte les modalités d'administration du médicament, estimer qu'un traitement par la spécialité ne disposant pas d'une autorisation de mise sur le marché dans l'indication considérée, selon la forme galénique et la posologie qu'il estime appropriées, est préférable à un traitement par la spécialité disposant d'une autorisation de mise sur le marché dans cette même indication ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article R. 5121-76-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue du décret attaqué : " La recommandation temporaire d'utilisation, établie en application du I de l'article L. 5121-12-1, a pour objet de sécuriser la prescription d'un médicament non conforme à son autorisation de mise sur le marché par un prescripteur qui, pour répondre aux besoins spéciaux du patient, appréciés à l'issue d'un examen effectif de ce dernier, et en se fondant sur les considérations thérapeutiques qui lui sont propres, lui prescrit ce médicament selon la forme galénique et la posologie qu'il estime appropriées, en l'absence d'une spécialité ayant le même principe actif, la même forme pharmaceutique et le même dosage, disposant d'une autorisation de mise sur le marché ou d'une autorisation temporaire d'utilisation dans l'indication ou les conditions d'utilisation considérées " ;

7. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des termes mêmes du premier alinéa du I de l'article L. 5121-12-1 cité au point 1 et de l'article R. 5121-76-1 du code de la santé publique que l'élaboration d'une recommandation temporaire d'utilisation n'est possible qu'en l'absence de spécialité de même principe actif, de même dosage et de même forme pharmaceutique disposant d'une autorisation de mise sur le marché ou d'une autorisation temporaire d'utilisation dans l'indication ou les conditions d'utilisation considérées et qu'elle ne saurait porter, en conséquence, sur une spécialité générique telle que définie au 5° de l'article L. 5121-1 du même code ; qu'en outre, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que, en vertu du paragraphe 1 de l'article 5 de la directive 2001/83/CE, un médicament autorisé peut, sous certaines conditions, être mis à disposition pour des indications thérapeutiques ne figurant pas dans l'autorisation de mise sur le marché, notamment si le principe actif de ce médicament diffère de celui d'une autre spécialité disposant d'une autorisation de mise sur le marché dans ces mêmes indications ; que si les dispositions litigieuses n'excluent pas qu'il puisse en aller de même en présence d'un médicament différant seulement par son dosage ou par sa forme, c'est à la condition expresse que le prescripteur juge indispensable le recours à cette spécialité pour répondre au besoin thérapeutique de son patient ; que, dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les dispositions qu'ils critiquent méconnaîtraient le paragraphe 1 de l'article 5 de la directive en ce qu'elles permettent l'élaboration d'une recommandation temporaire d'utilisation en présence d'une spécialité disposant d'une autorisation de mise sur le marché dans l'indication considérée ;

8. Considérant que, eu égard au développement de la pratique de prescriptions de certaines spécialités en dehors des indications ou des conditions d'utilisation de leur autorisation de mise sur le marché, aux bénéfices susceptibles d'en être attendus ainsi qu'aux risques courus, le législateur a entendu, par l'élaboration de recommandations temporaires d'utilisation, et sans que le deuxième alinéa du I de l'article L. 5121-12-1 du code de la santé publique interdise ces prescriptions en l'absence de recommandation, renforcer les garanties associées à cette pratique par la mise à disposition des médecins, par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé chargée de leur élaboration, d'informations relatives notamment aux bénéfices attendus de la spécialité et aux risques courus dans l'indication ou les conditions d'utilisation en cause et par la mise en place d'un suivi des patients ; que, toutefois, l'élaboration d'une telle recommandation ne dispense pas chaque prescripteur de s'assurer que le recours, non conforme à l'autorisation de mise sur le marché, à la spécialité faisant l'objet de la recommandation est indispensable pour améliorer ou stabiliser l'état clinique de son patient ; que, dans ce cadre, il revient au prescripteur, après avoir procédé à l'examen de son patient, d'apprécier ses besoins spéciaux et de se fonder sur des considérations thérapeutiques propres à ce dernier ; qu'il doit l'informer et motiver la prescription dans son dossier médical ; que, dès lors, compte tenu des conditions auxquelles est soumise toute prescription d'une spécialité faisant l'objet d'une recommandation temporaire d'utilisation, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'adoption d'une telle recommandation priverait la dérogation prévue par le paragraphe 1 de l'article 5 de la directive de son caractère exceptionnel et méconnaîtrait l'exigence d'une interprétation stricte ;

9. Considérant, enfin, que si les requérants soutiennent que l'élaboration d'une recommandation temporaire d'utilisation pourrait être motivée par des considérations économiques, il résulte des termes mêmes du premier alinéa du I de l'article L. 5121-12-1 du code de la santé publique qu'elle répond à un objectif de sécurité accrue des prescriptions et que le médecin, pour prescrire à son patient dans l'indication ou dans les conditions d'utilisation considérées une spécialité faisant l'objet d'une recommandation temporaire d'utilisation, doit se fonder sur les seules considérations thérapeutiques propres à ce patient ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 7 à 9 ci-dessus que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les dispositions de l'article L. 5121-12-1 du code de la santé publique, pour l'application desquelles le décret attaqué a été pris, ainsi que ce décret lui-même méconnaîtraient les objectifs du paragraphe 1 de l'article 5 de la directive 2001/83/CE du 6 novembre 2001 ; que, dès lors que ces dispositions relèvent de la dérogation prévue par ce paragraphe, il ne peut être soutenu qu'elles permettraient de méconnaître ou de modifier des autorisations de mise sur le marché délivrées, en violation des objectifs des articles 6 et 8 de la directive ;

11. Considérant, en second lieu, d'une part, qu'aux termes du 1 de l'article 3 du règlement (CE) n° 726/2004 du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004, qui prévoit une procédure centralisée d'autorisation pour certains médicaments issus de procédés biotechnologiques ou contenant une nouvelle substance active, les médicaments de thérapie innovante et les médicaments orphelins : " Aucun médicament figurant à l'annexe ne peut être mis sur le marché dans la Communauté sans qu'une autorisation de mise sur le marché n'ait été délivrée par la Communauté conformément au présent règlement " ; qu'aux termes du 2 de l'article 81 de ce règlement : " Une autorisation de mise sur le marché d'un médicament relevant du présent règlement ne peut être octroyée, refusée, modifiée, suspendue ou retirée que selon les procédures et pour les motifs prévus au présent règlement " ; que, toutefois, il résulte également du 1 de l'article 13 du règlement qu'une autorisation de mise sur le marché délivrée conformément à ce règlement " confère, dans chaque État membre, les mêmes droits et les mêmes obligations qu'une autorisation de mise sur le marché délivrée par cet État membre conformément à l'article 6 de la directive 2001/83/CE " ; que l'article 83 du règlement prévoit également que " les États membres peuvent rendre disponible en vue d'un usage compassionnel un médicament à usage humain relevant des catégories visées à l'article 3, paragraphes 1 et 2, du présent règlement " en précisant en son point 9 que " Le présent article est sans préjudice (...) de l'article 5 de la directive 2001/83/CE " ; que, dès lors que les recommandations temporaires d'utilisation prévues par le décret attaqué relèvent, ainsi qu'il vient d'être dit, de la dérogation prévue par le paragraphe 1 de cet article 5, les requérants ne peuvent soutenir que les dispositions qu'ils critiquent méconnaîtraient les compétences reconnues à l'Agence européenne des médicaments en cas d'application de la procédure centralisée d'autorisation de mise sur le marché prévue par le règlement (CE) n° 726/2004 du 31 mars 2004 ;

12. Considérant, d'autre part, que le dernier alinéa du IV de l'article L. 5121-12-1 du code de la santé publique prévoit, ainsi qu'il a déjà été dit, que les recommandations temporaires d'utilisation " sont assorties d'un protocole de suivi des patients, qui (...) peut comporter l'engagement, par le titulaire de l'autorisation, de déposer dans un délai déterminé une demande de modification de cette autorisation " ; que, toutefois, les recommandations temporaires d'utilisation qui ne créent, au profit du titulaire de l'autorisation de mise sur le marché de la spécialité concernée ou de l'entreprise qui assure son exploitation, aucun droit de nature à faire obstacle à ce qu'elles soient modifiées ou abrogées, peuvent l'être à tout moment, notamment si l'examen de la demande de modification de l'autorisation de mise sur le marché fait apparaître que les risques courus sont supérieurs aux bénéfices attendus de la spécialité dans l'indication ou les conditions d'utilisation en cause ; que l'article R. 5121-76-8 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue du décret du 9 mai 2012 relatif aux recommandations temporaires d'utilisation des spécialités pharmaceutiques, précise ainsi que : " En cas de suspicion de risque pour la santé publique (...) ou si le directeur général de l'agence estime que les conditions mentionnées à l'article L. 5121-12-1 ne sont plus remplies, il peut modifier, suspendre ou retirer la recommandation temporaire d'utilisation. / (...) / La délivrance d'une autorisation de mise sur le marché (...) pour une ou plusieurs indications ou conditions d'utilisation prévues par une recommandation temporaire d'utilisation met immédiatement fin, pour ces indications et conditions, à la recommandation " ; que, par suite, la société Roche n'est pas fondée à soutenir que les dispositions qu'elle critique pourraient placer la France dans la situation de méconnaître les décisions, notamment de refus de modification d'une autorisation de mise sur le marché, prises par les autorités européennes sur le fondement du règlement (CE) n° 726/2004 du 31 mars 2004 ;

Sur le respect du droit à la protection de la santé et de l'objectif tenant à un niveau élevé de protection de la santé humaine :

13. Considérant qu'en vertu du onzième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, la Nation " garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé " ; qu'aux termes du 1 de l'article 168 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " Un niveau élevé de protection de la santé humaine est assuré dans la définition et la mise en oeuvre de toutes les politiques et actions de l'Union (...) " ; qu'aux termes de l'article 35 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " (...) Un niveau élevé de protection de la santé humaine est assuré dans la définition et la mise en oeuvre de toutes les politiques et actions de l'Union " ;

14. Considérant que le médecin est libre de prescrire à ses patients les spécialités pharmaceutiques qu'il estime les plus appropriées, dans les limites fixées par la loi et compte tenu des données acquises de la science ; que la circonstance qu'une spécialité ait fait l'objet d'une autorisation de mise sur le marché, à la demande du laboratoire la produisant, pour certaines indications thérapeutiques et conditions d'utilisation n'exclut pas, par elle-même, que l'efficacité de ce médicament soit prise en compte pour d'autres indications ; que l'élaboration de recommandations temporaires d'utilisation, autorisée par le premier alinéa du I de l'article L. 5121-12-1 du code de la santé publique, a pour objet de renforcer les garanties associées à l'utilisation des spécialités qui en sont l'objet dans une indication ou des conditions d'utilisation non prévues par leur autorisation de mise sur le marché, lorsque le prescripteur juge indispensable d'y recourir pour améliorer ou stabiliser l'état clinique de son patient ; qu'à cette fin, elles sont assorties d'un protocole de suivi des patients, permettant de recueillir des informations relatives notamment à l'efficacité et aux effets indésirables de la spécialité ; qu'elles sont établies par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, après information du titulaire de l'autorisation de mise sur le marché ; que le prescripteur doit informer le patient que la prescription de la spécialité n'est pas conforme à son autorisation de mise sur le marché et motiver sa prescription dans le dossier médical du patient ;

15. Considérant que l'article R. 5121-76-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue du décret attaqué, précise que les prescriptions susceptibles d'intervenir en conformité avec des recommandations temporaires d'utilisation doivent répondre aux besoins spéciaux du patient ; que l'article R. 5121-76-2 du même code, dans sa rédaction issue de ce même décret, prévoit que le protocole de suivi des patients détermine notamment le rôle des prescripteurs et des pharmaciens, désormais tenus de participer au recueil des informations relatives au suivi des prescriptions réalisées dans le cadre de la recommandation temporaire d'utilisation, ainsi que le rôle du titulaire de l'autorisation de mise sur le marché ou de l'entreprise assurant l'exploitation de la spécialité ; que l'article R. 5121-76-9 du même code, dans sa rédaction issue de ce même décret, dispose que le titulaire de l'autorisation ou l'entreprise assurant l'exploitation diffuse auprès des prescripteurs la recommandation temporaire d'utilisation et ses mises à jour ;

16. Considérant, au surplus, que le septième alinéa de l'article R. 5121-76-1 du code de la santé publique dispose que la recommandation temporaire d'utilisation " est assortie d'un argumentaire faisant apparaître les données disponibles qui permette de présumer que les bénéfices attendus de la spécialité concernée sont supérieurs aux risques encourus dans cette indication ou ces conditions d'utilisation " ; qu'à cette fin, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé doit procéder, aux termes de l'article R. 5121-76-6 du même code, dont les dispositions sur ce point sont issues du décret du 9 mai 2012, " à l'évaluation de l'efficacité et de la sécurité présumées de la spécialité dans l'indication ou les conditions d'utilisation considérées ", sur la base des informations que doit lui transmettre le titulaire de l'autorisation de mise sur le marché et des connaissances scientifiques disponibles, ainsi que, pour certaines maladies, d'institutions spécialisées ; qu'en outre, l'article R. 5121-76-8 dispose que " en cas de suspicion de risque pour la santé publique ou en cas de manquement à l'obligation de suivi des patients et de recueil d'informations ou si le directeur général de l'agence estime que les conditions mentionnées à l'article L. 5121-12-1 ne sont plus remplies, il peut modifier, suspendre ou retirer la recommandation temporaire d'utilisation (...) ", y compris immédiatement en cas d'urgence ;

17. Considérant, d'une part, que, compte tenu de la meilleure information des médecins et du suivi des patients qu'elles permettent, ainsi que des garanties qu'elles comportent en ce qui concerne notamment l'évaluation de l'efficacité et de la sécurité présumées des spécialités en cause, ces dispositions législatives et réglementaires, qui, contrairement à ce qui est soutenu, n'ont pas pour objet d'encourager les prescriptions en dehors des garanties apportées par la procédure d'autorisation de mise sur le marché, ne méconnaissent pas l'objectif consistant à assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine, reconnu par les articles 168 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et 35 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

18. Considérant, d'autre part, que la sanction de la méconnaissance des obligations de pharmacovigilance des praticiens et pharmaciens est prévue par l'article L. 5421-8 du code de la santé publique ; que les modalités selon lesquelles l'efficacité thérapeutique justifiant une recommandation temporaire d'utilisation est établie ont été fixées par le décret du 9 mai 2012 et que les modifications apportées à l'article L. 5121-12-1 du code de la santé publique par la loi du 8 août 2014 n'imposaient pas, au regard du droit à la protection de la santé, que le décret attaqué modifie ces modalités ; que l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé n'imposait pas plus que le pouvoir réglementaire précise les conditions de modification du conditionnement des médicaments considérés ni les modalités d'information du patient et de motivation de la prescription ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le décret attaqué, faute de comporter des dispositions sur ces différents points, méconnaîtrait le onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ou la loi du 8 août 2014 ;

Sur le respect de la liberté d'entreprendre et de la liberté d'entreprise :

19. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 16 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " La liberté d'entreprise est reconnue conformément au droit de l'Union et aux législations et pratiques nationales " ; qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que des restrictions peuvent être apportées à l'exercice de la liberté d'entreprise, qui comporte notamment la liberté d'exercer une activité économique et la libre concurrence, à condition qu'elles répondent à des objectifs d'intérêt général poursuivis par l'Union et ne s'avèrent pas manifestement excessives au regard du but poursuivi ;

20. Considérant que les recommandations temporaires d'utilisation visent, ainsi qu'il vient d'être dit, à assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine, qui constitue un objectif reconnu par l'article 35 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

21. Considérant que les recommandations temporaires d'utilisation, qui sont élaborées par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé avec le concours du titulaire de l'autorisation de mise sur le marché ou de l'entreprise assurant l'exploitation de la spécialité, s'adressent principalement aux praticiens, dans un objectif de sécurité accrue de leurs prescriptions ; que s'il est vrai que leur élaboration n'est pas subordonnée à l'accord du titulaire de l'autorisation ou de l'entreprise assurant l'exploitation de la spécialité, il n'en résulte pas pour autant, contrairement à ce que soutiennent les sociétés Novartis Europharm Limited et Novartis Pharma, que le titulaire de l'autorisation soit tenu, à la suite de l'élaboration d'une recommandation, de déposer une demande de modification de l'autorisation de mise sur le marché en vue de l'extension des indications de la spécialité ou de la modification de ses conditions d'utilisation, une telle demande constituant une simple faculté, ainsi que le prévoit le dernier alinéa du IV de l'article L. 5121-12-1 du code de la santé publique, qui suppose seulement que le titulaire fasse connaître son intention lors de l'élaboration de la recommandation, en vertu du 8°, compétemment ajouté par le décret attaqué à l'article R. 5121-76-4 du code de la santé publique ; que les dispositions de l'article L. 162-17-2-1 du code de la sécurité sociale, relatives aux conditions de prise en charge par l'assurance maladie d'une spécialité faisant l'objet d'une recommandation temporaire d'utilisation ayant un objet différent de celui du décret attaqué, il ne peut être utilement soutenu qu'elles permettraient d'imposer une telle demande de modification ; que l'existence d'une recommandation temporaire d'utilisation n'interdit pas au titulaire d'une autorisation de mise sur le marché de cesser la commercialisation de la spécialité correspondante, s'il estime devoir y mettre fin ;

22. Considérant, par ailleurs, que l'article 23 de la directive 2001/83/CE du 6 novembre 2001, dans sa rédaction issue de la directive 2010/84/UE du 15 décembre 2010, dispose que : " (...) Le titulaire de l'autorisation de mise sur le marché communique immédiatement à l'autorité nationale compétente (...) toute (...) information nouvelle qui pourrait influencer l'évaluation des bénéfices et des risques du médicament concerné. Les informations en question comprennent les résultats tant positifs que négatifs des essais cliniques ou d'autres études pour toutes les indications et populations, qu'elles figurent ou non dans l'autorisation de mise sur le marché, ainsi que des données concernant toute utilisation du médicament d'une manière non conforme aux termes de l'autorisation de mise sur le marché " ; qu'il résulte également de l'article 107 de cette directive que le titulaire d'une autorisation de mise sur le marché est tenu d'enregistrer tous les effets indésirables suspectés qui sont survenus dans l'Union ou les pays tiers et dont il a connaissance, la notion d'effet indésirable recouvrant notamment, ainsi que le précise le considérant 5 de la directive 2010/84/UE, les réactions nocives et non voulues résultant des utilisations d'un médicament non conformes aux termes de l'autorisation de mise sur le marché ; qu'il résulte ainsi de ces dispositions que les obligations de pharmacovigilance pesant sur les titulaires d'autorisations de mise sur le marché recouvrent nécessairement les utilisations de spécialités non conformes à leur autorisation de mise sur le marché ; que ces obligations pouvaient être complétées par un recueil des informations relatives à l'efficacité et aux conditions réelles d'utilisation de la spécialité, qui sont de nature à influencer l'évaluation des bénéfices et des risques de cette spécialité ; que si la loi du 8 août 2014 a substitué à la convention précisant les modalités de suivi des patients et de recueil des informations correspondantes un protocole élaboré par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé après, ainsi que le prévoit le décret attaqué, consultation du titulaire de l'autorisation de mise sur le marché ou de l'entreprise qui assure l'exploitation de la spécialité, ces dispositions n'ont pas pour objet d'aggraver les obligations de suivi mises à la charge de ce titulaire ou de cette entreprise mais répondent à la volonté de préciser également les obligations incombant aux prescripteurs et aux pharmaciens dans le suivi des patients ;

23. Considérant, par ailleurs, que le II de l'article L. 5121-12-1 du code de la santé publique dispose, ainsi qu'il a déjà été dit, que les recommandations " sont mises à la disposition des prescripteurs par le titulaire de l'autorisation de mise sur le marché ou par l'entreprise qui assure l'exploitation de la spécialité concernée " ; que l'article R. 5121-76-9 du même code, dans sa rédaction issue du décret attaqué, prévoit que le titulaire de l'autorisation ou l'entreprise qui assure l'exploitation de la spécialité diffuse auprès des prescripteurs la recommandation temporaire d'utilisation initiale et chacune de ses mises à jour ; que cette obligation de mise à disposition de la recommandation, en complément de sa publication sur le site internet de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et par des moyens laissés à l'appréciation du titulaire de l'autorisation ou de l'entreprise considéré, ne constitue pas une sujétion disproportionnée ;

24. Considérant, en outre, que le décret attaqué ne comporte aucune disposition relative au régime de responsabilité applicable en cas de prescription d'une spécialité pharmaceutique, dans d'autres indications ou conditions d'utilisation que celles qui sont prévues par l'autorisation de mise sur le marché, conformément à une recommandation temporaire d'utilisation ; que les requérants ne peuvent utilement critiquer les dispositions législatives du code de la santé publique, en tant qu'elles ne prévoient pas d'exonération de responsabilité du titulaire de l'autorisation de mise sur le marché en cas de dommage résultant de l'utilisation de la spécialité en dehors des indications ou des conditions d'utilisation prévues par son autorisation ; que les principes fondamentaux du régime des obligations civiles et commerciales relevant de la loi en vertu de l'article 34 de la Constitution, ils ne peuvent pas plus faire grief au décret de ne comporter aucune disposition sur ce point ;

25. Considérant, enfin, qu'il incombe à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé d'exercer la faculté qui lui est reconnue d'élaborer des recommandations temporaires d'utilisation dans le respect du principe d'égalité, qui fait notamment obstacle à ce que des spécialités concurrentes fassent l'objet d'une différence de traitement manifestement disproportionnée au regard de la différence de situation ou du motif d'intérêt général qui la justifierait ;

26. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les restrictions apportées à la liberté d'entreprise par le décret attaqué et les dispositions législatives sur le fondement desquelles il a été pris ne sont pas manifestement excessives au regard de l'objectif poursuivi d'un niveau élevé de protection de la santé humaine ; que le moyen tiré de la méconnaissance de la liberté d'entreprise doit être écarté ;

27. Considérant, en second lieu, que si les sociétés Novartis Europharm Limited et Novartis Pharma critiquent également le décret au regard de la liberté d'entreprendre qui découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, en ce qu'il imposerait au titulaire de l'autorisation de mise sur le marché de solliciter la modification de son autorisation, le décret, ainsi qu'il a été dit au point 21, ne comporte pas une telle obligation ; que, par suite, le moyen ne peut qu'être écarté ;

Sur le respect du principe de confiance légitime :

28. Considérant que la possibilité de se prévaloir du principe de protection de confiance légitime, qui fait partie des principes généraux du droit de l'Union européenne, est ouverte à tout opérateur économique auprès de qui une institution publique a fait naître, à l'occasion de la mise en oeuvre du droit de l'Union, des espérances fondées ;

29. Considérant, d'une part, que si l'octroi d'une autorisation initiale de mise sur le marché pour une spécialité susceptible d'être qualifiée de spécialité de référence fait obstacle, pendant une durée minimale de dix ans, à la commercialisation d'une spécialité générique, elle ne garantit en rien le titulaire de cette autorisation contre la mise sur le marché de spécialités qui, bien qu'ayant une composition en principes actifs différente, sont concurrentes, contre l'extension des indications thérapeutiques d'une spécialité disposant déjà d'une autorisation de mise sur le marché, susceptible de faire concurrence à sa propre spécialité, ou contre l'évolution des pratiques de prescription des médecins ; que, d'autre part, le décret attaqué permet l'entrée en vigueur des dispositions issues de la loi du 8 août 2014, qui restreignent les conditions dans lesquelles une recommandation temporaire d'utilisation peut être établie, telles qu'elles résultaient de la loi du 17 décembre 2012 ; que, par suite, les sociétés Novartis Europharm Limited et Novartis Pharma ne pouvaient tirer de la délivrance, le 23 janvier 2014, d'une autorisation de mise sur le marché pour la spécialité Lucentis 10 mg/ml, solution injectable en seringue pré-remplie, des espérances fondées, relatives au niveau des ventes de leur spécialité, qui aurait fait obstacle à l'entrée en vigueur du décret attaqué avant l'expiration de la durée de cinq ans de cette autorisation ;

30. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne à titre préjudiciel, que le syndicat Les Entreprises du médicament, la société Roche SAS et les sociétés Novartis Europharm Limited et Novartis Pharma ne sont pas fondés à demander l'annulation du décret qu'ils attaquent ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

31. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans les présentes instances, la partie perdante ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les requêtes du syndicat Les Entreprises du médicament, de la société Roche SAS et des sociétés Novartis Europharm Limited et Novartis Pharma sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au syndicat Les Entreprises du médicament, à la société Roche SAS, à la société Novartis Europharm Limited, à la société Novartis Pharma, au Premier ministre et à la ministre des affaires sociales et de la santé.


Synthèse
Formation : 1ère - 6ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 387890
Date de la décision : 29/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Communautés européennes et Union européenne - Règles applicables - Santé publique.

Santé publique - Pharmacie - Produits pharmaceutiques - Autorisations de mise sur le marché.


Publications
Proposition de citation : CE, 29 jui. 2016, n° 387890
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Yannick Faure
Rapporteur public ?: M. Jean Lessi

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:387890.20160629
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